Ce n’est pas
tous les jours que l’on me contacte
pour me demander d’écrire quelque chose, quelque chose comme une chronique de
disque (au passage je tiens à préciser que ce n’est pas la peine de me proposer
en même temps des exemplaires promotionnels et autres pots-de-vin, cette
gazette n’existant que pour et par elle-même et de façon totalement
désintéressée). Bref, ce n’est pas tous les jours que je reçois le message d’un
groupe ou d’un musicien désireux de me vanter les mérites de son dernier disque
et pourtant je laisse trop souvent trainer ce genre d’informations, je regarde
ailleurs et j’écoute autre chose. C’est comme ça.
Il en a été tout
autrement dans le cas d’ANNIHILUS, side project et one man
band de Luca Cimarusti. Ce nom ne te dira peut-être rien mais Luca est le
batteur de Luggage, l’un de mes groupes US actuels préférés et il ne m’en a pas fallu beaucoup
plus pour écouter attentivement Ghanima,
premier album d’Annihilus après une poignée de
démos et de cassettes que je te laisserai découvrir tout seul en parcourant la page b*ndc*mp du groupe. Petite
précision d’importance : Luca présente Annihilus comme un projet black metal et indique que le nom Ghanima est inspiré des écrits de Frank
Herbert (largement connu pour être l’auteur de Dune)
Du black metal Annihilus et Ghanima empruntent effectivement beaucoup d’éléments extérieurs.
Déjà rien que le nom du groupe, à consonance latine : même si on est incapable
de lire Virgile et Tite-Live dans le texte on ne peut que savoir que
« nihil » signifie rien ou
même néant en latin. La pochette
également, une photo en gros plan d’une vieille statue total goth attaquée par
le lichen. Et puis le maquillage dont s’affuble Luca Cimarusti (visible sur la
pochette de sa toute première démo).
Mais tout ceci n’est que du folklore. La musique d’Annihilus est très loin de toutes les resucées du genre pas plus
qu’elle ne sert de prétexte à des déluges misanthropes appelant de leurs vœux à
une fin de monde imminente – pas besoin, de toute façon cela ne saurait trop
tarder non plus. Non, dès Epilogue – en
ouverture de Ghanima, j’adore ce
genre de paradoxe – Annihilus choisit de placer sa musique dans le camp des mid-tempos
rampants, de la mélancolie et d’une poésie obscure et non pas dans celui de la
véhémence et de l’agression pure. Les guitares agissent plus en terme de nappes
sonores parfois dissonantes que de gros riffs et la batterie ne tente pas
d’imiter la déferlante assassine d’une mitrailleuse de guerre. Ce qui n’empêche
pas l’irruption de quelques cavalcades énervées (Matthew, W.T.W.B.) qui
elles lorgnent davantage du côté crust et punk que du côté caricaturalement
métallique d’un genre trop souvent prévisible.
Aussi curieux que cela puisse
paraître, Ghanima est un disque presque
contemplatif et songeur, dans le sens narratif du terme. D’ailleurs on peut
lire ça et là que les textes d’Annihilus
font beaucoup référence aux écrits du déjà mentionné Frank Herbert ou à ceux de
Nail Gaiman. Ce qui intéresse donc Luca Cimarusti se sont les ambiances, les
atmosphères claires-obscures, les paysages brumeux, les strates étouffantes, la
beauté de l’ombre et Annihilus
rejoint ainsi nombre de préoccupations musicales et esthétiques de feu (?) The
Austrasian Goat.
Comme pour affirmer un peu plus fort qu’Annihilus
ne s’adresse pas vraiment aux fanatiques bas du front de black metal, Ghanima est parsemé d’éléments dont l’étrangeté
renforce le côté unique et à part du projet. Quasi instrumental et synthétique, Doctor Of Beasts peut rappeler certaines
bandes originales de John Carpenter mais me fait surtout penser à la musique
que Coil avait composée pour le film Hellraiser
de Clive Barker (une B.O. rejetée malheureusement rejetée par les producteurs
du film mais immédiatement publiée par le groupe en 1987 avant d’être incluse
dans la compilation Unnantural History II
en 1995). Quant à Anarchy In The U.K.,
on ne saura pas s’il s’agit d’une reprise des Sex Pistols – mais j’aime penser
que s’en est une – tant cette dernière plage et conclusion de Ghanima brouille les pistes tout comme
elle brouille les sons, ici on est à mi-chemin entre le harsch, le power
electronics puis enfin le noise, avec toujours ces mêmes coulures étrangement mélancoliques
qui recouvrent tout…
… et puis je ne sais pas si tu l’avais remarqué mais cette photo sur la
pochette de Ghanima : on dirait
bien qu’en fait les mains de la statue forment un cœur, non ?
[Ghanima est publié en vinyle et en CD par American Decline records]