Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

jeudi 30 mai 2019

The Feral Young / I Haven't Seen Myself In A While





Ce n’est pas tout le jour que l’on peut mettre la main sur un 7’ de la qualité de I Haven’t Seen Myself In A While : première publication officielle de THE FERAL YOUNG, cet EP est une vraie révélation. Une révélation non pas pour ce que les trois titres du disque apportent à la musique en général – l’histoire du noise-rock, puisque c’est de cela dont il s’agit, est écrite et réécrite depuis des lustres – mais parce que The Feral Young s’y impose d’ores et déjà comme un futur grand groupe du genre. Je ne sais pas trop ce qui traine dans l’atmosphère du côté de Turku (c’est en Finlande, au bord de la mer Baltique face à la Suède et ça a juste l’air magnifique) mais après les grands frères de Throat on peut dire qu’il se passe quelque chose de sérieux par là bas.

La première face comporte deux titres. The Beat est lourd et lent, la première guitare est très épaisse, la seconde plus acide, la basse est (évidemment) énorme et grasse, la batterie bien appuyée : The Beat est un court hymne à la gloire du plomb en fusion. Mais ce qui se remarque le plus c’est le chant d’écorché braillard, cette voix constamment dans le rouge, les cordes vocales qui surchauffent et un timbre qui se démarque du commun. Contrairement à beaucoup de groupes qui traitent l’importance du chant à la légère, The Feral Young en fait l’un de ses arguments principaux et sa tête de pont.
The Beat se termine à peine que débaroule Amnesia Alibi. Presque trois minutes d’
attaques frontales, la musique qui s’accélère, les guitares qui s’affutent mais l’épaisseur qui est toujours là et Amnesia Alibi se révèle être une machine encore plus implacable, tempête à la fureur bien calibrée mais qui ne perd jamais rien de son efficacité fougueuse… Arrivé à ce point du disque, je n’aurais rien trouvé à redire si The Feral Young en était resté là et je me serais satisfait des seuls The Beat et Amnesia Alibi qui après tout auraient constitué un single plus qu’honnête. Seulement voilà, pour l’instant je n’ai parlé que de la première face et le meilleur reste encore à venir.

La vraie révélation – pour employer le même terme – se trouve ainsi sur la face B et donne son nom au disque : I Haven’t Seen Myself In A While est plus qu’un coup d’éclat de la part de The Feral Young, il s’agit d’une véritable leçon, une bonne raclée. Le titre et les paroles de cette troisième composition me semblent complètement obscurs (même lorsqu’on se fait aider de la vidéo et de ses montages psycho-pop semble t-il conçus par le chanteur) mais il ne fait aucun doute que la tonalité générale est du côté de l’ombre et du trouble. Ce que retranscrit parfaitement la musique qui ici emploie la toujours très efficace méthode de l’alternance du chaud et du froid (ou du calme et du furieux, si tu préfères). Le chant suit cette même logique, d’abord plus nuancé mais toujours aussi prenant puis retombant dans les affres de la vocifération à vif. I Haven’t Seen Myself In A While est de ces compositions que l’on peut considérer comme parfaite.
The Feral Young – traduction : le jeune sauvage – porte bien son nom. Mais comme cela ne semblait pas suffire le groupe se définit lui-même comme « four mental cases make noises that one could say is music »… je ne saurais dire mieux et je guette un prochain 7’ ou pourquoi pas carrément un album en espérant qu’il se révélera aussi bon que ce premier essai plus que prometteur.

[I Haven’t Seen Myself In A While est publié par Kaos Kontrol, label et distro tenue par l’un des petits gars de Throat, justement]

