Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

mardi 31 décembre 2019

Seb Radix / The Darbi Sex EP






Nous y revoilà une nouvelle fois avec cette question essentielle voire existentielle que se pose tout chroniqueur de disques – ou toute personne ayant la prétention de vouloir chroniquer des disques : peut-on écrire quelque chose sur un groupe ou un musicien que l’on connait personnellement, ne serait-ce qu’un tout petit peu ? Si on déteste la personne et que l’on est un parfait connard la réponse est oui ; si on a des espaces publicitaires à vendre sur internet et que le musicien/groupe en question est bankable la réponse est également positive ; si on ne sait pas quoi faire de sa vie ça marche aussi, puisqu’il est beaucoup plus facile de parler des autres et de ce qu’ils font (ou devraient faire) que de se prendre en main soi-même.
Dans le cas du lyonnais 
SEB RADIX la question est épineuse (et la réponse est logiquement hasardeuse). Le type est parait-il des plus sympathiques, serait un ouvrier très qualifié et un bon père de famille, il est presque beau (son sourire carnassier a mis à mal plus d’un string et plus d’un slip kangourou) et il semblerait même qu’il ait du talent. Par contre il n’est pas potentiellement générateur de thunes et, surtout, je le croise en moyenne une fois toutes les deux semaines, dans un bar, à un concert et parfois même par hasard dans la rue – mais je le croise surtout dans les bars. Je suis donc coincé.

The Darbi Sex EP est un maxi 45 tours de quatre titres. C’est aussi le premier disque que publie Seb Radix depuis 2017 et l’album Pop Apocalyptique. Pour toutes celles et tous ceux qui attendaient impatiemment des nouvelles fraiches du bonhomme ceci constitue donc la première déception de The Darbi Sex EP : on est en effet très loin d’un véritable album, riche et varié. Deuxième déception : le disque se divise en deux parties permettant au musicien/chanteur de nous faire le coup hyper classique du disque conceptuel et bicéphale avec en face A le côté punk et 
bad guy de Seb Radix et en face B son côté social, politique et gauchiste. Débutant la première face, Lorna Doom est un vibrant hommage à la bassiste des Germs, décédée en janvier 2019. OK, admettons. Deuxième composition de la face A, This Is Good Music proclame « this is good music, but these guys are pricks »… j’aurais presque pu rire face à une telle manifestation de mauvaise foi.
La face B est la pire des deux. Tout d’abord elle est chantée en français – alors que la première l’est en anglais – ce qui permet de comprendre les paroles. Celles de Renaud, Didier & Joe font référence à des chanteurs soit alcooliques, soit prolétaires ou un peu morts (et éventuellement social-traitres) sur un mode nostalgique. Quant à Presqu’île Déserte voilà une composition avec un texte en mode contestataire remettant en cause les bienfaits de la gentrification, de la spéculation immobilière, de l’économie de marché et de la politique menée à Lyon depuis 2001 par l’équipe municipale de Gérard Collomb.

Tout n’est cependant pas si terrifiant sur The Darbi Sex EP. Il y a d’abord cette pochette très réussie et qui constitue un coup marketing de premier plan parce que chacun sait qu’un disque bien illustré et bien emballé est un objet de désir profondément consumériste. Mais le point le plus positif reste le suivant : pour l’enregistrement de ce disque Seb Radix s’est entouré de deux musiciens de première classe. Pauline Kcidy s’occupe des claviers tandis qu’Oli (de Death To Pigs, Malaïse et Zone Infinie) joue les parties de batterie. Autant dire qu’avec la première le pouvoir mélodique est à son comble tandis qu’avec le second l’interprétation file tout doit comme dans une chanson de Francis Cabrel. Mais ce n’est pas tout, Pauline et Oli ont très largement participé aux arrangements de compositions.
Finalement je crois qu’il m’aurait été beaucoup plus facile d’attendre de recroiser Seb Radix dans un bar, de lui sourire élégamment et de le féliciter pour son nouveau disque avant de lui taxer une clope. Mais j’ai arrêté de fumer depuis plus de trois ans maintenant et je ne sais plus comment me calmer les nerfs. Sans rancune, hein.

