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mercredi 18 décembre 2019

Burning Axis / self titled


Ce disque est une petite merveille. Et dire que j’ai failli passer à côté, malgré cette pochette aussi parfaitement énigmatique que troublante, entre fascination interdite pour le sacré et érotisme violent. Eros et Thanatos Eros. Mais je divague. Tout ça c’est la faute de la musique contenue dans ce disque et la faute de ce groupe jusqu’ici parfaitement inconnu, BURNING AXIS, donc. Un groupe pourtant composé de musiciens déjà repérés et largement appréciés par ici, il suffisait juste de prêter un peu plus attention à ce qui est imprimé sur le recto de la pochette, autrement dit les noms de tout ce beau monde.
Nous avons donc Nils Erga qui auparavant jouait du violon alto dans Noxagt (soit sur les deux premiers albums du groupe) ; nous avons également Jan Christian Lauritzen Kyvik qui jouait de la batterie, également dans Noxagt, mais aussi dans No Balls version 2 c’est-à-dire lorsque le groupe est passé de deux à quatre membres – sauf qu’avec Burning Axis ce cher Jan n’est pas batteur mais guitariste et là je sens que tout ça devient beaucoup trop compliqué pour tout le monde ; enfin le line-up de Burning Axis est complété par Thore Warland qui n’est autre que ce type complètement fou et hallucinant qui a tenu la batterie dans Staer et joue désormais dans Golden Oriole. Voilà. J’aurais dit dès le départ que ces trois musiciens étaient issus et liés à la scène de Stavanger, Norvège, cela aurait été beaucoup plus simple. Car qui dit scène de Stavanger dit musique étrange, malade, bruyante ou inconfortable*.




Cependant Burning Axis nous prend complètement par surprise avec ses litanies sépulcrales et cauchemardesques. Crépusculaires. La musique du groupe n’est pas particulièrement violente, bruyante, mais elle peut mettre extrêmement mal à l’aise tout en exerçant un fort pouvoir hypnotique. Lente et brumeuse, minimale et peu accidentée, elle déverse des torrents de froideur métallique qui donnent constamment envie de frissonner. La guitare joue tellement systématiquement dans les graves que l’on peut penser qu’il s’agit d’une guitare baryton – et d’ailleurs Jan Christian Lauritzen Kyvik se contente de plaquer des accords très simples et répétitifs, jusqu’à l’infini. Le violon alto se trouve dans le fond du mix et grince lui en continu, crissements sur crissements, comme si Tony Conrad était revenu hanter nos rêves les plus sombres ; enfin le jeu de batterie de Thore Warland est étonnamment sobre et aérien, même si à quelques moments on peut aisément reconnaitre son sens génial de l’ampleur cyclique (comme sur Sacrificial Day).
Difficile de mettre des mots plus précis sur la musique de Burning Axis. Si la pochette indique des noms de compositions on peut également considérer l’album comme un tout, une suite inquiétante de paysages désolés et dévastés, une chute infinie dans les abysses et le noir, une prière ardente comme le néant, la beauté dans le mal. La première face du disque est même si monotone que l’on peut se demander pourquoi elle est théoriquement (?) divisée en trois compositions qui sonnent comme une version incantatoire et ensorcelée d’un Gastr Del Sol** possédé par un démon de glace. Par contre la seconde face, encore plus douloureuse, montre davantage de fractures, d’accélérations (en exagérant à peine on peut même voir dans All The Vultures une sorte de Brise Glace** sous opium) et possède un caractère ascendant inquiétant, Burning Axis nous poussant sans cesse en avant vers des sommets inconnus qui ne sont en fait que des gouffres de noirceur et d’ensevelissement. Et puis il y a encore et toujours cette pochette qui en fait ne révèle rien mais participe à toute la dévotion masochiste que l’on peut éprouver pour un album au maléfisme absolutiste.

[le premier album sans titre de Burning Axis est publié en vinyle par le label britannique Hominid Sounds]

* pour compléter notre tableau nordique : ce disque a été enregistré et mixé par Anders Hana (MoHa!, Ultralyd, Noxagt, Brutal Blues, etc) ; la pochette a été réalisée par Kjetil Brandsdal (Noxagt, Ultralyd et ainsi de suite)
** deux groupes incontournables de l’encore jeune Jim O’Rourke, alors au sommet de sa forme