… ce n’est cependant pas la première
fois qu’Old Man Gloom publie deux
albums en même temps. Ce fut déjà le cas en 2001 avec Seminar II: The Holy
Rites of Primitivism Regressionism et Seminar III: Zozobra puis en
2014 avec The Ape Of God 1 et 2. Avec
son sticker vert indiquant que Light Of
Meaning est un coupon pour téléchargement digital vendu pour 23 $ et
comprenant un vinyle en guise de bonus (!) le huitième album d’Old Man Gloom correspond aux attentes
des fans du groupe et de sa musique inclassable. Ni doom, ni metal, ni
hardcore, ni sludge, ni expérimental Light
Of Meaning présente l’habituelle mixture d’un groupe qui semble ne vouloir
en faire qu’à sa tête et s’amuser.
Le disque démarre avec des drôles de cris
ressemblant à ceux d’un Totoro sous acide à moins, ce qui est beaucoup plus
probable, que ce ne soient des pets d’ordinateur en détresse. Des drôles de
bruits agrémentant d’une couleur singulièrement potache EMF, première composition chaotique de l’album. Les trouvailles
sonores sont nombreuses (pendant longtemps le line-up du groupe incorporait
également Luke Scarola, aujourd’hui parti, comme préposé à la bidouille) et
même le traitement général du son réserve quelques surprises, comme ces
passages où on peut légitimement se demander si le disque tourne à la bonne
vitesse : les guitares semblent complètement déformées et passées au
filtre d’une machine destinée à essorer les particules ioniques issues de rayonnements
cosmiques.
Parfois les compositions se font plus longues et plus
atmosphériques, le chant devient clair (ou le chant est alterné entre beuglements
de bête et nectar mélancolique) ou un passage bruitiste vient tout remettre en
question. Avec Old Man Gloom les
façons de faire sont toujours un peu les mêmes mais elles fonctionnent toujours
parfaitement, arrivant malgré tout à provoquer surprise et plaisir intense –
non cette dernière remarque n’a rien de sexuel.
Il en est de même avec Darkness Of Being, deuxième volet du
diptyque millésimé 2020 et neuvième album (donc) d’Old Man Gloom. Cette fois ci le sticker est orange, indiquant
« the other new album » et précisant : « A companion to the
other album not to be mistaken for a double album. Released by a
canadian because no record label in Trump’s America would let a mexican drummer
take a job from hard working heavy metal
voters »… je ne vais pas tout traduire mais mes souvenirs de cours
d’anglais aussi lointains qu’approximatifs ne m’empêcheront pas de penser que
quelqu’un (je veux dire autre que Donald Trump) est ici particulièrement visé.
Musicalement Darkness Of Being n’en est pas moins éclaté et (parfois) bizarre
que Light Of Meaning mais je le
trouve plus réussi, plus haletant, peut-être parce que les sept compositions
sont plus abouties, même dans leurs parties expérimentales et ambient, encore
plus nombreuses et plus… loooonnnngues. Il est concevable que l’on puisse
parfois s’impatienter à l’écoute d’un disque d’Old Man Gloom, attendant que les « vraies » compositions
arrivent enfin – bien que les trous d’air et l’attente fassent réellement
partie de tout le dispositif – mais si on aime vraiment les trucs raisonnablement décalés
et expés ce ne sera pas le cas avec Darkness
Of Being qui synthétise assez parfaitement le coté metal / hardcore / etc.
du groupe et ses aspirations plus avant-gardistes et tordues. Ce qui reste
certain c’est qu’encore une fois Old Man
Gloom ne s’est pas planté en publiant deux albums simultanément et que le groupe
fait plus que jamais figure d’incontournable en matière de gros son qui tâche et qui
effraie mais qui en même temps fait aussi voyager dans un (presque) inconnu sans cesse
renouvelé et palpitant.
[Seminar VIII - Light Of Meaning et Seminar IX - Darkness Of Being sont publiés en vinyle et même en CD – sans coupon de téléchargement – par Profound Lore records]
* le défunt bassiste est toujours crédité comme membre à part entière d’Old Man Gloom et Seminar VIII - Light Of Meaning comme Seminar IX - Darkness Of Being stipulent dans leurs notes que certaines compositions sont de Caleb Scofield, que nombre de ses pistes de basse, de chant et même de guitare ont été gardées pour le résultat final – l’amitié n’a pas de prix