Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

mardi 29 septembre 2020

Napalm Death / Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

 

Chic ! Chic ! Chic ! Encore un disque avec une pochette ultra moche ! Mais ce n’est pas n’importe quelle pochette non plus : il y a écrit NAPALM DEATH dessus. Signé par le danois Frode Sylthe – qui semble avoir pris un abonnement avec nos grindeux préférés depuis quelques années – l’artwork de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism ne laissera toutefois pas indifférent tant il est explicite : une colombe étranglée et démantibulée jusqu’au sang par une main gantée de latex. Au moins le message est clair, surtout qu’il est accompagné d’un titre d’album traduisible par quelque chose comme « les affres de la joie dans les mâchoires du défaitisme ». En gros : ne nous laissons pas faire et continuons le combat sans nous laissez aller au cynisme du profitons-en avant qu’il ne soit trop tard et avant la fin du monde. OK, j’avoue extrapoler un tantinet mais dans l’idée c’est ça. Napalm Death fait toujours de la politique, à sa façon.
Pour son seizième album studio – le sixième pour
Century Media – le groupe aura pris son temps puisque cinq années déjà se sont écoulées depuis Apex Predator - Easy Meat mais surtout le groupe nous aura fait bien peur : en 2014 le guitariste Mitch Harris annonçait sa mise en retrait et désormais il est remplacé en concert par le jeune et talentueux John Cooke… Harris est néanmoins crédité comme guitariste dans les notes qui accompagnent le disque, ce qui en a rassuré plus d’un. Il n’empêche que Napalm Death tourne dorénavant à 98 % autour du tandem Shane Embury / Barney Greenway crédité de onze compositions de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism sur douze (le premier à la musique et le second aux textes, à chacun son boulot). Beaucoup pensent qu’en fait c’est Embury qui a enregistré l’écrasante majorité des parties de guitare du disque, en plus de la basse. On constatera également que sur toutes les photos officielles de Napalm Death récemment publiées on ne voit qu’Embury, Greenway et Herrera mais pas de Mitch Harris, par ailleurs également absent de la galerie de portraits qui orne le livret du disque. Ce qui est extrêmement choquant.

 


 

Mais qu’importe. L’histoire de Napalm Death est pour le moins compliquée – cela fait quand même vingt huit années qu’il n’y a plus un seul membre originel dans le line-up ! – mais le logo du groupe est toujours celui qui apparaissait sur Scum, le premier album du groupe en 1987 : Napalm Death reste Napalm Death. Et Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism est un bon cru. Evidemment la musique des anglais n’est plus vraiment du grind pur jus ou plutôt elle n’est plus uniquement ça, toute enrobée d’une grosse production que rejetteront les puristes du genre et les aficionados du crust toujours. Là-dessus, on ne peut qu’être d’accord avec les intégristes mais on ne peut pas nier non plus toutes les qualités d’un groupe qui a su évoluer et se renouveler (malgré une nette baisse de régime dans la deuxième moitié des années 90).
Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism comporte donc son lot de brûlots et question puissance de feu et rage extrême les membres de Napalm Death, tout vétérans qu’ils sont, n’ont rien à envier à qui ce soit. Fuck The Factoid et plus encore Backlash Just Because puis That Curse of Being In Thrall fournissent une excellente entrée en matière, un peu plus loin confirmée par Fluxing Of The Muscle, Zero Gravitas Chamber ou le morceau titre. Et puis, pour changer la donne, il y a Amoral qui fait penser à du Killing Joke, le (presque) final A Belly Of Salt And Spleen à la fois grandiloquent et industriel ou le ténébreux et gothoïd Invigorating Clutch. Au milieu de tout ce raz-de-marée nuancé se glisse cependant une composition très différente de toutes les autres : coécrit avec le producteur du disque Russ Russel, Joie De Ne Pas Vivre est à la fois très rythmique – prépondérance du couple basse / batterie dopée aux effets – et très indus-bidouille mais se démarque surtout par la nature du chant presque possédé de Barney (vous avez dit black metal ?). Le résultat est complètement hybride mais incroyablement cohérent et il semble bien que ce soit un terrain sur lequel Napalm Death ne s’était encore jamais aventuré jusqu’ici.
Et maintenant parlons bizness. La version vinyle de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism comporte un titre bonus : Feral Carve-up est un bon exemple de grind/death passé au défoliant, il n’y a rien à redire là-dessus. Il existe également une version CD « mediabook » du disque avec ce même Feral Carve-up, ainsi que deux autres titres supplémentaires, en fait deux reprises. La première est une version plutôt réussie du White Kross de Sonic Youth ; la seconde est un titre de Rudimentary Peni dont je ne connais pas l’original. Une façon pour Napalm Death de nous rappeler pour la énième fois son ouverture d’esprit… Mais signalons que depuis que le groupe est chez Century Media tous ses disques ont bénéficié de versions spéciales avec titres supplémentaires et que ces mêmes titres ont plus tard été compilés sur le double album Coded Smears And More Uncommon Slurs. Les collectionneurs sont donc prévenus : dans quelques années, si le monde existe encore, il y a fort à parier que Napalm Death et son label ressortiront tous ces « inédits » et toutes ces raretés… la seule chose qui restera sans doute introuvable c’est l’élégant patch brodé au nom du groupe et de l’album qui accompagne le digibook de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism. Un gadget inutile malgré tout mais qui fait vendre du disque collector. Napalm Debts ? 