mercredi 29 mai 2019

La Jungle - Past // Middle Age // Future


Je n’ai qu’une parole, ou presque : l’écoute de OK But This Is Not A Parachute, contribution de La Jungle au split consacré aux Studios Davout et publié un peu plus tôt cette année par S.K. records m’avait convaincu de me repencher sur le cas du duo belge. Parce qu’en plus je ne suis pas si rancunier que cela et même si jusqu’ici les enregistrements de La Jungle ont systématiquement engendré chez moi comme un sentiment d’ennui profond et même parfois d’agacement certain et si les concerts du groupe façon grande messe festive du chaos trans-chamanique bien propre sur lui – attention mesdames et messieurs ça va décoller – me font arriver à la même conclusion, celle d’une ronchonade à peine déguisée en acrimonie teintée de fiel, bref, j’étais prêt malgré toutes mes (légitimes) réticences à faire quelques efforts et à me laisser tenter par Past // Middle Age // Future, à ce jour troisième album studio de LA JUNGLE. Sans compter que celui-ci a été publié par Rockerill records, Black Basset records et – surtout – A Tant Rêver Du Roi, un label hautement estimable même si ces dernières années il a eu un peu trop tendance à se laisser aller à sortir des disques de math-rock tropical et de noise festive (à mon goût, évidemment, puisque j’ai toujours préféré avoir mal quand j’écoute de la musique). Ah… et puis il y avait autre chose qui m’intriguait : l’annonce d’un featuring de Bisou Bisou AKA Armelle, précédemment chanteuse de The Dreams et officiant (toujours) au sein des géniaux Heimat. Souvent il ne m’en faut pas beaucoup plus pour me convaincre de me jeter à l’eau. 




Au moins je ne peux pas nier la cohérence de la démarche de La Jungle parce que dans les faits Past // Middle Age // Future ne me semble pas si différent que cela de ces deux prédécesseurs. Et pourtant il passe beaucoup mieux la rampe. Est-ce donc moi qui ai changé à ce point là ? La réponse est évidemment négative. Indubitablement la formule musicale du groupe est toujours aussi basique et limitée : une batterie qui fait tout le temps la même chose (poum-tchac-poum-tchac avec une petite fioriture toutes les 27 secondes) et surtout une caisse claire qui sonne comme la casserole percée de Lars Ulrich sur St Anger ; une guitare qui ignore totalement ce que le mot riff signifie ; des effets transe à spirale ; des borborygmes animaliers ou des bouts de phrases scandés pour pimenter le tout ; des compositions qui reposent sur une idée et demie et qui sont d’un linéaire tellement autoroutier (les connaisseurs disent « kraut ») que l’on croirait entendre Maserati jouer en boucle Commando des Ramones… je crois que j’ai fait le tour de la question. Sur son site internet La Jungle s’autoqualifie de « techno / transe / kraut / noise duo » et ces garçons ont parfaitement raison de le faire, d’abord parce que l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même et ensuite parce qu’il est toujours bon d’avoir un mode d’emploi, même si comme ici la formule musicale est sans surprise parce que redondante et pleine de tics.
Il y a des passages du disque qui évidemment ne passent pas. Le bien nommé The Boring Age me donne systématiquement l’impression de faire un long vol plané qui sachève en catastrophe dans des chiottes au fond à droite d’une boite de nuit, le nez dans les pissotières à la recherche d’un peu de traces de coke dans les urines des habitués émergeant d’une faille spatiotemporelle entre deux parties de jeux vidéos. The Knight Of Doom est à peine moins insupportable et comme ces deux titres terminent (ou presque) Past // Middle Age // Future j’ai décidé de ne plus jamais écouter la deuxième face du disque et de me contenter de la première, celle où – par exemple – figure The Invisible Child avec le featuring d’Armelle (décevant malgré tout) ou le très efficace Hey Ha Hey Ha. Dans ces cas là La Jungle devient presque fréquentable, j’aime même m’y perdre un peu bien que je sois sûr que je n’y ferai pas de mauvaises rencontres qui pourtant pimenteraient un peu mon quotidien. Je crois que le plus gros défaut du duo réside dans cette absence totale d’enjeu et de défi – de danger : à force de ne vouloir faire que du festif et du rigolo qui déjante proprement La Jungle perd tout intérêt. Comme un slasher où tous les personnages sont forcément sexy et terminent systématiquement démembrés à la Husqvarna (placement de produit inside). Ça fait rigoler une demi-minute et puis on oublie, de toute façon c’est l’heure de la pizza. On n’est pas très loin de la pornographie.

lundi 27 mai 2019

Booker Stardrum + Jooklo Duo & Brandon Lopez + Guerilla Toss [23/05/2019]






C’est à chaque fois pareil avec les concert des italiens de JOOKLO DUO : une bonne grosse torgnole sonique et un bain de freeture ultra bouillonnante... mais pour l’occasion Virginia Genta (saxophones et lunettes noires) et David Vanzan (batterie et casquette) étaient en plus accompagnés du bassiste américain Brandon Lopez qui a fait le show et a entrepris de détruire son instrument et nos oreilles avec – jeunes gens vous revenez quand vous voulez, hein.