[
The Darbi Sex EP est publié par l’Assos’Y’Song, Bad Health records, Ligature records et Musique Rasoire]



dimanche 29 décembre 2019

Comme à la radio : 16 - 17






16 - 17 : aujourd’hui ce nom continue d’évoquer un groupe aussi intransigeant qu’impitoyable, un groupe composé d’Alex Buess (saxophones, electronics), Markus Kneubühler (guitare) et Knut Remond (batterie) et qui a été parmi les premiers à savoir mélanger correctement – je ne veux pas écrire « fusionner », ce serait beaucoup trop vulgaire – rock bruitiste et free jazz. Avec en plus une grosse pointe de dub industriel en ce qui concerne Gyatso, un album pour lequel le trio de base avait alors été rejoint par rien de moins que GC Green (Godflesh) à la basse ainsi que Kevin Martin (God/Ice/Techno Animal/ etc) aux samples et à la production.

Initialement publié en 1994 par Pathological records – le label de Kevin Martin – puis réédité en 2008 et en version remasterisée par Weasel Walter sur le label lyonnais Savage Land, Gyatso reste à ce jour considéré comme le chef d’œuvre de 16 – 17 et ce à juste titre : 





C’est déjà Savage Land qui en 2005 avait réédité sous la forme d’un coffret de 2 CD tous les premiers enregistrements de 16 – 17. On pouvait enfin y découvrir l’incroyable génèse de la musique du groupe. Ce que l’on sait peut être moins c’est qu’en 1995 16 - 17 a enregistré un album resté inachevé et donc inédit à ce jour avec un line-up très différent comprenant Damian Benett à la basse, Roger Graf à la guitare et Mickael Wertmüller (Alboth!, Full Blast) à la batterie – seul Alex Buess était resté à bord. 

Désormais intitulé Phantom Limb cet album a été complété en 2018 par des parties de chant assurées notamment par Eugene Robinson dOxbow. Sa parution est prévue pour début janvier 2020 sur l’excellent label autrichien Trost records et on peut en écouter un premier extrait des plus alléchants : The Hate Remains The Same.

vendredi 27 décembre 2019

Coilguns / Watchwinders


Les quatre COILGUNS n’auront pas attendu trop longtemps avant d’enregistrer une suite à Millennials, leur deuxième album publié au printemps 2018 et dont je n’ai pas encore totalement fini de faire le tour tant sa complexité, sa rudesse, son exigence et sa noirceur continuent, aujourd’hui encore, de me prendre à la gorge. Je ne vais pas te refaire toute l’histoire mais disons simplement que pour Millennials le groupe suisse s’était mis en danger ou plutôt s’était mis en instance de création en s’isolant dans une vieille baraque perdue au beau milieu de la campagne allemande pour enregistrer des bandes dans des conditions plus roots que roots. S’en était suivi un gros travail de réflexion, de post production et de montage aboutissant à un album d’une rare densité et synonyme de réussite totale.
Pour son troisième LP Coilguns a décidé de jouer à nouveau la carte du confinement, interrompant provisoirement sa tournée 2018/2019 pendant un mois entier pour s’enfermer volontairement dans un (vrai) studio et pour mettre en boite ce qui allait devenir Watchwinders, et ce sans réel travail préparatoire. Ce nouvel enregistrement, s’il reprend à peu près la syntaxe musicale et toutes les obsessions habituelles de Coilguns, est logiquement plus direct et davantage brut de décoffrage que son prédécesseur. Plus hardcore voire plus punk devrais-je même dire, tant la linéarité de certaines compositions et l’efficacité simple de certains riffs assassins ou de certaines lignes de chant peuvent surprendre. 