 

dimanche 27 septembre 2020

[chronique express] Deafbrick / self titled

  

 

Un peu de name-droping et de mathématiques appliquées. Petbrick = Wayne Adams (de Death Pedals et de Big Lad) + Igor Cavalera (de Sepulura, Cavalera Conspiracy). Deafkids = un trio brésilien plutôt appétissant malgré la hype et le culte qu’il suscite. Petbrick + Deafkids = DEAFBRICK. C’est suite à un concert commun placé sous le double signe de l’impromptu et de l’instantanéité que les cinq musiciens ont décidé de remettre ça, en studio cette fois et en trois jours d’enregistrement seulement. Le résultat est paradoxalement surprenant et attendu : il y a suffisamment d’idées dans ce premier disque collaboratif en forme d’indus electro-tribal à peine punkoïde pour en faire un chouette objet de curiosité mais il y a trop de facilités amalgamées pour finalement ne pas également hausser les épaules face au risque d’indigestion aggravée. Résultat de l’équation : Deafbrick est un disque sur lequel les participants semblent beaucoup s’amuser mais dont les auditeurs sont malheureusement souvent exclus.

vendredi 25 septembre 2020

Comme à la radio : Really Bad Music For Really Bad People

 

 


 

J’ai un peu hésité avant de chroniquer cette compilation de reprises des CRAMPS. Really Bad Music For Really Bad People : The Cramps As Heard Through The Meat Grinder Of Three One G est la référence numéro 100 du label Three One G dont je rappelle que le boss n’est autre que le golden boy du punk Justin Pearson (Swing Kids, The Locust, Retox, etc). J’ai un peu hésité parce que ce disque – que je n’ai encore jamais vu en vrai et je ne verrai sans doute jamais – est vendu à des prix complètement prohibitifs. Ce n’est pas la faute à d’éventuels revendeurs ou distributeurs, non la faute en incombe directement au label dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne se fait vraiment pas chier sur ce coup là. Mais pourquoi ? Parce qu’il a fallu payer des droits délirants aux auteurs (ou à leurs ayant-droits) des titres repris ici ? Est-ce parce que quelques noms un peu connus – on y reviendra après – figurent au programme ? Les gérants de Three One G ont-ils trop d’arriérés de factures à honorer ? S’agirait-il d’une œuvre caritative ?… Mystère !

Mais je ne pouvais malgré tout pas passer outre cette chronique : non seulement Three One G est un label qui m’a toujours intéressé mais en plus je suis un fan absolu des Cramps. Je rappellerai juste que le label de Pearson n’en est pas à son coup d’essai, ayant en 2002 publié un hommage similaire à Queen (arrgghh) puis en 2006 une compilation consacrée aux inestimables Birthday Party. Il va s’en dire que le choix du groupe repris a toute son importance : il est difficile pour moi de m’enfiler une quinzaine de titres de la bande de Freddy Mercury, même interprétés par des musiciennes et musiciens que j’apprécie par ailleurs ; inversement je chéris tout particulièrement Release The Bats – je ne saurais être plus clair

 

Avec Really Bad Music For Really Bad People le résultat reste très mitigé.

 

 


Commençons par celles et ceux qui s’en sortent pas trop mal mais dont je n’ai pas grand chose à faire non plus. En reprenant TV Set les Child Bite redorent un blason bien terni depuis la parution de leur album Blow Off The Omens en 2019, comme quoi avec de vraies compositions dotées de vraies parties de guitare Child Bite pourrait peut-être encore faire quelques étincelles. Avec Sheena’s In A Goth Gang Chelsea Wolfe a le courage de s’attaquer à un titre tardif des Cramps (de l’album Big Beat From Badsville en 1997) et fait… du Chelsea Wolfe. J’ai laissé tombé la musique de la dame depuis qu’elle se prend beaucoup trop pour une prêtresse métallique assoiffée de mélancolie odorante mais après tout pourquoi pas, sa version de Sheena’s In A Goth Gang dure moins de quatre minutes c’est-à-dire qu’elle reste en dessous de mon seuil d’intolérance.
Malgré toute la répulsion et le dégoût profond que peuvent m’inspirer nombre de groupes ou projets de Mike Patton je dois avouer qu’il était l’un des rares chanteurs capables de s’attaquer au monumental Human Fly. Il est qui plus est accompagné par les tarés de Zeus !, malgré tout un peu en retrait ici. Retox passe tout juste la barre avec un Garbage Man qui tarde à décoller, dommage, le chanteur Justin Pearson en faisant beaucoup trop à mon goût. Idem pour Daughters dont la version de What’s Inside A Girl ? très scolaire arrive tout juste à convaincre, j’en attendais beaucoup mieux. Quant à Panicker aka Brent Asbury (il a également procédé au mastering de tout le disque), on pourrait penser au départ à une très mauvaise blague mais I’m Cramped mouliné à la sauce EBM / Breakcore chamallow ce n’est finalement pas si mal…

