On savait depuis longtemps Housewives bien confortablement installé sur une corde raide : en une poigné d’albums, de EP et de singles le groupe londonien n’a cessé de redéfinir et de dépasser les contours d’une musique typée mais finalement inqualifiable. Certes bruyante, expérimentale, difficile d’accès – insère ici tous les qualificatifs qui te viendront à l’esprit pour désigner celle-ci, du moment que cela donne l’impression d’être compliqué à dire et douloureux à entendre, tralala lalala – mais captivante et (allez, j’ose) innovante bien que piochant dans le passé et marquée par le courant post-punk option bruitisme bourgeonnant et austérité no wave. Même aux débuts d’Housewives en 2013, débuts que l’on a pu découvrir ou redécouvrir grâce à la formidable réédition de la toute première cassette du groupe, on sentait fortement qu’il y avait autre chose qu’une simple volonté de citation et/ou de faire aussi bien que Machintruc – insère ici le nom de ton groupe préféré de no wave robotique et réfrigérée. Et au fil des enregistrements Housewives a de plus en plus dévié d’une fausse orthodoxie que dès le départ les londoniens mettaient à mal mais sans arrière-pensées malhonnêtes ni manipulatrices – tu peux également insérer ici le nom du musicien ou du groupe surcoté que tu détestes le plus, Angus Andrew par exemple.
C’est sûrement cela le talent, on le pressent confusément (de cette confusion amoureuse), la capacité à s’inscrire dans quelque chose et de changer la donne. D’y mettre son grain de sel. Les albums se sont enchainés – d’abord Work en 2015 puis FF06116 en 2017 – imposant Housewives comme l’une des formations parmi les plus novatrices et en même temps les plus sexy depuis Neptune et Magic Markers (c’est dire…) mais aussi Massicot, groupe avec lequel Housewives a partagé un split 7’, une tournée, et continue toujours de partager de multiples affinités et concordances. Et puis les choses changent.
Dans le cas d’HOUSEWIVES le changement est des plus positifs et il s’appelle Twilight Splendour, troisième véritable album du groupe qui vient de paraitre chez Blank Editions (qui avait déjà coproduit le premier LP mais là le label anglais s’est lancé tout seul dans l’aventure). Mais avant d’être positif ce changement est radical. A l’écoute de Twilight Splendour on identifie sans problème certaines caractéristiques d’Housewives (la sécheresse musicale, le chant rare et interzonien, les rythmes micro-articulés, la vapeur froide du saxophone, les lignes de basses) mais en même temps on ne reconnait pas le groupe. Les guitares qui déjà devenaient de plus en plus étranges pour ne pas dire désaxées au fil des précédents enregistrements sont inaudibles sur ce nouvel album. Presque inexistantes. Tu as beau tendre l’oreille, tu ne sauras pas si tel ou tel son venu de nulle part provient d’une guitare ou non. En tous les cas les étalages dissonants en morse ont disparu. A la place on a droit à quelques arpèges diaphanes (Beneath The Glass) ou de rares passages de sidérurgie expérimentale (le mystérieux et planant Hexadecimal Wave/Binary Rock, aussi beau qu’un vieux titre de Barn Owl enregistré dans la crypte d’un sanatorium). Et on a surtout droit à une invasion de sons de synthétiseurs et de bidouilles électro-bruitistes.
Invasion n’est pas non plus réellement le mot juste. Puisque passée la surprise de ce nouvel habillage – en fait c’est beaucoup plus que de l’habillage mais plutôt une nouvelle peau après une mue discrète, un vitiligo électronique – c’est comme si tous ces sons synthétiques étaient déjà là depuis longtemps mais qu’auparavant ils s’appelaient autrement, comme s’ils avaient uniquement changé d’odeur : aux côtés de nappes sonores tout ce qu’il y a de plus acceptables pour des oreilles un petit peu fragiles, stridulations, éclaboussures, nano-impacts et brandons s’entrechoquent avec la même nature exigeante et austère que précédemment. Housewives se réfère peut-être ici aux manipulations digitales héritées des groupes de feu le label Mille Plateaux et de Mego (Oval ou Farmers Manuel en tête) en les incluant dans le format de ses chansons étrangement belles (SmttnKttns, en plein trip mélancolique). Mais une nouvelle fois Housewives ne copie pas, il est. Et quel plus beau compliment peut-on faire à un groupe et à sa musique que celui de l’existence – fulgurante, palpable et significative ?
Invasion n’est pas non plus réellement le mot juste. Puisque passée la surprise de ce nouvel habillage – en fait c’est beaucoup plus que de l’habillage mais plutôt une nouvelle peau après une mue discrète, un vitiligo électronique – c’est comme si tous ces sons synthétiques étaient déjà là depuis longtemps mais qu’auparavant ils s’appelaient autrement, comme s’ils avaient uniquement changé d’odeur : aux côtés de nappes sonores tout ce qu’il y a de plus acceptables pour des oreilles un petit peu fragiles, stridulations, éclaboussures, nano-impacts et brandons s’entrechoquent avec la même nature exigeante et austère que précédemment. Housewives se réfère peut-être ici aux manipulations digitales héritées des groupes de feu le label Mille Plateaux et de Mego (Oval ou Farmers Manuel en tête) en les incluant dans le format de ses chansons étrangement belles (SmttnKttns, en plein trip mélancolique). Mais une nouvelle fois Housewives ne copie pas, il est. Et quel plus beau compliment peut-on faire à un groupe et à sa musique que celui de l’existence – fulgurante, palpable et significative ?
post scriptum : et si tu n’as encore jamais vu Housewives en concert c’est le bon moment puisque le groupe est actuellement en tournée, pour les habitantes et habitants de Lyon et environs cela se passera le 15 mai prochain