Tu penses bien
que j’ai fait de sacrés bons en l’air lorsque j’ai appris la parution imminente
de cet album : Proto Larsen
regroupe les démos enregistrées par les DEITY
GUNS en 1990 et documente ainsi les débuts d’un groupe parmi les plus
importants de la scène noise / expémachintruc de l’époque. En ce moment on parle beaucoup –
et à juste titre – des Thugs à l’occasion de la magnifique biographie Radical History écrite par Patrick Foulhoux*
et si Les Thugs ont profondément marqué la fin des années 80 (et même après…), passant
alors pour de purs extra-terrestres au milieu d’une vague alterno dans le
meilleur des cas très rock’n’roll et au pire en pleine glissade
franchouillarde, les Deity Guns ont
eux marqué tout le début des années 90 et donné le coup d’envoi d’une
déferlante noise-rock s’affranchissant de codes musicaux qui commençaient à
sérieusement sentir le sapin.
Non pas qu’il n’y
avait rien eu avant eux mais pour le moins on affirmera sans hésiter que
les Deity Guns ont été parmi les
premiers dans l’hexagone à montrer une telle volonté de sculpter l’électricité –
l’un de leurs premiers disques officiels n’est-il pas un live enregistré début
1991 en Italie et intitulé… Electricity ?
– et à y parvenir en utilisant leurs guitares comme d’incroyables générateurs
de sons, naviguant entre distorsion accrue et dissonances extrêmes mais sans
jamais oublier totalement leurs racines « rock » (des influences qui disparaitront presque complètement avec Trans Lines Appointment en 1993, le dernier disque paru du vivant des Deity Guns et produit par Lee Ranaldo de Sonic Youth). J’ai lu un jour, quelque part,
qu'en fait le « Guns » de Deity Guns
était au départ une référence à peine voilée au Gun Club de Jeffrey Lee Pierce.
Je ne sais pas si c’est vrai ou pas mais ce dont je suis certain c’est que
personne ne pourra enlever au groupe sa volonté d’avoir toujours voulu préserver
le côté mélodique de sa musique, les quatre Deity Guns étaient alors bien conscients que pour donner encore
plus d’impact à leur usine à bruit il fallait que celle-ci s’appuie sur de
vraies chansons.
Elles sont donc là les premières « chansons » enregistrées
des Deity Guns, une suite de
compositions dont nombre d’entre elles seront reprises par la suite sur le mini
album Stroboscopy, publié lui en 1991
chez Black & Noir – un label d’Angers cofondé entre autres par Eric
Sourice, guitariste / chanteur des… Thugs (qu’importe que le monde soit trop grand ou trop
petit, il n’y a surtout pas de hasard). On connait donc déjà un peu
les huit plages de Proto Larsen sans
les connaitre vraiment. Bien sûr on retrouve quelques uns des tubes de la
première période des Deity Guns (Circle, Kurious… Here Today**, évidemment) mais ce qui frappe –
littéralement, c’est-à-dire de façon totalement frontale et choquante – pendant
l’écoute du disque c’est l’envie et la vitalité, la rage et la détermination d'un
groupe encore très jeune. Les guitares sont déjà en
mode défouraillage tandis que la rythmique est implacable avec une
basse aussi présente qu’imposante. Il n’y a que le (double) chant qui sonne
aujourd’hui encore trop vert, juvénile.
Mais qu’importe parce que le résultat
est là, un constat également fait par Djan Mariat qui a enregistré ces bandes
dans son premier studio avec des moyens limités (un quatre pistes, une poignée
de micros) et les a remasterisées trente années plus tard. Dans le texte
figurant au verso de la pochette du disque il avoue même que cette expérience a
radicalement changé sa façon d’envisager la musique, ce en quoi il n’est pas le seul :
les Deity Guns auront effectivement marqué
les esprits et restent à ce jour un groupe incontournable et particulièrement
important***. Avant la suite que l’on connait, puisque avant même la séparation
du groupe une partie des membres des Deity
Guns formeront Bästard puis, à partir de 2006, Zëro… (mais ça tu le savais déjà).
[Proto Larsen est publié en vinyle
par Larsen records****]
* mais cette gazette reviendra plus tard en détails sur le livre consacré aux
Thugs
** « Kurious »…
peut être bien une autre référence musicale, à The Fall cette fois
*** on peut
écouter et réécouter les Deity Guns
grâce au coffret A Recollection publié il y a quelques années par Ici d’Ailleurs, le label
ayant également réédité en 2017 le magique Trans Lines Appointment en vinyle
**** Larsen
était / est toujours à la fois un studio d’enregistrement, un label et un
fanzine