En première partie il y avait le beaucoup plus calme Booker Stadium, un batteur américain se servant de triggers et d’informatique musicale pour obtenir un mélange assez beau de polyrythmie et de nappes sonores célestes.

Dernier groupe à jouer Guerilla Toss était la garantie de faire danser les vieux psychorigides dans mon genre. La musique des bostoniens a beaucoup évolué depuis le premier (?) album publié en 2013 chez Tzadik et un précédent passage lyonnais en décembre 2014 ; le concert de ce soir se situait plus au croisement des premiers Blondie / B52's (pour le côté pop acide) et des tout débuts des Lounge Lizards (pour le côté no-wave / Arto Lindasy inside) sous l’égide discoïde de James Murphy (d’ailleurs les disques de Guerilla Toss sortent désormais chez DFA).

Ce concert était une étape supplémentaire de l’aventure de Grrrnd Zero Hors Les Murs… avant l’ouverture tant attendue de la nouvelle salle et que l’on nous annonce pour très bientôt ; plus de photos par ici





















































vendredi 24 mai 2019

The Flying Luttenbachers / Shattered Dimension




Surprise, incrédulité, curiosité, joie, bonheur. Voilà à peu près – et dans l’ordre – ce que j’ai ressenti lorsque Weasel Walter a annoncé la reformation et le grand retour des FLYING LUTTENBACHERS. Je croyais le bonhomme pourtant bien occupé par ailleurs (Lydia Lunch’s Retrovirus, Cellular Chaos et plein d’autres projets dont je n’ai même jamais entendu une seule note) pourtant l’évidence s’impose d’elle-même : The Flying Luttenbachers a toujours été le groupe numéro un de ce cher Christopher Todd Walter, celui pour lequel il a le plus donné de lui-même, celui qu’il chérit au plus profond de son cœur et, même s’il avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus, je crois qu’une telle reformation était inévitable.
En 2007 Weasel Walter avait enregistré tout seul Incarceration By Abstraction, un acte de bravoure pour lequel il avait assuré l’intégralité des parties de guitare, basse, batterie, clarinette, orgue et bidouille électronique et donné naissance à un album des Flying Luttenbachers que l’on pensait ultime et définitif, testamentaire. Une façon également de signifier que l’aventure devait s’arrêter là et que le batteur multi-instrumentiste était à bout (dans les notes du livret Walter avait écrit, en parlant de ses acolytes musiciens : « […] unfortunately neither musician is currently able to work with the band, so I have recorded definitive solo versions here for the sake of documentation »). Douze années plus tard l’alarme s’est brutalement remise à sonner : la machine Flying Luttenbachers est à nouveau en ordre de marche avec de nouveaux membres et, bien sûr, un nouvel album intitulé Shattered Dimension.

La première bonne nouvelle c’est que les deux titres totalement barrés et estomaquants publiés en amont par les Flying Luttenbachers sur la compilation Post Now : Round One – Chicago vs New York ne figurent pas sur Shattered Dimension. Enfin presque : en fait ce nouvel album présente une version extra longue et non censurée de Prelude To Mutation (mais on y reviendra). La deuxième bonne nouvelle est que le line-up qui a enregistré ce quinzième long format est exactement le même que celui de la compilation à savoir Brandon Seabrook à la guitare, Matt Nelson au saxophone ténor, Tim Dahl à la basse et (cela va de soi) Weasel Walter à la batterie et aux compositions. Un vrai groupe de grosses pointures mais cela a toujours été le cas des Flying Luttenbachers dont Walter est l’unique membre permanent et qui au cours de son histoire a compté dans ses rangs des sommités telles que Ken Vandermark, Jeb Bishop, Dylan Possa, Ed Rodriguez, Chad Organ, Mike Green, Mick Barr (je crois que j’en ai oublié beaucoup). 
En réintégrant un souffleur dans la composition de son groupe Weasel Walter revient en quelque sorte aux origines de celui-ci tout en faisant une sorte de synthèse de la musique des Flying Luttenbachers entre free jazz incendiaire, noise épileptique, metal extrême, prog démantibulé… l’ancienne devise du groupe – Death Metal Is Free Jazz – est plus que jamais d’actualité même si cette fois ci les notes du disque indiquent également thanks to : sex, drugs, alcohol, fun, death, money (avec toute l’ironie habituelle et mordante de Weasel Walter).