Revenant à plus de lisibilité Watchwinders n’en est pas pour autant un album banal et passe-partout de la part d’un groupe toujours aussi peu adepte de la gymnastique rythmique et sportive et de la séduction tatouée. Coilguns reste Coilguns et si on y regarde d’un peu plus près Watchwinders ne fait que le lien entre le premier et le deuxième album du groupe : de Commutters (publié en 2013) les Suisses ont su garder toute l’énergie et toute la rage du hardcore moderne post Converge de même qu’un sens appréciable de l’accroche fédérative via des parties chantées souvent mémorisables et même chantables (si ton rêve a toujours été de hurler sous la douche en tenant Louis Jucker dans tes bras alors cet album t’apportera la solution) ; de Millennials les Coilguns ont conservé la noirceur, l’instabilité, le questionnement, le chaos. Bien plus original que Commutters – sans parler des compositions de jeunesse publiées sur 12’ entre 2011 et 2012 – mais moins abrupt et moins difficile que Millennials, Watchwinders est en quelque sorte l’album consensuel du groupe, celui qui donne envie de se rouler par terre (encore un truc que l’on voudrais volontiers faire avec Louis, si tu as déjà vu les Coilguns en concert tu sais de quoi je veux parler) sans passer pour un cadre supérieur d’une banque d’affaire se déguisant en tough guy le temps d’un weekend au Hell Fest. « Consensuel » est donc à prendre dans le bon sens du terme, celui d’une immédiateté et d’une énergie contagieuse et signifiante que l’on aurait tort de bouder, à moins d’être uniquement fan de crust bulgare et de grind hongrois. Et Coilguns d’apporter ainsi une vraie réponse à l’enlisement stylistique du hardcore moderne, ce qui n’est pas rien.

Enfin, et comme à son habitude, le groupe a particulièrement soigné la présentation de son disque. Je ne vais pas énumérer toutes les variantes de couleurs de vinyle avec lesquelles il a été pressé, je ne vais par trop te parler du beau cartonnage ni de l’impression de la pochette mais plutôt dire un mot sur cet alien animal qui orne l’artwork de Watchwinders (beaucoup d’œuvres similaires ornent la plupart des vingt quatre pages (!) d’un somptueux livret de la même taille que la pochette). L’auteur en est Noé Cauderay – je mets ici un lien vers son Tumblr sans être certain que celui-ci soit encore actif et à jour. Et ces monstres/taches/créatures/démons personnels collent superbement à la musique de Coilguns, fascinent autant qu’ils effraient, provoquant ce mélange équivoque de rejet et d’attirance, de noirceur et d’inconnu. Ne pas savoir mais (s’) avancer pour ne pas avoir peur.

[Watchwinders est publié en vinyle, CD et même en cassette par Hummus records] 

mardi 24 décembre 2019

Païcan + Forge @Farmer [19/12/2019]






En ce 19 décembre, jour fatidique s’il en est, petit tour du côté du Farmer pour enfin découvrir en live la musique de Païcan. Les lyonnais officient dans des genres que je n’écoute plus vraiment – pour faire vite : le post rock et surtout le post hardcore – avec des compositions très longues et souvent instrumentales. 
C’est lorsque le chant fait quelques rares apparitions et impose des ruptures au sein des structures labyrinthiques et tentaculaires du groupe que je trouve Païcan le plus intéressant. J’ai bien compris que donner (ne serait-ce qu’un peu) de la voix n’est pas ce que préfèrent ces jeunes gens, il n’empêche qu’ils devraient à mon sens plutôt persévérer dans ce sens là qui apporte davantage de détours et de surprises à leur musique.