Ne perdons pas trop de temps avec les inévitables déchets que comportent toutes les compilations digne de ce nom, ou presque : I Was A Teenage Werewolf par Secret Fun Club accompagné de Carrie Gillespie Feller est désespérément insipide ; Zombi Dance par Sonida De La Frontera est simplement affligent (mais qu’est ce que c’est que ce truc ?) ; People Ain’t No Good version Magic Witch Cookbook est franchement insupportable.
Reste à évoquer les trois gros morceaux de Really Bad Music For Really Bad People. Metz dynamite complètement Call Of The Wighat, un titre initialement gravé par les Cramps sur Smell Of Female mais que l’on dirait tout simplement composé pour le trio canadien apparemment en très grande forme, ce qui ne laisse présager que du bon pour son quatrième album solo attendu sous peu. Etonnamment les noiseux de Microwaves ont fait quelque chose de très personnel de Dont’ Eat The Stuff Off The Sidewalk, leur version tendue et tordue s’avérant excellente sans trop en rajouter. Et puis il y a le cas de Qui dont le New Kind Of Kick constitue tout simplement la meilleure contribution à Really Bad Music For Really Bad People. La surprise est de taille venant d’un groupe qui fut un temps a joué en compagnie de David Yow (Jesus Lizard) mais n’avait jamais suscité de réel enthousiasme chez moi. Comme quoi…

Conclusion : gardez votre argent pour acheter de la drogue (ou ce que vous voudrez d’autre) et volez ce disque sur les internets, vous m’en remercierez un jour. 

 

 

mercredi 23 septembre 2020

[chronique express] Necrot / Mortal

  


 

Je sais que je vais faire un parallèle complètement foireux mais je ne peux vraiment pas m’en empêcher : plus ça va et plus les pochettes des disques de NECROT deviennent chiadées (mais toujours d’un mauvais goût immonde que j’adore) tandis que le death metal teinté de relents thrash du trio d’Oakland se complexifie avec toujours plus de breaks, toujours plus de technicité, quelques solos de guitare qui servent à rien – comme sur Sinister Will – mais qui heureusement restent rares sur la totalité du disque et cætera, et cætera… Mortal ne comporte que sept titres parfois un peu trop longs et regorge de ces moments magiques qui me donneront forcément envie de manger une entrecôte de chrétien de gauche bien saignante et de pisser ma bière tiède à côté de la cuvette des chiottes de mes beaux parents mais je m’ennuie parfois un peu, me surprenant soudainement à rêver d’une choucroute vegan calibrée à l’acide et autres délices hypnotiques. Tout ça n’est sûrement qu’une question de moment opportun et d’humeur changeante et là je l’ai plutôt mauvaise (tout comme je préfère réécouter The Labyrinth, disque compilant les premiers essais de ces mêmes Necrot).

lundi 21 septembre 2020

Blacklisters / Fantastic Man

 


 

C’est dingue comme je suis faible et comme c’est trop facile de m’avoir par les sentiments. Parce que c’est un peu toujours la même histoire, non ? Donc : prenez un groupe composé d’un chanteur spécialisé dans les couinements psychotiques et les beuglements de bête sauvage en pleine crise de rage, prenez également un guitariste qui aurait rêvé de découper des plaques de tôle ondulée à la scie circulaire, ajoutez-y une section basse/batterie intraitable, saupoudrez de mélodies imparables sans être putassières mais évidemment couplées à des dissonances bien choisies et glacez généreusement le tout d’un esprit féroce… vous obtiendrez l’archétype absolu du groupe de noise-rock tel qu’il réchauffe quoi qu’il arrive mon petit cœur d’animal humain blessé par la vie.
Alors à quoi bon parler d’un groupe apparemment comme tant d’autres et jouant une musique répondant encore une fois aux caractéristiques et aux conventions de ce bon vieux noise-rock à papa ? Autant faire un copier/coller de toutes les chroniques trop nombreuses déjà écrites pour cette gazette internet qui je veux bien l’admettre a tendance à rabâcher plus que de raison sur un sujet qui reste malgré tout primordial. Sauf que je suis un obsessionnel et un grand sentimental (donc), que j’aime avoir mal (logiquement) et que les anglais de BLACKLISTERS (ou si tu préfères : BLKLSTRS) ne sont vraiment pas n’importe qui. Malheureusement ce n’est pas demain la veille que l’on pourra voir tourner sur le vieux continent européen des groupes de la trempe d’un Chat Pile, d’un Hoaries, d’un Vincas ou d’un Wailing Storm, bref tous ces groupes nord-américains héritiers et détenteurs numéro un des secrets du genre… Mais on peut largement se consoler, et bien plus encore, avec la myriade de groupes anglais qui depuis de nombreuses années maintenant font preuve d’une vigueur et d’une inventivité assez incroyables – non ce n’est pas un juste retour des choses même s’il est toujours bon de préciser qu’à l’origine les Etats Unis d’Amérique ne sont qu’une colonie britannique qui a mal tourné.
J’avais déjà eu ce sentiment lorsque les quatre Blacklisters avaient publié leur deuxième album en 2015 : Adult dépassait allégrement le niveau pourtant très honorable du premier album sans titre paru en 2012… Avec Fantastic Man les anglais font encore plus fort en nous livrant sur un plateau d’argent un disque de très haute qualité et à très forte teneur électrique. Je peux donc reprendre mon petit descriptif ci-dessus en matière de noise-rock (saturation, mélodies/dissonances, trépidations, acidité, rage, férocité, secousses à tous les étages, suintements, reptation, etc.) pour l’appliquer tel quel à Blacklisters qui dès l’ouverture du disque rue dans les brancards en envoyant direct un magistral Sport Drinks et plaçant derechef sa musique à un nouveau niveau d’excellence puis explose encore plus fort avec Strange Face et le plus lent mais pas moins énervé Fantastic Man. Quel que soit le format emprunté et la vitesse d’exécution choisie – le niveau général restant malgré tout à la grosse bourrade – le troisième album des anglais est de bout en bout un formidable brûlot dont on pardonnera les quelques mimétismes (Sleeves fait beaucoup penser à du Jesus Lizard mais en même temps c’est tellement bon !) puisqu’il n’y a rien à jeter ici et surtout pas le fascinant I Read My Own Mind et l’implacablement tortueux Mambo N°5 qui arrivent eux en fin de disque et nous achèvent par la même occasion, dans un grand bain saignant de déflagrations noise, de furie acharnée et de combustion lente.

