La grosse (grosse) honte. Je n’ai
découvert que trop tardivement Rose Mercie* et son premier album** (publié
par Jelodanti)… à vrai dire j’ai même découvert ce groupe alors que CHARLÈNE DARLING, guitariste/chanteuse/batteuse de ces mêmes
Rose Mercie***, s’apprêtait à publier son premier véritable album solo, en vinyle : Saint-Guidon. Et pour tout te dire c’est en fouillant dans
un bac chez un disquaire qu’en fait je suis tombé sur celui-ci, un peu
interloqué par la beauté et l’étrangeté de sa pochette : en retournant le
disque j’ai lu le nom du label, L’Amour Aux Mille Parfums****, et là j’ai su que ce disque était fait pour moi. Mais je ne
l’ai pas acheté tout de suite, faute d’argent. Je suis rentré chez moi, j’ai
recherché le nom de Charlène Darling sur
les internets, j’ai fait le lien avec Rose Mercie, je suis évidemment tombé sur
sa page b*ndc*mp et j’ai commencé à écouter Saint-Guidon
pour presque tout de suite arrêter, trop ému et touché par ce que j’entendais
alors. Je ne voulais pas gâcher cette première fois avec ce disque en
l’écoutant via un ordinateur. La semaine d’après je suis retourné au même
magasin de disques, évidemment celui que j’étais venu chercher y était encore
et je suis reparti avec Saint-Guidon.
Enregistré et produit par Mim, le genre
de garçon complètement maniaque et obsessionnel du son, Saint-Guidon est un joyau aussi délicat que lumineux. Difficile de
décrire la teneur générale d’un album dont toutes les chansons sont
particulières et qui navigue constamment entre douce fébrilité lo-fi et sophistication
resplendissante. Disons, oui disons que Saint-Guidon
est un album de pop, avec tout ce que ce terme peut impliquer de noblesse, de
richesse et d’expérimentations. Parce que je te le demande : quelle
musique pourrait être plus expérimentale que celle qui nous parle ainsi,
ravivant par sa volonté de dire et d’exprimer ce désir d’écoute ?
Les sentiments, l’amitié et, donc,
l’amour – Charlène Darling dédie Saint-Guidon à « tous les garçons
que j’ai aimés » – sont le seul fil conducteur apparent d’un album qui côté
musique n’en fait qu’à sa tête mais le fait toujours infiniment bien, passant
d’un genre à l’autre, naviguant entre folk, post punk desséché, comptines
électro, ritournelles mélancoliques, parfums tropicaux et chansons brumeuses.
Peut-être est-ce parce que l’instrumentation change à chaque fois, que nombre
de musiciennes et de musiciens ami.e.s ont été invité.e.s à participer à
l’enregistrement, de parfait.e.s inconnu.e.s comme des plus connu.e.s
(échappé.e.s de Villejuif Underground, Belmont Witch et même Trash Kit !),
que toutes les chansons de Saint-Guidon
sont différentes. Différentes mais essentielles et liées entre elles, car il
est impossible d’en retrancher une du disque tout comme il est impossible d’en
préférer définitivement une ou deux par rapport à toutes les autres.
Saint-Guidon est donc une sorte
d’album collaboratif sous la houlette d’une capitaine éclairée. On sent que
chaque musicienne et musicien invité.e l’a été pour une raison bien précise que
seule Charlène Darling (avec
l’intéressé.e) doit réellement connaitre, et tout fonctionne ainsi, par
relations, par échanges. Certains textes – sept sont en français, un en anglais*****
– n’ont pas été écrits par elle mais elle les chante comme si c’était les
siens, parfois accompagnée d’une autre voix, là aussi comme un échange…
Finalement Saint-Guidon n’est rien
d’autre que ça, l’expression et la manifestation aigues de récits d’amours et
d’amitiés offerts de la seule façon possible, avec amour précisément, pour
faire comprendre et ressentir au-delà des mots, tel un don de soi, une autre manifestation
de la beauté.
* et je n’ai aucune excuse puisque Rose
Mercie a au moins joué deux fois à Lyon / Grrrnd Zero : en septembre 2015
et en novembre 2018
** bonne nouvelle : Rose Mercie est
actuellement en train d’enregistrer un nouveau disque, celui-là je vais essayer
de ne pas le rater
*** aucune excuse, épisode deux :
Charlène Darling est passée à Grrrnd Zero en décembre 2019…
**** un label emmené par Mim, qui n’a publié que peu de références mais qui y
porte un soin tout particulier
***** sans oublier la « piste
cachée », une neuvième chanson placée à la fin du disque, également en
anglais : Why ? Why ?
ne répond à aucune question mais incite à chercher d’autres réponses en
réécoutant immédiatement Saint-Guidon