Sinon difficile pour moi d’accrocher à la musique de Forge. Bon, OK, je vais être honnête : le sludge / doom pointé stoner et instrumental des parisiens n’est vraiment pas mon truc, désolé…

[toutes les photos du concert par ici – au risque de me répéter c’est encore mieux de les regarder sur un vrai écran d’ordinateur et non pas via un téléphone égotique]










































lundi 23 décembre 2019

Contractions / Demain Est Annulé


Je crois que je n’ai pas eu beaucoup de chance sur ce coup là. D’abord je n’ai vu CONTRACTIONS qu’une seule fois en concert, alors qu’il s’agit d’un groupe du coin (entre Lyon et Besançon) et qu’il joue relativement souvent dans les caves des bars et autres salles fréquentables de la ville. Ensuite, lors de cette seule et unique fois, j’ai été un peu désappointé. Bien sûr j’ai été séduit par le côté pop-punk de la musique du groupe, par son allant, sa fraîcheur, par son côté juvénile et volontaire (comme c’est exactement ce que j’attendais de sa part il m’était impossible d’être déçu).
A ce moment là Contractions n’avait enregistré qu’une première démo que j’ai également trouvée peu satisfaisante. Sur cette démo et en concert je trouvais qu’il manquait quelque chose à la musique du groupe. Quelque chose mais pas forcément énormément non plus. Ils étaient alors trois sur scène comme sur la démo : un batteur que je ne connaissais pas, un chanteur/guitariste issu de Daïtro, de 12XU et de Baton Rouge et un bassiste* jouant habituellement de la guitare avec Whoresnation (dont la musique n’a strictement rien à voir du tout avec celle de Contractions et c’était plutôt amusant de le voir jouer avec un nouveau groupe). 






C’est en écoutant le premier album intitulé Demain Est Annulé que j’ai rapidement compris ce qui m’avait alors manqué chez le trio et dans sa musique. Je l’ai compris en découvrant un disque enregistré par une formation désormais composée de quatre personnes, grâce à l’adjonction d’un second guitariste. Il n’en fallait pas plus mais c’était nécessaire pour donner le surplus d’épaisseur et de consistance à une musique d’apparence légère – d’autant plus que cet autre guitariste s’occupe également des backing vocals et que le résultat est très réussi. Plus d’ossature et plus de cuirasse mais pas de trop. Une énergie plus soutenue. Et toujours des compositions résolument mélodiques, avec une influence à aller chercher du côté des Buzzcocks (peut-être) et parfois même avec un côté 60’s délicieux sans être niais, comme l’association du punk avec une pop vénère et un soupçon épicé de garage – parfaitement aéré le garage, pas un truc humide et enterré sous une maison middle class dans une banlieue triste et morose. Légèreté et énergie. Mélodies et conviction. Apreté et couleurs.
Et profondeur. Ce n’est pas pour rien que ce disque s’intitule Demain Est Annulé (il s’agit également du titre qui clôture magnifiquement la première face du disque). Les textes en français permettent de retrouver tout le sens poétique et finement social de Julien qui avec Baton Rouge nous avait déjà habitués à cette alchimie ténue et équilibrée entre petites histoires personnelles, déambulations urbaines et constats amers mais pas défaitistes sur ce monde. Enfant de l’emo et du scremo, l’auteur de ces textes a gardé ses convictions, son engagement, son sens de la persuasion et sa sensibilité marquée mais leur donne désormais une dimension toujours plus personnelle. Que ce soit du aux différents passages de la vie ou pas en fait je m’en fous un peu, mais lorsque j’entends (et lis) des mots tels que « Partir pour une vie à l’usine, le fallait il vraiment ? / Avoir été là au même moment, le bon moment ? / Pour les regrets je ne saurai jamais » je me peux pas faire autrement que d’être profondément touché.