Avec Fantastic Man Blacklisters fait plus que confirmer tout le bien que jusqu’ici je pouvais penser du groupe en s’imposant comme l’un des fers de lance actuels d’un genre indémodable à mes yeux, au-delà de tout sentimentalisme et de toute nostalgie (non : là je suis franchement en train de déconner et de mentir ouvertement). J’espère que le groupe pourra un jour retraverser la Manche pour revenir jouer de ce côté-ci du monde convidé parce que là seule fois où j’ai eu l’occasion et la chance de voir Blacklisters en concert, c’était juste vraiment (vraiment) trop (trop) bon



[Fantastic Man est publié en vinyle jaune transparent – on dirait la couleur d’un cocktail vodka/ananas – par A Tant Rêver Du Roi, Buzzhowl records et Learning Curve records, un label US dont j’apprécie particulièrement le catalogue et ce n’est sans doute pas sans raison qu’il se soit occupé de la parution nord-américaine d’un disque anglais – CQFD]

vendredi 18 septembre 2020

Comme à la radio : Pervitin

  


 

Finissons-en tout de suite avec les références historiques à caractère non-musical : la pervitine n’est jamais qu’une forme de méthamphétamine que gobaient les soldats du IIIème Reich avant de partir à l’assaut de leurs ennemis et de les rataplanter en deux temps trois mouvements à l'occasion de blitzkriegs passés depuis à la postérité comme modèle de réussite en matière de victoire au sprint et par KO. De leur côté les Anglais ne faisaient guère mieux puisque les pilotes de la R.A.F. carburaient eux à la benzédrine pour tenir le coup lors de leurs raids aériens nocturnes. Rien de tel qu’un bon coup de speed pour se prendre pour les maîtres du monde.

PERVITIN est aussi un (relativement) jeune combo d’anciens qui ont fait leurs classes – attention : ceci est bien une métaphore filée – avec les Surfin’ Matadors, Elvis’ Corpse Revisited, Chick Peas, etc, bref des groupes issus de la scène viennoise (la sous-préfecture de l’Isère, rien à voir avec la capitale de la patrie d’Adolf Hitler) et qui depuis des années n’en finit plus d’envahir par le Sud ces péteux et prétentieux de Lyonnais. Et lorsqu’on écoute le premier maxi sans titre de Pervitin on a franchement du mal à comprendre pourquoi ces quatre gars n’ont pas encore été couronnés maîtres de leur petit monde à eux.

 

 

Les labels Teenage Hate records et Dangerhouse Skylab ne s’y sont pas trompés en s’associant pour publier ce quatre titres de pur rock’n’roll garage swamp punk – vas-y : continue l’énumération toi-même parce que moi ça me fatigue, je dois être en pleine descente – fortement imprégné d’odeurs marécageuses, avec un gros caractère ténébreux et obsessionnel.
L’ombre tutélaire du Gun Club et de Jeffrey Lee Pierce (qui se décolorait les cheveux pour faire comme son idole Debbie Harry dont il était président du fan club californien et non pas pour tenter de ressembler à un aryen) plane souvent au long d’un disque gavé de fuzz et de sueur qui cependant a le bon goût de ne pas s’arrêter en si bon chemin : les deux chanteurs/guitaristes se partagent bigrement bien le boulot et ce n’est pas tous les jours que l’on peut écouter un groupe bicéphale qui – au moins sur le papier – fonctionne aussi bien niveau énergie et qualité des compositions. Que ce soit en matière de bourrasques survoltées ou de mid-tempos fédérateurs Pervitin s’impose si facilement dans un genre tellement rabâché, éculé et balisé que je crierais presque au miracle.
Mais il n’y a pas de secret et c’est comme si les musiciens de Pervitin avaient accumulé et concentré au cours de toutes leurs nombreuses expériences musicales passées tout ce qu’il fallait pour atteindre la lumière (traduction : white light) et la vérité incontournable d’un rock’n’roll viscéral et significatif. Sans oublier que l’enregistrement sonne foutrement bien, avec suffisamment de contours permettant de tout entendre mais gardant toujours ce côté chaud et sale pour pouvoir goûter aux aspérités d’une musique aussi fougueuse qu’éloquente. Faites tourner.  

