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vendredi 27 décembre 2019

Coilguns / Watchwinders


Les quatre COILGUNS n’auront pas attendu trop longtemps avant d’enregistrer une suite à Millennials, leur deuxième album publié au printemps 2018 et dont je n’ai pas encore totalement fini de faire le tour tant sa complexité, sa rudesse, son exigence et sa noirceur continuent, aujourd’hui encore, de me prendre à la gorge. Je ne vais pas te refaire toute l’histoire mais disons simplement que pour Millennials le groupe suisse s’était mis en danger ou plutôt s’était mis en instance de création en s’isolant dans une vieille baraque perdue au beau milieu de la campagne allemande pour enregistrer des bandes dans des conditions plus roots que roots. S’en était suivi un gros travail de réflexion, de post production et de montage aboutissant à un album d’une rare densité et synonyme de réussite totale.
Pour son troisième LP Coilguns a décidé de jouer à nouveau la carte du confinement, interrompant provisoirement sa tournée 2018/2019 pendant un mois entier pour s’enfermer volontairement dans un (vrai) studio et pour mettre en boite ce qui allait devenir Watchwinders, et ce sans réel travail préparatoire. Ce nouvel enregistrement, s’il reprend à peu près la syntaxe musicale et toutes les obsessions habituelles de Coilguns, est logiquement plus direct et davantage brut de décoffrage que son prédécesseur. Plus hardcore voire plus punk devrais-je même dire, tant la linéarité de certaines compositions et l’efficacité simple de certains riffs assassins ou de certaines lignes de chant peuvent surprendre. 




Revenant à plus de lisibilité Watchwinders n’en est pas pour autant un album banal et passe-partout de la part d’un groupe toujours aussi peu adepte de la gymnastique rythmique et sportive et de la séduction tatouée. Coilguns reste Coilguns et si on y regarde d’un peu plus près Watchwinders ne fait que le lien entre le premier et le deuxième album du groupe : de Commutters (publié en 2013) les Suisses ont su garder toute l’énergie et toute la rage du hardcore moderne post Converge de même qu’un sens appréciable de l’accroche fédérative via des parties chantées souvent mémorisables et même chantables (si ton rêve a toujours été de hurler sous la douche en tenant Louis Jucker dans tes bras alors cet album t’apportera la solution) ; de Millennials les Coilguns ont conservé la noirceur, l’instabilité, le questionnement, le chaos. Bien plus original que Commutters – sans parler des compositions de jeunesse publiées sur 12’ entre 2011 et 2012 – mais moins abrupt et moins difficile que Millennials, Watchwinders est en quelque sorte l’album consensuel du groupe, celui qui donne envie de se rouler par terre (encore un truc que l’on voudrais volontiers faire avec Louis, si tu as déjà vu les Coilguns en concert tu sais de quoi je veux parler) sans passer pour un cadre supérieur d’une banque d’affaire se déguisant en tough guy le temps d’un weekend au Hell Fest. « Consensuel » est donc à prendre dans le bon sens du terme, celui d’une immédiateté et d’une énergie contagieuse et signifiante que l’on aurait tort de bouder, à moins d’être uniquement fan de crust bulgare et de grind hongrois. Et Coilguns d’apporter ainsi une vraie réponse à l’enlisement stylistique du hardcore moderne, ce qui n’est pas rien.

Enfin, et comme à son habitude, le groupe a particulièrement soigné la présentation de son disque. Je ne vais pas énumérer toutes les variantes de couleurs de vinyle avec lesquelles il a été pressé, je ne vais par trop te parler du beau cartonnage ni de l’impression de la pochette mais plutôt dire un mot sur cet alien animal qui orne l’artwork de Watchwinders (beaucoup d’œuvres similaires ornent la plupart des vingt quatre pages (!) d’un somptueux livret de la même taille que la pochette). L’auteur en est Noé Cauderay – je mets ici un lien vers son Tumblr sans être certain que celui-ci soit encore actif et à jour. Et ces monstres/taches/créatures/démons personnels collent superbement à la musique de Coilguns, fascinent autant qu’ils effraient, provoquant ce mélange équivoque de rejet et d’attirance, de noirceur et d’inconnu. Ne pas savoir mais (s’) avancer pour ne pas avoir peur.

[Watchwinders est publié en vinyle, CD et même en cassette par Hummus records]