[Demain Est Annulé est pressé dans un beau vinyle acide et fleuri couleur citron et citron vert, Julien du label Echo Canyon et guitariste/chanteur de Contractions a assuré la réalisation de la pochette avec son goût habituel pour les présentations extrêmement soignées et le disque a été publié par Adagio 830 ainsi que PurePainSugar, label lyonnais pour l’occasion ressuscité, ce qui en dehors d’être une petite surprise est surtout un bel hommage et un chouette témoignage d’amitié de la part du groupe… oui, ce genre de choses peuvent fonctionner dans les deux sens mais les intéressés en parleraient sans doute bien mieux que moi]

* c’est un autre bassiste que l’on peut en fait entendre sur cette démo

vendredi 20 décembre 2019

Quentin Sauvé + Emilie Zoé @La Coopérative du Zèbre [17/12/2019]







Je ne sais pas trop par quel canal mystérieux cette date a pu être programmée mais c’est dans une Coopérative du Zèbre surpeuplée et surchauffée accueillant tout juste musiciens, amateurs de musique alertés par une belle affiche et habitués de ce chouette lieu associatif des pentes de la Croix Rousse que s’est déroulée l’étape lyonnaise de la tournée réunissant Quentin Sauvé et Emilie Zoé.

Rappelons que Quentin Sauvé joue ou a joué dans Birds In Row, As We Draw, Calvaiire et The Brutal Deceiver mais son projet solo n’a strictement rien à voir avec aucun de ses groupes et se concentre sur des chansons intimistes et aux textes très personnels.
Quant à Emilie Zoé ce n’est pas la première fois que je la voyais en concert, que ce soit avec Autisti ou en solo, seule ou accompagnée du batteur Nicolas Pittet, mais ce concert à la Coop est de très loin le meilleur auquel j’ai pu assister, débordant d’émotion et de rage, aussi délicat qu’électrique.  

[toutes les photos prises lors de cette soirée sont visibles en diaporama et par ici
























































mercredi 18 décembre 2019

Burning Axis / self titled


Ce disque est une petite merveille. Et dire que j’ai failli passer à côté, malgré cette pochette aussi parfaitement énigmatique que troublante, entre fascination interdite pour le sacré et érotisme violent. Eros et Thanatos Eros. Mais je divague. Tout ça c’est la faute de la musique contenue dans ce disque et la faute de ce groupe jusqu’ici parfaitement inconnu, BURNING AXIS, donc. Un groupe pourtant composé de musiciens déjà repérés et largement appréciés par ici, il suffisait juste de prêter un peu plus attention à ce qui est imprimé sur le recto de la pochette, autrement dit les noms de tout ce beau monde.
Nous avons donc Nils Erga qui auparavant jouait du violon alto dans Noxagt (soit sur les deux premiers albums du groupe) ; nous avons également Jan Christian Lauritzen Kyvik qui jouait de la batterie, également dans Noxagt, mais aussi dans No Balls version 2 c’est-à-dire lorsque le groupe est passé de deux à quatre membres – sauf qu’avec Burning Axis ce cher Jan n’est pas batteur mais guitariste et là je sens que tout ça devient beaucoup trop compliqué pour tout le monde ; enfin le line-up de Burning Axis est complété par Thore Warland qui n’est autre que ce type complètement fou et hallucinant qui a tenu la batterie dans Staer et joue désormais dans Golden Oriole. Voilà. J’aurais dit dès le départ que ces trois musiciens étaient issus et liés à la scène de Stavanger, Norvège, cela aurait été beaucoup plus simple. Car qui dit scène de Stavanger dit musique étrange, malade, bruyante ou inconfortable*.