 

(seul véritable bémol : la pochette de ce disque est vraiment trop moche) 

 

 

mercredi 16 septembre 2020

Chat Pile / This Dungeon Earth - Remove Your Skin Please

 

J’ai longtemps cru que CHAT PILE était un trio voix / guitare / basse jouant avec une boite-à-rythmes du nom de Cap’n Ron… perdu ! Cap’n Ron est en fait le pseudonyme* d’un quatrième membre du groupe et « Yamaha DX Explorer » ne désigne pas une machine mais une batterie électronique, un truc un peu chelou qui ressemble plus une installation de panneaux photovoltaïques sur un pavillon de banlieue qu’à un kit de batterie. Le visionnage de quelques vidéos de Chat Pile en concert permet en outre de se rendre compte qu’effectivement le groupe joue avec un vrai batteur (et avec une vraie batterie cette fois) et non pas avec un métronome d’origine électronique. En écoutant This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please on y croit pourtant très fort à toute cette histoire de boite-à-rythmes qui donne un côté très indus et froid à la musique de ce groupe originaire d’Oklahoma. Bien qu’en prêtant un peu plus d’attention au disque on aurait aussi pu se dire que cette fameuse et supposée machine a quand même été sacrément bien programmée par quelqu’un qui en plus déborde de bonnes idées. Le plus important reste la coloration très glacée, robotique et donc presque mécanique et quasiment implacable donnée à la musique de Chat Pile par un batteur et son instrument vraiment inhabituel pour mes petites oreilles intolérantes**

 


 

This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est un vinyle qui regroupe deux cassettes publiées par Chat Pile l’année dernière. Encore une belle initiative de la part de Reptilian records permettant aux petits européens comme moi complètement perdus de l’autre côté de l’Atlantique Nord d’avoir connaissance de groupes jusqu’ici complètement inconnus. Et c’est tant mieux ! Car avec ce premier vinyle Chat Pile est en bonne place pour remporter le premier prix d’originalité dans la catégorie groupes de noise-rock tordus et vicieux (un grand concours flirtant de près avec la sacro-sainte inutilité mais qui pourtant ne manque pas de prétendants, je pense notamment aux géniaux Hoaries…).
J’imagine que l’on peut écouter le disque dans le sens que l’on veut mais il n’empêche que sa face A est logiquement occupé par l’enregistrement le plus vieux de Chat Pile avec les quatre titres de This Dungeon Earth initialement publié en mai 2019. Quatre titres de grosse terreur post industrielle et de déflagrations noise rappelant aussi bien Big Black et Jesus Lizard que Godflesh… bordel de merde de bordel de merde, question grosses références voilà qui en impose carrément mais celles-ci ne sont données qu’à titre de délimitation – si je puis m’exprimer ainsi – pour tenter de bien cerner une musique martelée et froidement névrotique qui réussit l’exploit d’osciller constamment entre énergie électrique à base de guitares folles et de chant psychopathe et écrasement tellurique suite à l’invasion de ta ville pourrie par des monstres de métal échappés d’une usine de reconditionnement psychique de robots-transformers tueurs d’enfants.

Occupant la deuxième face du disque et d’abord publié en novembre 2019 Remove Your Skin Please pourrait être issu des mêmes sessions que This Dungeon Earth, en tous les cas tous les titres du disque – ceux de la face A comme ceux de la face B – sont indiqués comme enregistrés au cours de l’année 2019 quelque part à Oklahoma City puis masterisés par la même personne (Jared Stimpfl*** du groupe Secret Cutter) et dans le même studio (Captured recordings). Globalement tout se tient donc, pas de changement notoires entre face A et face B, même engagement viscéral et même volonté de faire mal parce que l’on souffre beaucoup trop, dans un environnement hostile. Peut-être cette face B présente-t-elle un peu plus de nuances et d’accents noise-rock, une batterie toujours plus robotique, des passages de guitare plus tortueux et moins massifs, un chant un peu moins niqué des cordes vocales et plus psychotique mais dans les grandes lignes This Dungeon Earth et Remove Your Skin Please s’écoutent comme un seul et unique album et constituent l’une des plus belles surprises de cette formidable année 2020 de merde.

[This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est publié en vinyle par Reptilian records]

 

* tout le monde dans Chat Pile a droit à son pseudo : Raygun Busch chante, Luther Manhole joue de la guitare et Stin s’occupe de la basse
** donc on oublie pour l’instant ces vidéos de concerts où Chat Pile sonne avec moins d’originalité et beaucoup plus comme un groupe de noise-rock
*** il a également bossé avec mes chouchous de Tile

 

lundi 14 septembre 2020

Charlène Darling / Saint-Guidon

  


 

