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vendredi 20 novembre 2020

Deity Guns / Proto Larsen

 



Tu penses bien que j’ai fait de sacrés bons en l’air lorsque j’ai appris la parution imminente de cet album : Proto Larsen regroupe les démos enregistrées par les DEITY GUNS en 1990 et documente ainsi les débuts d’un groupe parmi les plus importants de la scène noise / expémachintruc de l’époque. En ce moment on parle beaucoup – et à juste titre – des Thugs à l’occasion de la magnifique biographie Radical History écrite par Patrick Foulhoux* et si Les Thugs ont profondément marqué la fin des années 80 (et même après…), passant alors pour de purs extra-terrestres au milieu d’une vague alterno dans le meilleur des cas très rock’n’roll et au pire en pleine glissade franchouillarde, les Deity Guns ont eux marqué tout le début des années 90 et donné le coup d’envoi d’une déferlante noise-rock s’affranchissant de codes musicaux qui commençaient à sérieusement sentir le sapin.

Non pas qu’il n’y avait rien eu avant eux mais pour le moins on affirmera sans hésiter que les Deity Guns ont été parmi les premiers dans l’hexagone à montrer une telle volonté de sculpter l’électricité – l’un de leurs premiers disques officiels n’est-il pas un live enregistré début 1991 en Italie et intitulé… Electricity ? – et à y parvenir en utilisant leurs guitares comme d’incroyables générateurs de sons, naviguant entre distorsion accrue et dissonances extrêmes mais sans jamais oublier totalement leurs racines « rock » 
(des influences qui disparaitront presque complètement avec Trans Lines Appointment en 1993, le dernier disque paru du vivant des Deity Guns et produit par Lee Ranaldo de Sonic Youth). J’ai lu un jour, quelque part, qu'en fait le « Guns » de Deity Guns était au départ une référence à peine voilée au Gun Club de Jeffrey Lee Pierce. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas mais ce dont je suis certain c’est que personne ne pourra enlever au groupe sa volonté d’avoir toujours voulu préserver le côté mélodique de sa musique, les quatre Deity Guns étaient alors bien conscients que pour donner encore plus d’impact à leur usine à bruit il fallait que celle-ci s’appuie sur de vraies chansons. 
Elles sont donc là les premières « chansons » enregistrées des Deity Guns, une suite de compositions dont nombre d’entre elles seront reprises par la suite sur le mini album Stroboscopy, publié lui en 1991 chez Black & Noir – un label d’Angers cofondé entre autres par Eric Sourice, guitariste / chanteur des… Thugs (qu’importe que le monde soit trop grand ou trop petit, il n’y a surtout pas de hasard). On connait donc déjà un peu les huit plages de Proto Larsen sans les connaitre vraiment. Bien sûr on retrouve quelques uns des tubes de la première période des Deity Guns (Circle, Kurious… Here Today**, évidemment) mais ce qui frappe – littéralement, c’est-à-dire de façon totalement frontale et choquante – pendant l’écoute du disque c’est l’envie et la vitalité, la rage et la détermination d'un groupe encore très jeuneLes guitares sont déjà en mode défouraillage tandis que la rythmique est implacable avec une basse aussi présente qu’imposante. Il n’y a que le (double) chant qui sonne aujourd’hui encore trop vert, juvénile. 
Mais qu’importe parce que le résultat est là, un constat également fait par Djan Mariat qui a enregistré ces bandes dans son premier studio avec des moyens limités (un quatre pistes, une poignée de micros) et les a remasterisées trente années plus tard. Dans le texte figurant au verso de la pochette du disque il avoue même que cette expérience a radicalement changé sa façon d’envisager la musique, ce en quoi il n’est pas le seul : les Deity Guns auront effectivement marqué les esprits et restent à ce jour un groupe incontournable et particulièrement important***. Avant la suite que l’on connait, puisque avant même la séparation du groupe une partie des membres des Deity Guns formeront Bästard puis, à partir de 2006, Zëro…  (mais ça tu le savais déjà).

[Proto Larsen est publié en vinyle par Larsen records****]

* mais cette gazette reviendra plus tard en détails sur le livre consacré aux Thugs

** « Kurious »… peut être bien une autre référence musicale, à The Fall cette fois
*** on peut écouter et réécouter les Deity Guns grâce au coffret A Recollection publié il y a quelques années par Ici d’Ailleurs, le label ayant également réédité en 2017 le magique Trans Lines Appointment en vinyle

**** Larsen était / est toujours à la fois un studio d’enregistrement, un label et un fanzine