Cependant Burning Axis nous prend complètement par surprise avec ses litanies sépulcrales et cauchemardesques. Crépusculaires. La musique du groupe n’est pas particulièrement violente, bruyante, mais elle peut mettre extrêmement mal à l’aise tout en exerçant un fort pouvoir hypnotique. Lente et brumeuse, minimale et peu accidentée, elle déverse des torrents de froideur métallique qui donnent constamment envie de frissonner. La guitare joue tellement systématiquement dans les graves que l’on peut penser qu’il s’agit d’une guitare baryton – et d’ailleurs Jan Christian Lauritzen Kyvik se contente de plaquer des accords très simples et répétitifs, jusqu’à l’infini. Le violon alto se trouve dans le fond du mix et grince lui en continu, crissements sur crissements, comme si Tony Conrad était revenu hanter nos rêves les plus sombres ; enfin le jeu de batterie de Thore Warland est étonnamment sobre et aérien, même si à quelques moments on peut aisément reconnaitre son sens génial de l’ampleur cyclique (comme sur Sacrificial Day).
Difficile de mettre des mots plus précis sur la musique de Burning Axis. Si la pochette indique des noms de compositions on peut également considérer l’album comme un tout, une suite inquiétante de paysages désolés et dévastés, une chute infinie dans les abysses et le noir, une prière ardente comme le néant, la beauté dans le mal. La première face du disque est même si monotone que l’on peut se demander pourquoi elle est théoriquement (?) divisée en trois compositions qui sonnent comme une version incantatoire et ensorcelée d’un Gastr Del Sol** possédé par un démon de glace. Par contre la seconde face, encore plus douloureuse, montre davantage de fractures, d’accélérations (en exagérant à peine on peut même voir dans All The Vultures une sorte de Brise Glace** sous opium) et possède un caractère ascendant inquiétant, Burning Axis nous poussant sans cesse en avant vers des sommets inconnus qui ne sont en fait que des gouffres de noirceur et d’ensevelissement. Et puis il y a encore et toujours cette pochette qui en fait ne révèle rien mais participe à toute la dévotion masochiste que l’on peut éprouver pour un album au maléfisme absolutiste.

[le premier album sans titre de Burning Axis est publié en vinyle par le label britannique Hominid Sounds]

* pour compléter notre tableau nordique : ce disque a été enregistré et mixé par Anders Hana (MoHa!, Ultralyd, Noxagt, Brutal Blues, etc) ; la pochette a été réalisée par Kjetil Brandsdal (Noxagt, Ultralyd et ainsi de suite)
** deux groupes incontournables de l’encore jeune Jim O’Rourke, alors au sommet de sa forme


lundi 16 décembre 2019

Municipal Waste / The Last Rager





J’ai pris une grave décision : désormais je vais essayer d’écrire des chroniques de disque qui ne font pas plus de 3000 (trois mille) signes maximum. Ce qui est parait-il encore trop long puisqu’un internaute attardé lambda consultant les internets via un ordinateur passe au mieux une toute petite minute sur une page web qui l’intéresse alors qu’un internaute évolué et scotché à son téléphone intelligent n’a lui pas le temps de lire ou de regarder quoi que ce soit puisqu’il est sans arrêt harcelé par diverses notifications qui ne font que lui rappeler que son cerveau liquéfié et son libre-arbitre ne servent plus à rien depuis longtemps. L’existence irait de plus en plus vite mais en fait je crois bien que c’est plutôt nous qui en foutons de moins en moins sous prétexte d’en vouloir toujours plus. Qui trop embrasse mal étreint me disait toujours ma grand-mère – qui au passage et je dis cela sans fanfaronnerie aucune fut l’une des premières femmes de ce pays macho-sexiste à passer son permis de conduire poids lourds et était livreuse aux halles de Paris au début du siècle dernier avant que le 1er arrondissement de la capitale du monde ne devienne un quartier à touristes.
 
Le problème – parce qu’évidemment il y a un problème – en réduisant drastiquement la longueur de mes chroniques de disques je n’ai que deux solutions : soit je parle beaucoup moins de moi et de mon nombril turgescent soit je parle moins de musique et du disque censément chroniqué. La première solution m’ennuie profondément car j’aime tellement me mettre en avant et faire croire à la Terre entière que je suis grand, beau, fort, intelligent et sensible (mais pas chochotte, attention hein) que jamais je n’arriverai à limiter mon ego d’écriture. La seconde est impossible parce que je ne parle déjà que très peu des disques que je chronique et que si j’en parlais encore moins mes commanditaires – c’est à dire les labels qui m’envoient des disques promo en espérant une chronique dithyrambique en retour * – risquent de faire la gueule et de ne plus rien m’envoyer du tout.

