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dimanche 8 novembre 2020

Comme à la radio : Annihilus / Ghanima

 


 

Ce n’est pas tous les jours que l’on me contacte pour me demander d’écrire quelque chose, quelque chose comme une chronique de disque (au passage je tiens à préciser que ce n’est pas la peine de me proposer en même temps des exemplaires promotionnels et autres pots-de-vin, cette gazette n’existant que pour et par elle-même et de façon totalement désintéressée). Bref, ce n’est pas tous les jours que je reçois le message d’un groupe ou d’un musicien désireux de me vanter les mérites de son dernier disque et pourtant je laisse trop souvent trainer ce genre d’informations, je regarde ailleurs et j’écoute autre chose. C’est comme ça.

Il en a été tout autrement dans le cas d’ANNIHILUS, side project et one man band de Luca Cimarusti. Ce nom ne te dira peut-être rien mais Luca est le batteur de Luggage, l’un de mes groupes US actuels préférés et il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour écouter attentivement Ghanima, premier album d’Annihilus après une poignée de démos et de cassettes que je te laisserai découvrir tout seul en parcourant la page b*ndc*mp du groupe. Petite précision d’importance : Luca présente Annihilus comme un projet black metal et indique que le nom Ghanima est inspiré des écrits de Frank Herbert (largement connu pour être l’auteur de Dune)

 

 

Du black metal Annihilus et Ghanima empruntent effectivement beaucoup d’éléments extérieurs. Déjà rien que le nom du groupe, à consonance latine : même si on est incapable de lire Virgile et Tite-Live dans le texte on ne peut que savoir que « nihil » signifie rien ou même néant en latin. La pochette également, une photo en gros plan d’une vieille statue total goth attaquée par le lichen. Et puis le maquillage dont s’affuble Luca Cimarusti (visible sur la pochette de sa toute première démo).

Mais tout ceci n’est que du folklore. La musique d’Annihilus est très loin de toutes les resucées du genre pas plus qu’elle ne sert de prétexte à des déluges misanthropes appelant de leurs vœux à une fin de monde imminente – pas besoin, de toute façon cela ne saurait trop tarder non plus. Non, dès Epilogue – en ouverture de Ghanima, j’adore ce genre de paradoxe –  Annihilus choisit de placer sa musique dans le camp des mid-tempos rampants, de la mélancolie et d’une poésie obscure et non pas dans celui de la véhémence et de l’agression pure. Les guitares agissent plus en terme de nappes sonores parfois dissonantes que de gros riffs et la batterie ne tente pas d’imiter la déferlante assassine d’une mitrailleuse de guerre. Ce qui n’empêche pas l’irruption de quelques cavalcades énervées (Matthew, W.T.W.B.) qui elles lorgnent davantage du côté crust et punk que du côté caricaturalement métallique d’un genre trop souvent prévisible.
Aussi curieux que cela puisse paraître, Ghanima est un disque presque contemplatif et songeur, dans le sens narratif du terme. D’ailleurs on peut lire ça et là que les textes d’Annihilus font beaucoup
référence aux écrits du déjà mentionné Frank Herbert ou à ceux de Nail Gaiman. Ce qui intéresse donc Luca Cimarusti se sont les ambiances, les atmosphères claires-obscures, les paysages brumeux, les strates étouffantes, la beauté de l’ombre et Annihilus rejoint ainsi nombre de préoccupations musicales et esthétiques de feu (?) The Austrasian Goat.

Comme pour affirmer un peu plus fort qu’Annihilus ne s’adresse pas vraiment aux fanatiques bas du front de black metal, Ghanima est parsemé d’éléments dont l’étrangeté renforce le côté unique et à part du projet. Quasi instrumental et synthétique, Doctor Of Beasts peut rappeler certaines bandes originales de John Carpenter mais me fait surtout penser à la musique que Coil avait composée pour le film Hellraiser de Clive Barker (une B.O. rejetée malheureusement rejetée par les producteurs du film mais immédiatement publiée par le groupe en 1987 avant d’être incluse dans la compilation Unnantural History II en 1995). Quant à Anarchy In The U.K., on ne saura pas s’il s’agit d’une reprise des Sex Pistols – mais j’aime penser que s’en est une – tant cette dernière plage et conclusion de Ghanima brouille les pistes tout comme elle brouille les sons, ici on est à mi-chemin entre le harsch, le power electronics puis enfin le noise, avec toujours ces mêmes coulures étrangement mélancoliques qui recouvrent tout…


… et puis je ne sais pas si tu l’avais remarqué mais cette photo sur la pochette de Ghanima : on dirait bien qu’en fait les mains de la statue forment un cœur, non ?

 

[Ghanima est publié en vinyle et en CD par American Decline records]