Chic ! Chic ! Chic ! Encore
un disque avec une pochette ultra moche ! Mais ce n’est pas n’importe
quelle pochette non plus : il y a écrit NAPALM DEATH dessus. Signé par le
danois Frode Sylthe – qui semble avoir pris
un abonnement avec nos grindeux préférés depuis quelques années – l’artwork de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism
ne laissera toutefois pas indifférent tant il est explicite : une colombe
étranglée et démantibulée jusqu’au sang par une main gantée de latex. Au moins
le message est clair, surtout qu’il est accompagné d’un titre d’album
traduisible par quelque chose comme « les
affres de la joie dans les mâchoires du défaitisme ». En gros : ne
nous laissons pas faire et continuons le combat sans nous laissez aller au
cynisme du profitons-en avant qu’il ne soit trop tard et avant la fin du monde.
OK, j’avoue extrapoler un tantinet mais dans l’idée c’est ça. Napalm Death fait toujours de la
politique, à sa façon.
Pour
son seizième album studio – le sixième pour Century Media – le groupe aura pris
son temps puisque cinq années déjà se sont écoulées depuis Apex Predator - Easy Meat mais surtout le groupe nous aura fait
bien peur : en 2014 le guitariste Mitch Harris annonçait sa mise en
retrait et désormais il est remplacé en concert par le jeune et talentueux John
Cooke… Harris est néanmoins crédité comme guitariste dans les notes qui
accompagnent le disque, ce qui en a rassuré plus d’un. Il n’empêche que Napalm Death tourne dorénavant à 98 %
autour du tandem Shane Embury / Barney Greenway crédité de onze compositions de
Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism
sur douze (le premier à la musique et le second aux textes, à chacun son
boulot). Beaucoup pensent qu’en fait c’est Embury qui a enregistré l’écrasante
majorité des parties de guitare du disque, en plus de la basse. On constatera
également que sur toutes les photos officielles de Napalm Death récemment publiées on ne voit qu’Embury, Greenway et
Herrera mais pas de Mitch Harris, par ailleurs également absent de la galerie
de portraits qui orne le livret du disque. Ce qui est extrêmement choquant.
Mais
qu’importe. L’histoire de Napalm Death est pour le moins compliquée – cela fait quand
même vingt huit années qu’il n’y a plus un seul membre originel dans le line-up
! – mais le logo du groupe est toujours celui qui apparaissait sur Scum, le premier album du groupe en
1987 : Napalm Death reste Napalm
Death. Et Throes Of Joy In The Jaws
Of Defeatism est un bon cru. Evidemment la musique des anglais n’est plus vraiment
du grind pur jus ou plutôt elle n’est plus uniquement ça, toute enrobée d’une
grosse production que rejetteront les puristes du genre et les aficionados du
crust toujours. Là-dessus, on ne peut qu’être d’accord avec les intégristes
mais on ne peut pas nier non plus toutes les qualités d’un groupe qui a su
évoluer et se renouveler (malgré une nette baisse de régime dans la deuxième
moitié des années 90).
Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism
comporte donc son lot de brûlots et question puissance de feu et rage extrême
les membres de Napalm Death, tout
vétérans qu’ils sont, n’ont rien à envier à qui ce soit. Fuck The Factoid et plus encore Backlash
Just Because puis That Curse of Being
In Thrall fournissent une excellente entrée en matière, un peu plus loin
confirmée par Fluxing Of The Muscle, Zero Gravitas Chamber ou le morceau
titre. Et puis, pour changer la donne, il y a Amoral qui fait penser à du Killing Joke, le (presque) final A Belly Of Salt And Spleen à la fois
grandiloquent et industriel ou le ténébreux et gothoïd Invigorating Clutch. Au milieu de tout ce raz-de-marée nuancé se
glisse cependant une composition très différente de toutes les autres :
coécrit avec le producteur du disque Russ Russel, Joie De Ne Pas Vivre est à la fois très rythmique – prépondérance
du couple basse / batterie dopée aux effets – et très indus-bidouille mais se
démarque surtout par la nature du chant presque possédé de Barney (vous avez
dit black metal ?). Le résultat est complètement hybride mais
incroyablement cohérent et il semble bien que ce soit un terrain sur lequel Napalm Death ne s’était encore jamais
aventuré jusqu’ici.
Et maintenant parlons bizness. La version vinyle de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism comporte un titre
bonus : Feral Carve-up est un
bon exemple de grind/death passé au défoliant, il n’y a rien à redire
là-dessus. Il existe également une version CD « mediabook » du disque
avec ce même Feral Carve-up, ainsi
que deux autres titres supplémentaires, en fait deux reprises. La première est
une version plutôt réussie du White Kross
de Sonic Youth ; la seconde est un titre de Rudimentary Peni dont je ne
connais pas l’original. Une façon pour Napalm
Death de nous rappeler pour la énième fois son ouverture d’esprit… Mais signalons
que depuis que le groupe est chez Century Media tous ses disques ont bénéficié
de versions spéciales avec titres supplémentaires et que ces mêmes titres ont
plus tard été compilés sur le double album Coded Smears And More Uncommon Slurs.
Les collectionneurs sont donc prévenus : dans quelques années, si le monde
existe encore, il y a fort à parier que Napalm
Death et son label ressortiront tous ces « inédits » et toutes
ces raretés… la seule chose qui restera sans doute introuvable c’est l’élégant
patch brodé au nom du groupe et de l’album qui accompagne le digibook de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism. Un
gadget inutile malgré tout mais qui fait vendre du disque collector. Napalm Debts ?