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mercredi 11 décembre 2019

Buildings / Negative Sound






Le noise-rock c’est la vie. C’est ce que je me tue (sic) à répéter à longueur de chroniques de disque dès que j’aborde le sujet d’un groupe qui en 2019 prétend relever les compteurs et mettre les pendules à l’heure au sujet d’un genre musical qui a servi de bande son à mes toutes jeunes années – j’espère que tu as remarqué qu’en une seule phrase j’ai au moins utilisé deux expressions passe-partout et un très gros poncif existentiel que même un lecteur de Batteur Magazine désapprouverait, la classe non ? Et oui mon nombrilisme forcené me pousse à penser que tout ce qui ne tourne pas autour de moi n’a strictement aucune valeur. Bref, j’écoutais déjà ce genre de musique alors que j’avais largement moins de la moitié de l’âge que j’ai désormais donc je n’ai aucunement l’intention de tempérer mon propos et je vais plutôt continuer d’affirmer que le noise-rock c’est toute mon existence ou tout du moins une grande partie de celle-ci.

Même si c’est faux. D’abord il n’y a pas que la musique dans la vie. Ensuite il y a plein de musiques, aussi différentes et variées soient-elles, qui éclairent celle-ci – et encore un poncif existentiel, des fois je m’épate complètement. Cependant (et ce en dehors de toute nostalgie régressive, du moins je l’espère) à chaque fois ou presque que je découvre un groupe de noise ou que j’écoute un disque que je ne connaissais pas jusqu’ici je ne peux pas m’empêcher de penser ressentir que c’est cette musique là qui me parle le plus. Une musique qui arrive encore à me surprendre malgré un langage souvent très codé, malgré des riffs et des sons déjà employés auparavant. Pourtant je vois, j’entends, je découvre toujours quelque chose si ce n’est de nouveau du moins de différent. Essaie un peu de parler à un fanatique de hardcore old school, de crust, de d-beat ou même parfois de thrash primitif, il t’expliquera exactement la même chose et t’affirmera qu’entre tel ou tel groupe ou entre deux disques il existe des nuances importantes qui échappent complètement à ta sagacité (parce que c’est vrai que toi tu n’y connais strictement rien alors que lui oui, évidemment).
Toutes ces musiques électriques – la liste ci-dessus n’est pas forcément exhaustive – n’ont vraiment rien à voir entre elles mais possèdent un point commun important** : ce sont des musiques viscérales. C’est-à-dire des musiques instinctives, épidermiques, organiques, des musiques à effet immédiat qui te plaquent directement contre les murs, te décollent le cervelet de la moelle épinière, te tiennent et ne te lâchent pas. Elles ont su garder une partie de l’essence, de la sauvagerie mais aussi de l’approximation brutale de ce bon vieux rock’n’roll à papa tout en explorant des horizons parfois très lointains (parce qu’on n’est plus en 1954). Tu me diras que tout ceci est connu et rabâché depuis au moins le milieu des années 70 et le punk. Je ne saurais dire le contraire. Alors sûrement que chacun possède sa vérité, selon son âge, son parcours musical et sa propre sensibilité. La mienne de vérité, même si elle vient d’être très maladroitement exprimée, est quelque part au milieu de tous ces groupes que j’apprécie tant actuellement : Poutre, Dead Arms, Multicult, Microwaves, Bruxa Maria, Death Pedals, Tile, Faking, Dewaere, The Feral Young, USA Nails, Sofy Major, The Great Sabatini, Rainbow Grave, USA / Mexico, Uzeda, Couch Slut, YC-CY*… ou BUILDINGS.

J’ai énormément de mal à me remettre du nouvel album de ce trio de Minneapolis. Peut être bien parce que le disque d’avant – You’re Not Of Us en 2017 – m’avait laissé sur ma faim avec son mix à mon sens inadéquat car surgonflé et n’arrivant pas à masquer les faiblesses de certaines compostions trop volontaristes sans réussir à réveiller complètement leur côté terre-à-terre. Il existe des groupes de noise-rock plutôt arty et maniérés et des groupes plutôt issus d’un terroir boueux et noueux. Avec le bien nommé Negative Sound les trois Buildings n’ont pas hésité plus longtemps entre les deux camps et ont enregistré un album teigneux dont les énormes A Good Hill To Die On et Certain Women définissent la teneur générale, celle d’un disque noir et colérique. Vicieux et méchant. Gras et lourd. Poisseux et visqueux. En un mot : viscéral. Nous y revoilà donc, encore une fois. Negative Sound possède ce côté impitoyable mais humain des grands disques de noise rock et élève Buildings au dessus de la mêlée de tous les groupes beaucoup trop musculeux pour être totalement honnêtes ou, plus simplement, significatifs.
Negative Sound est à la fois un gros catalogue de rancœurs et leur exutoire. La production et le mix mettent le holà sur la prédominance top medium de la basse qui parallèlement gagne en épaisseur et donc en intérêt – j’adore cet instrument et je considère même qu’il est même le pivot central d’une musique tournant pourtant autour du tranchant des guitares mais à quoi bon le placer en première ligne s’il ne fait qu’enchainer des lignes trop banales ? Tout comme l’ensemble des compositions gagnent en relief question énergie carnivore et corrosion par le gras. Le chant qui est souvent l’un des points faibles de Buildings est moins irritant que d’habitude sans doute parce que sur Negative Sound il se retrouve davantage en adéquation avec une musique colérique et non pas seulement irascible (la nuance entre les deux ? la démonstration et les intentions trop évidentes).
Negative Sound est un album compact et rude. Chargé d’une énergie sombre et presque dépressive. Mais aucune complaisance et aucune attitude revendiquée à l’horizon, pas de bijoux inutiles ni de manucure tapageuse. Buildings a pris du poil de la bête et la bête mord plus férocement que jamais***.

[Negative Sound est publié en vinyle noir ou bleu splatter (ahem) par Antena Krzyku pour l’Europe et Gilead Media pour l’Amérique du Nord]

*encore une liste non exhaustive… tous ces groupes ou presque sont chroniqués quelque part sur cette gazette internet
** en dehors du fait que je les écoute toutes, bien sûr
** ça aussi tu as du le remarquer : une fois de plus il n’y a que le dernier paragraphe de cette chronique qui parle réellement du disque dont elle est pourtant censée traiter, j’espère que tu as bien perdu ton temps à lire un texte de 580 mots et 5820 caractères espaces compris