La grosse (grosse) honte. Je n’ai découvert que trop tardivement Rose Mercie* et son premier album** (publié par Jelodanti)… à vrai dire j’ai même découvert ce groupe alors que CHARLÈNE DARLING, guitariste/chanteuse/batteuse de ces mêmes Rose Mercie***, s’apprêtait à publier son premier véritable album solo, en vinyle : Saint-Guidon.  Et pour tout te dire c’est en fouillant dans un bac chez un disquaire qu’en fait je suis tombé sur celui-ci, un peu interloqué par la beauté et l’étrangeté de sa pochette : en retournant le disque j’ai lu le nom du label, L’Amour Aux Mille Parfums****, et là j’ai su que ce disque était fait pour moi. Mais je ne l’ai pas acheté tout de suite, faute d’argent. Je suis rentré chez moi, j’ai recherché le nom de Charlène Darling sur les internets, j’ai fait le lien avec Rose Mercie, je suis évidemment tombé sur sa page b*ndc*mp et j’ai commencé à écouter Saint-Guidon pour presque tout de suite arrêter, trop ému et touché par ce que j’entendais alors. Je ne voulais pas gâcher cette première fois avec ce disque en l’écoutant via un ordinateur. La semaine d’après je suis retourné au même magasin de disques, évidemment celui que j’étais venu chercher y était encore et je suis reparti avec Saint-Guidon.
Enregistré et produit par Mim, le genre de garçon complètement maniaque et obsessionnel du son, Saint-Guidon est un joyau aussi délicat que lumineux. Difficile de décrire la teneur générale d’un album dont toutes les chansons sont particulières et qui navigue constamment entre douce fébrilité lo-fi et sophistication resplendissante. Disons, oui disons que Saint-Guidon est un album de pop, avec tout ce que ce terme peut impliquer de noblesse, de richesse et d’expérimentations. Parce que je te le demande : quelle musique pourrait être plus expérimentale que celle qui nous parle ainsi, ravivant par sa volonté de dire et d’exprimer ce désir d’écoute ?
Les sentiments, l’amitié et, donc, l’amour – Charlène Darling dédie Saint-Guidon à « tous les garçons que j’ai aimés » – sont le seul fil conducteur apparent d’un album qui côté musique n’en fait qu’à sa tête mais le fait toujours infiniment bien, passant d’un genre à l’autre, naviguant entre folk, post punk desséché, comptines électro, ritournelles mélancoliques, parfums tropicaux et chansons brumeuses. Peut-être est-ce parce que l’instrumentation change à chaque fois, que nombre de musiciennes et de musiciens ami.e.s ont été invité.e.s à participer à l’enregistrement, de parfait.e.s inconnu.e.s comme des plus connu.e.s (échappé.e.s de Villejuif Underground, Belmont Witch et même Trash Kit !), que toutes les chansons de Saint-Guidon sont différentes. Différentes mais essentielles et liées entre elles, car il est impossible d’en retrancher une du disque tout comme il est impossible d’en préférer définitivement une ou deux par rapport à toutes les autres.
Saint-Guidon est donc une sorte d’album collaboratif sous la houlette d’une capitaine éclairée. On sent que chaque musicienne et musicien invité.e l’a été pour une raison bien précise que seule Charlène Darling (avec l’intéressé.e) doit réellement connaitre, et tout fonctionne ainsi, par relations, par échanges. Certains textes – sept sont en français, un en anglais***** – n’ont pas été écrits par elle mais elle les chante comme si c’était les siens, parfois accompagnée d’une autre voix, là aussi comme un échange… Finalement Saint-Guidon n’est rien d’autre que ça, l’expression et la manifestation aigues de récits d’amours et d’amitiés offerts de la seule façon possible, avec amour précisément, pour faire comprendre et ressentir au-delà des mots, tel un don de soi, une autre manifestation de la beauté.

 

* et je n’ai aucune excuse puisque Rose Mercie a au moins joué deux fois à Lyon / Grrrnd Zero : en septembre 2015 et en novembre 2018
** bonne nouvelle : Rose Mercie est actuellement en train d’enregistrer un nouveau disque, celui-là je vais essayer de ne pas le rater

*** aucune excuse, épisode deux : Charlène Darling est passée à Grrrnd Zero en décembre 2019…

**** un label emmené par Mim, qui n’a publié que peu de références mais qui y porte un soin tout particulier

***** sans oublier la « piste cachée », une neuvième chanson placée à la fin du disque, également en anglais : Why ? Why ? ne répond à aucune question mais incite à chercher d’autres réponses en réécoutant immédiatement Saint-Guidon

vendredi 11 septembre 2020

Autotelia / I

 

Cette semaine sera la semaine des morts. Les hommages se sont multipliés après la disparition le 23 aout dernier de Tom Relleen. Je ne te parle pas de ces cavalcades de pleureurs et de pleureuses qui s’empressent de prendre la parole pour en fait surtout parler d’eux-mêmes mais bien de profonds hommages, sincères et désolés, dévastés pour certains. Parce que cela faisait très longtemps que Tom Rellen faisait de la musique et multipliait les collaborations et les amitiés. Celles et ceux qui n’ont rien eu à foutre de sa disparition se sont simplement contentés de fermer leur gueule… Tom Relleen inspirait ce respect que seules les grandes âmes sincères et généreuses peuvent inspirer.
Je ne pleure jamais les morts des personnes – artistes ou non – que je ne connais pas personnellement… même lorsque cela me rend triste. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à celle-ci, forcément injuste. Tout comme je repense aux groupes dans lesquels Tom Relleen a joué et aux très nombreux disques auxquels il a collaboré. Il y a bien sûr The Oscillation (en tant qu’homme de main) et surtout les géniaux Tomaga en compagnie de la batteuse/percussionniste Valentina Magaletti* mais aussi Papivores (avec la violoniste Agathe Max) et tellement d’autres choses que j’en découvre encore, à l’occasion de cette disparition prématurée suite à un vilain cancer de l’estomac. Tom Relleen avait 42 ans.

