Et bien… comment
le dire ? Je suis un imbécile. Un imbécile qui dès qu’il aperçoit dans les
parages un disque compilant des reprises d’un groupe qu’il aime plutôt bien par
quelques autres groupes que parfois il aime beaucoup se dit que le disque en question
est peut-être bien fait pour lui. Il y a quelques semaines j’ai parlé de Really Bad Music For Really Bad People,
une compilation mi-figue mi-raisin consacrée aux Cramps... Et voilà que débarque What Is This That Stands Before Me ?, un
double vinyle publié chez les new-yorkais de Sacred Bones records, consacré à BLACK SABBATH et comprenant des
reprises par des groupes issus du label. Il faut dire aussi que l’occasion
était trop belle : les deux premiers albums de la bande à Ozzy Osbourne et Tommy
Iommi ont été publiés en 1970, respectivement le 13 février pour le premier
éponyme et le 22 septembre pour le second, le génial et l’insurpassable Paranoid (huit titres, six tubes). Ces
deux disques ont donc fêté leurs cinquante printemps cette année et comme notre
époque est très friande d’hommages nostalgiques et autres commémorations
passéistes – c’est sûrement la fin du monde humain approchant à grands pas qui
fait ça – il semblait logique qu’un label aussi arty que Sacred Bones en fasse
quelque chose.
Tout d’abord il convient de préciser que What
Is This That Stands Before Me ? n’est pas un double album mais un double
12’ c’est-à-dire que les deux galettes tournent en 45 tours et que la durée
totale de cette compilation est de 50 minutes. Les neuf titres qui la composent
auraient bien pu tenir sur un simple LP mais il est vrai qu’un double vinyle ça
fait beaucoup plus classe et que surtout cela se vend beaucoup plus cher.
Surtout que quelques unes des reprises proposées ici sont des plus
dispensables… comme on va le voir What Is
This That Stands Before Me ? aurait largement pu prendre la forme d’un unique 12’ avec
seulement trois ou quatre titres. C’est dire si cette compilation est un énième
trompe-l’œil à l’usage des crédules et des naïfs.
What
Is This That Stands Before Me ? démarre pourtant très
bien avec The Soft Moon et une
version bien darkos post punk de Black
Sabbath, le célébrissime titre d’ouverture du premier album des Sab Four.
Tout y est, depuis la cloche qui résonne lugubrement au début jusqu’à
l’ambiance indus frigidaire bien martelée. Je ne suis pas du tout fan du groupe
de Luis Vasquez mais je dois avouer que sur ce coup là The Soft Moon n’est pas
loin de casser la baraque. Молчат Дома / Molchat Doma est un groupe biélorusse
apparemment tout récemment signé par Sacred Bones, un groupe que l’on pourrait
qualifier de synth-pop ultra kitsch et sur lequel il n’y a pas trop lieu de
s’étendre : il reprend Heaven And
Hell, soit un titre de la période Ronnie James Dio de Black Sabbath et cela
ne me fait ni chaud ni froid. Par contre et comme on pouvait s’y attendre Thou – grand groupe devant l’éternel –
déchire tout avec une superbe version de Supernaut
agrémentée d’un passage bossa-nova apocalyptique. Difficile alors pour Marissa Nadler de passer après. Sa reprise
de Solitude (de l’album Master Of Reality en 1971) semblait
pourtant bien pouvoir lui convenir mais je m’ennuie un peu… Tout comme avec N.I.B. repris par Hilary Woods, encore plus éthéré et moins inspiré. OK : je
n’ai pas de cœur. Et c’est déjà la fin du premier disque.
Le massacre continue avec Zola Jesus
qui a jeté son dévolu sur Changes, le
slow ultra niais qui orne de paillettes dorées le Vol. 4 de Black Sabbath (1972). Je comprends alors un peu trop tard
que What Is This That
Stands Before Me ? préfère se cantonner majoritairement
dans les compositions les plus molles du groupe anglais. Et ça continue avec l’
« incontournable » Planet
Caravan par Moon Duo. L’original
ne durait que quatre minutes, le groupe de Sanae Yamada et Ripley Johnson
l’étire au delà de neuf et c’est neuf minutes de trop, bourrées de bablocheries
psychédéliques qui feraient presque regretter Marissa Nadler, Hilary Woods et Zola
Jesus réunies. Quant à Dean Hurley,
il s’agit d’un musicien / producteur et collaborateur régulier de David Lynch. On
peut se demander ce que vient faire ici sa version « Bar Band » de Warning qui en fait n’est pas une
composition de Black Sabbath mais
une reprise d’un titre de The Aynsley Dunbar Retaliation qu’Ozzy and C° avaient placé à la fin de leur
premier album (il y a donc une erreur dans les crédits de la compil). Et inutile de
dire que l’on frise le ridicule, ce Warning
n’ayant strictement aucun intérêt.
Pour finir Uniform a la lourde tâche
de remonter le niveau avec Symptom Of The
Universe, titre-phare de l’album Sabotage
(1975). Problème : cette reprise de Symptom
Of The Universe n’est absolument pas inédite, figurant déjà en face B du
maxi Ghosthouse, premier disque que
Uniform a jamais publié chez Sacred Bones en 2016, avant même l’album Wake In Fright. La version 2020 ne me
semble pas différer de celle de 2016 et ce n’est pas le mastering signé James
Plotkin qui ajoutera un quelconque intérêt à quelque chose que l’on connaissait
– et appréciait – déjà. Conclusion : passe ton chemin et je ne peux que
t’adresser toutes mes félicitations si jamais tu viens de perdre ton temps précieux
à lire cette chronique de plus de 900 mots et se terminant sur ce terrible
constat d’échec.
[What Is This That Stands Before Me ? est publié en double vinyle noir, vert ou violet par Sacred Bones]