Pour cette chronique de moins de 3000 signes il a fallu que je trouve un disque au sujet duquel je n’ai rien à dire. J’ai donc opté pour le dernier maxi de MUNICIPAL WASTE, The Last Rager**. Municipal Waste, tous les amateurs du genre connaissent déjà et ce premier enregistrement depuis 2017 et l’album Slime And Punishment ne change pas la donne : le thrash old school du groupe est toujours aussi rapide, inventif, stupide, drôle et propice à la nostalgie des speederies estampillées 80’s. Bravo les gars***.

[The Last Rager tourne en 45 tours, dure sept minutes et a été pressé en vinyle dans plein de versions différentes (la mienne est un splatter jaune et vert) par Nuclear Blast, je ne mets pas de lien vers ce label puisqu’il ne m’a jamais envoyé de disques promotionnels]

* à ce propos, si tu consultes cette gazette internet en version web en non pas en version portable tu t’apercevras qu’il y a une colonne sur la droite et que tout en bas de cette colonne il y a un formulaire de contact grâce auquel tu peux demander mon adresse postale ou tout autre renseignement – des fois je réponds aux messages mais il m’arrive également de faire le mort
** j’ai également choisi The Last Rager car un vieil ami – et fidèle lecteur – m’a un jour avoué qu’il ne lisait jamais mes chroniques métallurgiques parce qu’elles parlent de disques qui l’emmerdent profondément (oui, ceci est un test)
*** résultat : 3555 signes seulement et en plus j’ai surtout parlé de moi – pas mal, non ?

vendredi 13 décembre 2019

Comme à la radio : Modern Technology






MODERN TECHNOLOGY est un duo londonien qui a fait beaucoup parler de lui ces derniers mois. Steve aka General Waste, chanteur de Dead Arms, ne tarit pas d’éloges au sujet de ces deux musiciens – Chris Clark à la basse et à la voix et Owen Gildersleeve à la batterie – qui pratiquent un noise rock lent et sombre, débordant de riffs obsédants accompagnés de rythmiques lourdes. Le premier mini album sans titre de Modern Technology publié au début de l’année 2019 donne ainsi à entendre six compositions anxiogènes sur lesquelles le duo semble prendre tout son temps pour nous avoir à l’usure ; il ne faut surtout pas se fier à l’apparente monotonie qui se dégage de ce 12’, tout est question d’intensité et de son, celui de la basse grésillante et épaisse conférant toute son originalité à une musique obsédante et extrêmement prenante.




Mais ce n’est pas tout. En lisant les textes de Modern Technology il n’est pas très difficile de comprendre que le groupe a des opinions, qu’il tient à faire partager ses idées et que celles-ci sont suivies des faits. Ainsi avec le EP digital Exploding Head Sessions enregistré en concert le groupe participe au financement d’œuvres caritatives en soutien aux sans-abris qui souffrent plus que tout le monde en cette période de l’année. Malgré ses rodomontades et ses illusions financières (ou plutôt à cause d’elles) la Grande Bretagne est un pays sinistré économiquement et socialement, la gestion ultra libérale héritée d’une Thatcher et dont Boris Johnson est aujourd’hui le représentant y génère toujours plus d’injustice et d’inégalité. Modern Technology s’inscrit clairement dans la longue lignée des groupes britanniques militants et c’est tant mieux. 







On remarquera également qu’en plus de comporter quatre titres issus du premier EP dans des versions encore plus claustrophobes les Exploding Head Sessions présentent deux compositions inédites à ce jour, de quoi patienter un tout petit peu avant un premier album qui s’annonce plus que prometteur. Modern Technology, encore un groupe anglais à suivre et à soutenir.