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mardi 29 septembre 2020

Napalm Death / Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

 

Chic ! Chic ! Chic ! Encore un disque avec une pochette ultra moche ! Mais ce n’est pas n’importe quelle pochette non plus : il y a écrit NAPALM DEATH dessus. Signé par le danois Frode Sylthe – qui semble avoir pris un abonnement avec nos grindeux préférés depuis quelques années – l’artwork de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism ne laissera toutefois pas indifférent tant il est explicite : une colombe étranglée et démantibulée jusqu’au sang par une main gantée de latex. Au moins le message est clair, surtout qu’il est accompagné d’un titre d’album traduisible par quelque chose comme « les affres de la joie dans les mâchoires du défaitisme ». En gros : ne nous laissons pas faire et continuons le combat sans nous laissez aller au cynisme du profitons-en avant qu’il ne soit trop tard et avant la fin du monde. OK, j’avoue extrapoler un tantinet mais dans l’idée c’est ça. Napalm Death fait toujours de la politique, à sa façon.
Pour son seizième album studio – le sixième pour
Century Media – le groupe aura pris son temps puisque cinq années déjà se sont écoulées depuis Apex Predator - Easy Meat mais surtout le groupe nous aura fait bien peur : en 2014 le guitariste Mitch Harris annonçait sa mise en retrait et désormais il est remplacé en concert par le jeune et talentueux John Cooke… Harris est néanmoins crédité comme guitariste dans les notes qui accompagnent le disque, ce qui en a rassuré plus d’un. Il n’empêche que Napalm Death tourne dorénavant à 98 % autour du tandem Shane Embury / Barney Greenway crédité de onze compositions de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism sur douze (le premier à la musique et le second aux textes, à chacun son boulot). Beaucoup pensent qu’en fait c’est Embury qui a enregistré l’écrasante majorité des parties de guitare du disque, en plus de la basse. On constatera également que sur toutes les photos officielles de Napalm Death récemment publiées on ne voit qu’Embury, Greenway et Herrera mais pas de Mitch Harris, par ailleurs également absent de la galerie de portraits qui orne le livret du disque. Ce qui est extrêmement choquant.

 


 

Mais qu’importe. L’histoire de Napalm Death est pour le moins compliquée – cela fait quand même vingt huit années qu’il n’y a plus un seul membre originel dans le line-up ! – mais le logo du groupe est toujours celui qui apparaissait sur Scum, le premier album du groupe en 1987 : Napalm Death reste Napalm Death. Et Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism est un bon cru. Evidemment la musique des anglais n’est plus vraiment du grind pur jus ou plutôt elle n’est plus uniquement ça, toute enrobée d’une grosse production que rejetteront les puristes du genre et les aficionados du crust toujours. Là-dessus, on ne peut qu’être d’accord avec les intégristes mais on ne peut pas nier non plus toutes les qualités d’un groupe qui a su évoluer et se renouveler (malgré une nette baisse de régime dans la deuxième moitié des années 90).
Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism comporte donc son lot de brûlots et question puissance de feu et rage extrême les membres de Napalm Death, tout vétérans qu’ils sont, n’ont rien à envier à qui ce soit. Fuck The Factoid et plus encore Backlash Just Because puis That Curse of Being In Thrall fournissent une excellente entrée en matière, un peu plus loin confirmée par Fluxing Of The Muscle, Zero Gravitas Chamber ou le morceau titre. Et puis, pour changer la donne, il y a Amoral qui fait penser à du Killing Joke, le (presque) final A Belly Of Salt And Spleen à la fois grandiloquent et industriel ou le ténébreux et gothoïd Invigorating Clutch. Au milieu de tout ce raz-de-marée nuancé se glisse cependant une composition très différente de toutes les autres : coécrit avec le producteur du disque Russ Russel, Joie De Ne Pas Vivre est à la fois très rythmique – prépondérance du couple basse / batterie dopée aux effets – et très indus-bidouille mais se démarque surtout par la nature du chant presque possédé de Barney (vous avez dit black metal ?). Le résultat est complètement hybride mais incroyablement cohérent et il semble bien que ce soit un terrain sur lequel Napalm Death ne s’était encore jamais aventuré jusqu’ici.
Et maintenant parlons bizness. La version vinyle de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism comporte un titre bonus : Feral Carve-up est un bon exemple de grind/death passé au défoliant, il n’y a rien à redire là-dessus. Il existe également une version CD « mediabook » du disque avec ce même Feral Carve-up, ainsi que deux autres titres supplémentaires, en fait deux reprises. La première est une version plutôt réussie du White Kross de Sonic Youth ; la seconde est un titre de Rudimentary Peni dont je ne connais pas l’original. Une façon pour Napalm Death de nous rappeler pour la énième fois son ouverture d’esprit… Mais signalons que depuis que le groupe est chez Century Media tous ses disques ont bénéficié de versions spéciales avec titres supplémentaires et que ces mêmes titres ont plus tard été compilés sur le double album Coded Smears And More Uncommon Slurs. Les collectionneurs sont donc prévenus : dans quelques années, si le monde existe encore, il y a fort à parier que Napalm Death et son label ressortiront tous ces « inédits » et toutes ces raretés… la seule chose qui restera sans doute introuvable c’est l’élégant patch brodé au nom du groupe et de l’album qui accompagne le digibook de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism. Un gadget inutile malgré tout mais qui fait vendre du disque collector. Napalm Debts ?