Des fois il y a des choses que j’aimerais bien savoir. Juste pour le plaisir (oui c’est de la satisfaction un peu mal placée). Parce que cela m’intrigue et que je suis peut-être trop curieux. Mais je ne demande pas vraiment, je préfère trouver une réponse tout seul, même s’il y a de grandes chances pour que cette réponse soit fausse. Et puis pour oser demander, encore faut-il pouvoir le faire et réussir à parler aux gens. Alors je préfère inventer. Donc là je ne comprends pas pourquoi Complications, le troisième album de E – ou si on préfère A Band Called E – n’est pas sorti sur Thrill Jockey comme ses deux prédécesseurs et notamment Negative Work qui reste à ce jour le meilleur disque du trio. Voilà : non seulement je me pose des questions parfaitement inutiles mais en plus je viens de spoiler toute la suite de ma chronique.
Mon problème avec Complications (encore un titre crypto-pessimiste) n’est pas que ce soit un mauvais disque – très loin de là – mais il est un peu moins réussi, moins captivant et moins haletant que le susnommé Negative Work. La capacité du groupe à amasser moult éléments disparates mais concordants, à associer des couleurs et des identités différentes et à coller ensemble ce que pas grand monde sinon aurait eu l’idée d’assembler aussi crument et hardiment pour donner naissance à quelque chose qui ressemble à tout sauf à un patchwork de rock indé noisy faisait toute la force bancale mais incontestable de E. Joli principe de synergie foutrement bien appliqué à de la musique. Mais avec Complications on ne peut que constater qu’il ne s’agit pas que d’un seul disque mais plutôt de plusieurs. Trois pour être exact, et cela n’étonnera pas grand monde, puisqu’on parle d’un trio d’auteurs/compositeurs/interprètes.
Ainsi les compositions principalement chantées par Thalia Zedek se démarquent elles considérablement de celles interprétées par Jason Sanford ou par Gavin McCarthy. Sunrise par exemple n’aurait pas démérité sur un album du Thalia Zedek Band. C’est lorsque le chant est réellement assuré à plusieurs que le disque arrive à décoller et que E reprend quelques couleurs vivaces, peut-être bien pour une question d’apport vitaminique : Contagion Model joue la complémentarité entre la locomotive McCarthy et les deux autres tandis que Dead Drop voit une Zedek débarquer en guise de soutien de poids, toujours au même McCarthy. En fait ce sont les titres où l’ancien batteur de Karate s’avère le plus prépondérant que l’on retient le plus facilement. Ceux chantés – et écrits* – par Thalia Zedek ressemblent décidemment trop à ce qu’elle a fait ces presque vingt dernières années en solo ou avec son propre groupe à elle, et ceux de Jason Sanford peuvent se révéler décevants, tel Miasma entre pochade et comptine mollassonne (et le plus mauvais titre de Complications) ou même Gelding que je trouve à peine plus convaincant. Pourtant il semble bien que ce soit ce même Jason Sanford qui a prémonitoirement donné la tonalité de l’album avec des textes très sombres tournant autour de la maladie, de la contagion et des virus – sans parler de l’artwork de la pochette dont il est également responsable et qui fait un peu froid dans le dos.
Complications est un album qui a vraiment du mal à tenir debout, ou même un peu penché, et qui vacille constamment sans que cela lui confère le charme des enregistrements intimement précieux. Au lieu d’un disque bancalement attachant on dirait plutôt un disque pas fini et assemblé à la va-vite, sans forcer et sans trop de génie, sans la magie qui prévalait sur Negative Work. L’argumentaire du label Silver Rocket qui parle du « […] troisième album d’un trio qui défie les possibilités d’un trio » est pour le moins exagéré mais on peut comprendre qu’une petite maison de disques par définition enthousiaste puisse être fière et heureuse d’avoir récupéré un groupe avec des musiciens de la trempe et du pedigree de ceux de E**. Pour ma part la déception est au rendez-vous, ce qui ne m’empêche pas de gouter à certaines chansons du disque : Like A Leaf, sorte de tube emo à la Sonic Youth période Lick Me / MTV arrive à sortir du lot tout comme Apiaries Near Me, grosse exception d’un disque un peu trop platement triste. Pour la première fois E y réussit le coup des trois individualités et musiciens soudés comme jamais, interprétant ensemble une magnifique composition tout en gardant leur identités propres. Dommage que Like A Leaf et Apiaries Near Me soient les deux derniers titres de Complications… mais ils arrivent malgré tout à donner une nouvelle chance au disque et envie de le réécouter du début, sait-on jamais.