Tout commence avec un Goosesteppin’ au taquet. Guitare et saxophone se lancent mutuellement des défis pour savoir qui va foutre le plus de bordel, le tout sous l’arbitrage de Weasel Walter dont les interventions à la batterie canalisent tout le monde (un coup de double pédale pas ici ou un coup de blast par là pour remettre chacun à sa place et signifier que c’est lui le patron). Cripple Walk – avec le son de basse si caractéristique de Tim Dahl – et Sleaze Factory sont d’apparence plus calme et plus linéaire, permettant des développements moins chaotiques, ça tricote même pas mal et ça distille éventuellement de la mélodie. Il y a beaucoup de notes et pas forcément jouées dans le désordre mais jamais l’impression de dextérité ou de virtuosité ne prend le dessus et parfois le spectre du maelstrom supersonique repointe le bout de son nez pour de brusques embardées (en particulier sur Sleaze Factory). Ces deux titres permettent à Matt Nelson et à Brandon Seabrook de se faire vraiment plaisir et surtout de se faire davantage entendre – en particulier le jeu du guitariste, plein d’épines et d’arêtes, mérite toute notre admiration.
Epitaph est l’un de mes moments préférés de Shattered Dimension, une composition qui encore une fois tourne complètement autour de la batterie de Weasel Walter et de son insistance furieuse – martèlements succèdent aux blasts et inversement – canalisant et exacerbant à la fois toute la furie free noise des Flying Luttenbachers. Entendre la batterie diriger les débats, découvrir comment tout est construit à partir de ce point d’encrage en dit long sur la maitrise acquise par Weasel Walter au cours des années. C’était déjà le cas auparavant – je me rappelle d’un concert pendant lequel le batteur, tout en continuant de jouer, ne cessait de donner des instructions aux autres musiciens en faisant de grands moulinets avec les bras – mais avec Shattered Dimension on a vraiment l’impression que les Flying Luttenbachers ont atteint le niveau d’excellence, d’implication et de folie qui manquait tant à son mentor au point de le pousser à arrêter le groupe en 2007.
Pour autant maitrise ne signifie pas assagissement, loin de là : les vingt deux minutes de Mutation sont le sommet d’un disque déjà prodigue en matière de chaos expansionniste et destructeur. Vingt deux minutes qui pourraient résumer à elles seules ce que sont les Flying Luttenbachers en 2019, un groupe complètement inclassable, éclairé par la frénésie, poussant la folie musicale dans ses derniers retranchements paroxystiques, détruisant pour mieux reconstruire (et ainsi de suite), semant l’auditeur pour mieux le rattraper au vol et le torturer un peu plus fort. Mutation est la conclusion parfaite dun album qui pourrait être une longue séance de bondage musical : Shattered Dimension fait mal mais on aime ça et surtout on est consentant... Encore !

[Shattered Dimension est publié en CD par ugEXPLODE et en double vinyle par God Records]

mercredi 22 mai 2019

Trigger Cut / Buster






J’ai une vague idée maintenant de ce qui a conduit à la mort prématurée de Buzz Rodeo après deux excellents albums – il y a un mois je n’étais même pas au courant de cet épisode, c’est ça de fuir les réseaux sociaux vampiriques où on perd trop de temps à contempler le monde qui s’effondre autour de nous et à s’occuper des petites mésaventures personnelles des autres – mais, passées la colère et les inimitiés, le chanteur guitariste Ralph Schaarschmidt a immédiatement réagi et enchainé avec un nouveau groupe, TRIGGER CUT, et un premier album, intitulé Buster
La formule est la même que précédemment à savoir celle d’un trio guitare + chant / basse / batterie pour un noise rock tendu, serré et bien traditionnaliste. Il faut tout de suite oublier la référence liée à ce nom de Trigger Cut vraisemblablement pompé de l’un des plus célèbres tubes de Pavement : ici pas de fausse nonchalance, pas de brinquebalements de guitares accordées chelou et pas de canettes de soda tiède mais des références constantes à Jesus Lizard / Shellac / Chicago (la ville, pas le groupe). N’allons pas trop chercher non plus pourquoi l’artwork de Buster est basé sur un tableau de la Renaissance signé Georges de La Tour montrant deux musiciens rougeauds de colère en train se foutre sur la gueule*… par contre Buster a été appelé ainsi d’après le nom du chien de Jim Kimball (Laughing Hyenas, Mule, etc.) et dont une photo apparait même sur le rond central de la deuxième face du disque. Pourquoi ? Je n’en sais trop rien.