 


 

C’est avec Demian Castellanos, le grand patron de The Oscillation, que Tom Relleen avait monté il y a quelques années un projet du nom d’AUTOTELIA. Sobrement – et définitivement – intitulé I le premier album du duo a été publié en juillet 2020. Mais revenons un peu en arrière. Paru deux années plus tôt, l’album U.E.F de The Oscillation pouvait surprendre par son caractère très majoritairement instrumental, expérimental et répétitif. Enregistrées quasiment seul par Demian Castellanos – comme d’habitude un peu assisté par le batteur Tim Weller – les deux uniques compositions de cet album troublant et hypnotique s’étalent volontiers dans les sphères du kraut rock à tendance psychédélique. Il s’agit de mon album préféré de The Oscillation parce que c’est aussi celui qui retranscrit le mieux les méandres colorés, groovy et parfois troubles des concerts du groupe (ceci dit je n’ai rien contre les autres albums de The Oscillation, davantage orientés vers le format chanson de pop noisy et psyché). Et U.E.F peut également constituer une sorte de porte d’entrée vers la musique d’Autotelia dont il est un peu le pendant rythmique et, évidemment, nettement plus dynamique.
Du psychédélisme électronique, des circonvolutions synthétiques et des spirales en forme de choux-fleurs aquatiques il n’y a pratiquement que ça sur I mais avec une approche nettement plus ambient et plus sombre, mélancolique par moment. Si je mets les deux disques en parallèle c’est parce qu’ils me font chacun penser à la musique d’un même film… schématiquement U.E.F en serait le générique ou accompagnerait les scènes où les personnages principaux cherchent à fuir à corps perdus devant l’effroyable, un monde dont ils ne veulent pas ; I illustrerait plutôt les moments où tout se ralentit et où les images à l’écran relèvent plus de l’impression que de l’expression. Ce film raconte surement une histoire de science fiction où le personnage principal chasseur et tueur d’androïdes révoltés est à la recherche de sa propre humanité disparue (toute ressemblance avec un film existant déjà n’est absolument pas fortuite).

Autotelia
résume ainsi le côté assombri et introspectif de la musique de deux musiciens qui collaborent ensemble depuis des années. Pourtant I n’est pas le 56244ème album de musique ambient en roue libre et idéal pour fumer son petit stick du soir. Au contraire les liens unissant Demian Castellanos et Tom Relleen réellement palpables peuvent expliquer pourquoi la musique d’Autotelia sonne aussi aboutie et édifiée, bien qu’enregistrée sur des périodes parfois très étalées – par « édifiée » je veux dire que les quatre** titres de I constituent quatre moments à la fois solides et intenses, aux effets durables mais qui n’enferment pas l’auditeur dans des schémas attendus et contraints : l’imaginaire reste roi.
On dit d’une personne « autotélique » qu’elle n’agit que par rapport à elle-même et surtout au plaisir que lui apporte cette activité et ce sans rapport avec les interactions extérieures et leurs conséquences***. Le nom du groupe correspond parfaitement à une musique dont on sent qu’elle a été enregistrée sans les contraintes fonctionnelles de l’écriture et de sa formalisation, laissant la place aux flottements créatifs et aux échanges instantanés entre deux amis. Alors heureusement que malgré le nom de leur groupe Demian Castellanos et Tom Relleen n’ont pas composé ni enregistré toute cette musique uniquement pour leur seul plaisir et que la partager a fini par leur paraitre plus que nécessaire. Et effectivement… ce disque est nécessaire, surtout maintenant et plus que jamais, pour toujours.

[I est publié en vinyle vert ou noir et blanc par Rocket recordings]

 

* un album posthume de Tomaga terminé juste avant la mort de Tom Relleen devrait paraitre en 2021…
** quatre sur le vinyle mais cinq sur la page b*ndc*mp d’Autotelia... toutefois je trouve Storm At Tucanae nettement moins intéressant et passionnant que les titres du vinyle, c’est donc une bonne chose qu’il n’y figure pas

*** ce qui est différent de l’égoïsme où on agit pour soi et pour son intérêt 

 

 

 

 

mercredi 9 septembre 2020

Old Man Gloom / Light Of Meaning - Darkness Of Being


La mort de Caleb Scofield – bassiste originel d’Old Man Gloom mais également membre de Zozobra et de Cave In – dans un stupide accident de voiture en mars 2018 n’aura pas entaché la détermination de ses petits camarades, ni leur humour dévastateur. Initialement fondé par Aaron Turner (Isis, Sumac, boss d’Hydra Head records, etc.) au chant et à la guitare et par Santos Montana (Zozobra) à la batterie, OLD MAN GLOOM est ce que l’on appelle un super groupe et se revendique facétieusement comme tel – « instead of making shitty records like other supergroups, Old Man Gloom actually makes great ones » – avec son line-up 100 % crème comprenant également Nate Newton (Converge et Doomriders) à la seconde guitare et au chant… mais aussi désormais Stephen Brodsky (Cave In) qui a remplacé Scofield à la basse après la disparition de celui-ci *. Et en 2020 le vieil homme sombre aura publié pas moins de deux albums intitulé Seminar VIII - Light Of Meaning et Seminar IX – Darkness Of Beaning

 


 

