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vendredi 13 novembre 2020

Fange / Poigne

 



Donc... pas trop le temps de dire ouf après un Pudeur plutôt réussi et explorant de nouveaux horizons industriels que FANGE revient déjà avec un mini-album intitulé Poigne, un disque estampillé, c’est écrit en très gros tout en haut de la pochette, « Bretagne Industrielle » (et c’est une constante chez le groupe de donner à tous ses enregistrements des titres commençant uniquement par un P, un peu comme Foetus ou Jesus Lizard donnaient aux leurs des four letter words). Toutes les informations techniques et artistiques figurent d’ailleurs en bonne place au recto, à commencer par le line-up du groupe : on apprend ainsi qu’au trio déjà présent sur Pudeur et toujours composé d’Antoine Moreau, Mathias Jungbluth et Antoine Perron se rajoute un certain Jean Baptiste Lévêque. Celui-ci avait déjà joué au sein de Fange, c’était aux débuts du groupe et on peut l’entendre sur Poisse (2014) ainsi que sur Purge (2016)…
… Ce « nouveau » renfort n’a rien de si étonnant : ayant également été le tout premier chanteur / hurleur de Fange  – avant que Matthias Jungbluth n’occupe le poste avec le brio que l’on sait – Jean Baptiste Lévêque est un habitué des machines et un bidouilleur de sons et sa présence donne le La à un septième enregistrement encore plus marqué que son prédécesseur par la musique industrielle et la froideur mécaniquex. De son côté Antoine Moreau est toujours crédité à la guitare mais il s’est également concentré sur les machines et la programmation des rythmes tandis qu’Antoine Perron a complètement délaissé sa basse pour lui aussi se mettre à la bidouille synthétique.
Avec Poigne, le groupe, toujours aussi prolifique, continue sa mue, son évolution, son exploration des ténèbres et s’auto-qualifie désormais d’ « industrial death » et de « harsh sludge ». Il est vrai que Les Jours Azurs ne laisse guère de place au doute avec un démarrage à vif et concassé de bruits divers et (a)variés pouvant vaguement rappeler l’intro mythique de l’album Haus der Lüge de Neubauten. Un titre qui reste mon préféré de Poigne car le rythme y est lent et l’ambiance vraiment malsaine, parce qu’on y entend encore un peu de guitare (notamment à partir de l’ultime reprise, à 2’40) et que l’aspect machines / synthèse bruitiste n’a pas totalement pris le dessus sur tout le reste. Les trois autres compositions du disque n’ont pourtant rien de déshonorant, bien au contraire. En utilisant des sons de nature plus identifiable (i.e. synthétique) Flamme Mourante est un peu plus conventionnel, à la croisée d’une EBM rampante et perverse. Ce que ne démentent pas D’un Désarroi L’autre (mâtiné d’un peu de Nine Inch Nails primitif) ni le final Géhenne, sombre reptation un rien grandiloquente au pays de la douleur et des doutes. 
Reste – encore une fois – à évoquer le chant de Mathias Jungbluth qui est le seul participant au disque à ne pas avoir trop bouleversé ses façons de faire. Et évoquer ses paroles que l’on peut découvrir sur la totalité du verso de la pochette**, c’est dire si elles sont importantes. A chacune et à chacun de tirer un sens qui lui appartienne de textes sombrement poétiques et décidemment tourmentés mais chargés d’un pessimisme qui pourtant ne me semble jamais totalement défaitiste – et je citerai à nouveau Les Jours Azurs dont les paroles sont pour moi les plus achevées du disque.

 

[Poigne est gravé sur un vinyle 12’ monoface de couleur marbrée rouge et noir (le regarder à la lumière est un délice qui fait froid dans le dos : on dirait l’intérieur d’une membrane), tourne en 33 tours, dure 15 minutes et a été publié par Throatruiner records]

 

* il est également l’auteur de l’illustration très réussie de Poigne
** paroles également accessibles sur le b*ndc*mp de Fange