Ainsi les compositions principalement chantées par Thalia Zedek se démarquent elles considérablement de celles interprétées par Jason Sanford ou par Gavin McCarthy. Sunrise par exemple n’aurait pas démérité sur un album du Thalia Zedek Band. C’est lorsque le chant est réellement assuré à plusieurs que le disque arrive à décoller et que E reprend quelques couleurs vivaces, peut-être bien pour une question d’apport vitaminique : Contagion Model joue la complémentarité entre la locomotive McCarthy et les deux autres tandis que Dead Drop voit une Zedek débarquer en guise de soutien de poids, toujours au même McCarthy. En fait ce sont les titres où l’ancien batteur de Karate s’avère le plus prépondérant que l’on retient le plus facilement. Ceux chantés – et écrits* – par Thalia Zedek ressemblent décidemment trop à ce qu’elle a fait ces presque vingt dernières années en solo ou avec son propre groupe à elle, et ceux de Jason Sanford peuvent se révéler décevants, tel Miasma entre pochade et comptine mollassonne (et le plus mauvais titre de Complications) ou même Gelding que je trouve à peine plus convaincant. Pourtant il semble bien que ce soit ce même Jason Sanford qui a prémonitoirement donné la tonalité de l’album avec des textes très sombres tournant autour de la maladie, de la contagion et des virus – sans parler de l’artwork de la pochette dont il est également responsable et qui fait un peu froid dans le dos.
Complications est un album qui a vraiment du mal à tenir debout, ou même un peu penché, et qui vacille constamment sans que cela lui confère le charme des enregistrements intimement précieux. Au lieu d’un disque bancalement attachant on dirait plutôt un disque pas fini et assemblé à la va-vite, sans forcer et sans trop de génie, sans la magie qui prévalait sur Negative Work. L’argumentaire du label Silver Rocket qui parle du « […] troisième album d’un trio qui défie les possibilités d’un trio » est pour le moins exagéré mais on peut comprendre qu’une petite maison de disques par définition enthousiaste puisse être fière et heureuse d’avoir récupéré un groupe avec des musiciens de la trempe et du pedigree de ceux de E**. Pour ma part la déception est au rendez-vous, ce qui ne m’empêche pas de gouter à certaines chansons du disque : Like A Leaf, sorte de tube emo à la Sonic Youth période Lick Me / MTV arrive à sortir du lot tout comme Apiaries Near Me, grosse exception d’un disque un peu trop platement triste. Pour la première fois E y réussit le coup des trois individualités et musiciens soudés comme jamais, interprétant ensemble une magnifique composition tout en gardant leur identités propres. Dommage que Like A Leaf et Apiaries Near Me soient les deux derniers titres de Complications… mais ils arrivent malgré tout à donner une nouvelle chance au disque et envie de le réécouter du début, sait-on jamais.
[Complications est publié en vinyle par Lokal Rekorc et Silver Rocket, deux labels tchèques sacrément efficaces niveau mailorder et qui proposent leurs productions à des prix tellement raisonnables et accessibles – même avec le port – que de ce côté-là au moins il n’y aura aucune raison de regretter Thrill Jockey]
* ce qui reste malgré tout difficile à savoir parce que toutes les compositions de Complications sont créditées systématiquement aux trois musiciens du groupe mais il y a de telles différences de style que l’on peut aussi raisonnablement penser que chacun a écrit les morceaux où il chante
** juste en guise de rappel : Thalia Zedek a joué dans Uzi, Live Skull, Come et bien sûr le Thalia Zedek Band ; Jason Sanford était (est ?) dans Neptune ; Gavin McCarthy était le batteur de Karate