Et bien amies et amis cynophiles ceci constitue pourtant une information capitale qui nous permet d’affirmer volontiers que Buster est un disque plein de mordant et de hargne (et qui ne manque absolument pas de chien, mouhaha). Je suis complètement estomaqué de constater que Ralph Schaarschmidt a réussi en vraiment peu de temps – moins d’une année pleine – à remonter un groupe qui tient aussi bien la route et qui a pu enregistrer rapidement un album de la trempe inébranlable de Buster. Il y a sûrement une histoire de fierté nécessaire et réparatrice et de défi lancé à soi-même dans toute cette histoire car ce premier album sonne effectivement comme une belle revanche. Et une réussite. 
En résumé Buster c’est dix titres gravés selon les us et coutumes d’un noise-rock pur et dur. Mais pas le noise-rock à la Amrep ni le noise-rock new-yorkais, plutôt celui (comme déjà mentionné) lorgnant du côté sec, abrasif et acéré de la chose, sans méchantes traces de gras superflu ni de beuglantes de roquets testostéronés. Le gros des références reste indéniablement du côté de la nombreuse progéniture d’Albini and C° : la guitare brille de cet éclat si particulier de l’aluminium radioactif chauffé à blanc, la basse est tendue comme la corde d’une catapulte à boulettes de viande avariée et la batterie est plutôt imaginative – tiens, en fait lorsque le batteur se lance dans une succession de roulements bien placés j’admets que j’y entends finalement comme un petit côté new-yorkais aliéné. Le chant quant à lui est souvent au bord de la rupture, un peu court en souffle et nasillard mais toujours plein d’exaspération et de rage – je regrette qu’un insert n’ait pas été joint au disque, cela aurait permis d’en savoir un peu plus sur la teneur exacte des paroles en acide nitrique et autres douceurs corrosives. 
On sent poindre un petit peu d’ironie qui pique là où ça fait mal (Free Hugs), c’est de bonne guerre si je puis dire et ce n’est pas pour me déplaire mais le gros atout de Tigger Cut c’est avant toute chose cette capacité à toujours défendre des compostions mélodiques au delà de la tension rythmique et de la guitare qui découpe nos nerfs en petits cubes de 1.2 millimètres de côté. Ce ne sont donc pas les tubes qui viennent à manquer sur Buster, à commencer par King Of Inks ou – apparemment Trigger Cut n’aime pas que les chiens mais aussi les poneys magiques – Pony Pony avec son intro plus shellac-quienne que ça tu meurs, un titre dont la captation live semble donner une bonne idée du groupe en concert (en plus de donner envie).

Alors les regrets légitimes accompagnant l’annonce de l’arrêt brutal de l’aventure Buzz Rodeo s’estompent bien vite à l’écoute de Buster : les blessures humaines mettent souvent beaucoup trop de temps à cicatriser mais la musique reste et peut soigner – et celle de Trigger Cut, forcément sous influence des infortunes personnelles de Ralph Schaarschmidt, en vaut complètement la peine. C’est ce que l’on appelle un mal pour un bien et longue vie à Trigger Cut !

[Buster est publié sous la forme d’un combo LP + CD par Token records, label qui me semble avoir été spécialement monté pour l’occasion…]

* son titre est très exactement Rixe Entre Musiciens, sûrement un clin d’œil très sarcastique à ce qui est malheureusement arrivé à Buzz Rodeo ; l’artwork de Buster qui en découle est l’œuvre de Frédéric Bouchet

lundi 20 mai 2019

Deliluh + Housewives [15/05/2019]





Excellente surprise que Deliluh, un tout jeune groupe originaire de Toronto / Canada dont le concert entre horizons noisy, nonchalance atrabilaire à la The Fall et expérimentations sonores m’a totalement conquis. Peut-être même que je parlerai un de ces jours de Freeloader Feast, le tout premier (mini) album que le groupe vient de publier.

Les anglais d’Housewives dont la musique est en constante mutation – le dernier album Twilight Splendour n’en finit pas de m’étonner – constituaient le gros morceau de la soirée ; le groupe était en mode totalement exubérant et sautillard (dans tous les sens du terme) pour un concert placé sous le signe de la communion marsupiale sous bisous chimiques. Je suis parti avant la fin, préférant lorsque les cinq Housewives faisaient preuve de plus de rigueur réfléchie et de sévérité bruyante.

Ce concert était organisé par Brigade Cynophile (qui a également réalisé l’affiche) dans le cadre des errances immobilières de Grrrnd Zero hors les murs ; il y a plus de photos à regarder par ici.