… ce n’est cependant pas la première fois qu’Old Man Gloom publie deux albums en même temps. Ce fut déjà le cas en 2001 avec Seminar II: The Holy Rites of Primitivism Regressionism et Seminar III: Zozobra puis en 2014 avec The Ape Of God 1 et 2. Avec son sticker vert indiquant que Light Of Meaning est un coupon pour téléchargement digital vendu pour 23 $ et comprenant un vinyle en guise de bonus (!) le huitième album d’Old Man Gloom correspond aux attentes des fans du groupe et de sa musique inclassable. Ni doom, ni metal, ni hardcore, ni sludge, ni expérimental Light Of Meaning présente l’habituelle mixture d’un groupe qui semble ne vouloir en faire qu’à sa tête et s’amuser.
Le disque démarre avec des drôles de cris ressemblant à ceux d’un Totoro sous acide à moins, ce qui est beaucoup plus probable, que ce ne soient des pets d’ordinateur en détresse. Des drôles de bruits agrémentant d’une couleur singulièrement potache EMF, première composition chaotique de l’album. Les trouvailles sonores sont nombreuses (pendant longtemps le line-up du groupe incorporait également Luke Scarola, aujourd’hui parti, comme préposé à la bidouille) et même le traitement général du son réserve quelques surprises, comme ces passages où on peut légitimement se demander si le disque tourne à la bonne vitesse : les guitares semblent complètement déformées et passées au filtre d’une machine destinée à essorer les particules ioniques issues de rayonnements cosmiques.
Parfois les compositions se font plus longues et plus atmosphériques, le chant devient clair (ou le chant est alterné entre beuglements de bête et nectar mélancolique) ou un passage bruitiste vient tout remettre en question. Avec Old Man Gloom les façons de faire sont toujours un peu les mêmes mais elles fonctionnent toujours parfaitement, arrivant malgré tout à provoquer surprise et plaisir intense – non cette dernière remarque n’a rien de sexuel.

 


 

Il en est de même avec Darkness Of Being, deuxième volet du diptyque millésimé 2020 et neuvième album (donc) d’Old Man Gloom. Cette fois ci le sticker est orange, indiquant « the other new album » et précisant : « A companion to the other album not to be mistaken for a double album. Released by a canadian because no record label in Trump’s America would let a mexican drummer take a job from hard working heavy metal voters »… je ne vais pas tout traduire mais mes souvenirs de cours d’anglais aussi lointains qu’approximatifs ne m’empêcheront pas de penser que quelqu’un (je veux dire autre que Donald Trump) est ici particulièrement visé.
Musicalement Darkness Of Being n’en est pas moins éclaté et (parfois) bizarre que Light Of Meaning mais je le trouve plus réussi, plus haletant, peut-être parce que les sept compositions sont plus abouties, même dans leurs parties expérimentales et ambient, encore plus nombreuses et plus… loooonnnngues. Il est concevable que l’on puisse parfois s’impatienter à l’écoute d’un disque d’Old Man Gloom, attendant que les « vraies » compositions arrivent enfin – bien que les trous d’air et l’attente fassent réellement partie de tout le dispositif – mais si on aime vraiment les trucs raisonnablement décalés et expés ce ne sera pas le cas avec Darkness Of Being qui synthétise assez parfaitement le coté metal / hardcore / etc. du groupe et ses aspirations plus avant-gardistes et tordues. Ce qui reste certain c’est qu’encore une fois Old Man Gloom ne s’est pas planté en publiant deux albums simultanément et que le groupe fait plus que jamais figure d’incontournable en matière de gros son qui tâche et qui effraie mais qui en même temps fait aussi voyager dans un (presque) inconnu sans cesse renouvelé et palpitant.

[Seminar VIII - Light Of Meaning et Seminar IX - Darkness Of Being sont publiés en vinyle et même en CD – sans coupon de téléchargement – par Profound Lore records]

 

* le défunt bassiste est toujours crédité comme membre à part entière d’Old Man Gloom et Seminar VIII - Light Of Meaning comme Seminar IX - Darkness Of Being stipulent dans leurs notes que certaines compositions sont de Caleb Scofield, que nombre de ses pistes de basse, de chant et même de guitare ont été gardées pour le résultat final – l’amitié n’a pas de prix

 

 

lundi 7 septembre 2020

[chronique express] Fontaines D.C. / A Hero's Death




Attention, groupe intergénérationnel pour les hipsters, leurs parents mais aussi leurs enfants. Il a beaucoup été dit que les cinq FONTAINS D.C. avaient déchiré slips kangourous et petites culottes grâce à un premier LP qualifié à tort de meilleur disque de l’année 2019 alors qu’il ne comporte que deux ou trois compositions correctes et plus du double de titres palots voire complètement inodores. Le groupe revient déjà avec A Hero’s Death, un nouveau chef-d’œuvre plébiscité par Télérama et France Inter (ça c’est pour ta mère et ton père), les Inrocks (ça c’est pour tonton) et bénéficiant d’une page wikipédia, on croit rêver… Le « post punk » est plus que jamais à la mode et cela pourrait presque se comprendre avec ce deuxième album de la part d’un groupe sachant toujours aligner quelques torpillettes électriques mais y rajoutant cette fois nombre d’atmosphères glacées, de compositions tristement désabusées et de balades tristounettes ou pluvieuses – un vrai repas de famille. Pour une fois j’aurai un disque à faire écouter à mes adolescentes de filles sans qu’elles me prennent trop pour un fou dégénéré ou un vieux con complètement à l’ouest mais je ne vais pas résilier mon abonnement à Nic Fit pour autant.