Ce n’est pas sans surprise que RECIPROCATE a un beau jour débarqué dans ma petite vie. Je m'explique... voici un trio basé à Londres et composé du chanteur /
guitariste Stef Ketteringham, du batteur Henri Grimes et de la bassiste Marion Andrau.
Entre 2008 et 2014 les deux premiers ont publié sous le nom de Shield Your Eyes
pas moins de six albums studio, ont parcouru l’Europe dans tous les sens un
nombre incalculable de fois, inlassablement. Seule constante, ou presque :
je n’ai jamais vu Shield Your Eyes jouer plus de deux fois de suite avec le même /
la même bassiste. Cela était même devenu, bien malgré eux, la marque de
fabrique des deux musiciens qu’une solide amitié et une parfaite entente
musicale ont toujours semblé unir. Jusqu’à la séparation de leur groupe et un
ultime album intitulé… Reciprocate.
En 2018 et après une poignée d’enregistrement en solo* Stef Ketteringham qui désormais
se fait appeler Stef Kett a donc
remonté un nouveau projet avec Henri Grimes (qui lui a entretemps formé le duo
electro-trigonométrique Big Lad en compagnie de Wayne Adams de Death Pedals) et
une nouvelle bassiste (également membre de Melting Hand). Les trois musiciens auraient
décidé de reprendre le nom de Shield Your Eyes que tout le monde n’y aurait vu
que du feu : Reciprocate a rapidement
publié une première démo en cassette qui laissait largement entrevoir nombre de
correspondances et de points communs entre ce qu’était devenu la musique de
Shield Your Eyes à la fin de l’existence du groupe et les aspirations du nouveau trio. Une
impression largement corroborée lors d’une première tournée hors Angleterre en
février 2019 et une date au Grrrnd Zero à Lyon**. Mais qu’importe, la musique de Shield Your Eyes a
longtemps été très importante pour moi pourtant je peux parfaitement comprendre
qu’en choisissant un nouveau nom Reciprocate
ait voulu signifier un nouveau départ, une nouvelle vie. Cela fait partie des
choses qui ne se discutent pas.
Lorsqu’on écoute Yeah Well – un titre
on ne peut plus positif voire optimiste – on ne peut qu’être touché par
l’humanité d’une musique toute en générosité et en souplesse. Pas de
démonstration de force ni d’étalage technique (les trois musiciens privilégient largement la notion de feeling à celle de technicité) mais une façon unique de tout offrir sans jamais donner le sentiment
d’en faire des tonnes, d’en faire de trop. Il y a parfois beaucoup de notes
mais chacune d’entre elles a sa place et on a le sentiment que, s’il en manquait une, l’équilibre ténu de
l’ensemble s’en trouverait changé. La musique de Reciprocate est chargée d’une âme aussi lourde que légère et
démontre autant de volonté que de sensibilité. Une sensibilité qui prend toute
son ampleur sur le merveilleux et presque pop – admirez un peu ce chant et ces belles
harmonies – Marble Arch en fin de
face A et le non moins magnifique Hold
qui clôture la face B. Sur Yeah Well
l’électricité n’est vraiment pas un vain mot, je veux dire : Reciprocate est un véritable groupe de rock, mais il s’agit d’une
électricité qui réchauffe nos cœurs de bœuf et ne brûle pas, une électricité
qui relie les personnes entre elles, une électricité qui parle d’elle-même et
qui emploie un langage compréhensible de toutes et de tous.
Seule ombre au tableau, Yeah Well est
beaucoup trop court. Le disque ne comporte que sept titres dont un
interlude et un instrumental traficoté et il tourne en 45 tours, résultat il
dure à peine plus de vingt minutes… Il s’agit donc d’un mini album mais il me
comble tellement que je ne ferai pas la fine bouche pour autant. Et puis le
groupe aurait repris les répétitions pour composer son deuxième long format.
Tout va bien.
[Yeah Well est publié en vinyle
uniquement par Gringo records]
* le tout nouvel
album solo de Stef Kett s’intitule Cry
And Sing, il vient tout juste de paraitre et on en reparlera un de ces
jours
** le groupe
aurait du revenir jouer à Lyon en avril 2020, cette fois au Périscope mais
malheureusement tout a été annulé à cause de cette saloperie de virus
pandémique