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lundi 16 novembre 2020

Hey Colossus / Dances - Curses

 



La régularité n’est pas la moindre des qualités de HEY COLOSSUS : depuis leurs tout débuts les anglais auront publié quasiment un disque par an (des fois deux, dans le cas du brillant tandem In Black And Gold  / Radio Static High en 2015) et il ne se passe jamais très longtemps avant que le groupe n’annonce une nouvelle sortie. Faisant suite au très tubesque et escarpé – cela n’a rien d’incompatible – Four Bibles paru en mai 2019, le groupe est donc déjà de retour avec… un double album !
Dances - Curses* posait a priori au moins deux ou trois questions existentielles au pauvre fanatique transi de Hey Colossus que je suis : mais qu’est-ce que c’est que cette pochette ? Et surtout : le groupe allait-il avoir les épaules suffisamment larges et faire preuve de suffisamment d’inspiration pour assumer entièrement un disque durant près de 80 minutes ?
Pour la pochette, la réponse est très facile. Signée David Hand on y devine les plumes d’un volatile quelconque percuté par l’avant d’un train high-tech lancé à toute vitesse en pleine campagne. L’ensemble est très léché et en mode cartoon (une première pour Hey Colossus) mais possède un rendu presque glacé malgré les couleurs vives employées : globalement l’impression que l’on en retire est, elle, étrangement attirante (c'est l'effet mystère) et étonnamment lumineuse. 

Comme la musique contenue par ce Dances - Curses, double album d’une aisance, d’une élasticité, d’une clarté et d’une noblesse incroyables, le tout à un niveau encore jamais atteint jusqu’ici par Hey Colossus. La réponse à la deuxième question est ainsi toute trouvée : loin de montrer le moindre signe de faiblesse ou d’essoufflement, Dances - Curses constitue un enregistrement d’une rare rigueur et d’une constance, d’une dynamique, d’une assurance et d’une trempe peu communes. Y compris dans ses moments les plus improbables, comme sur ces compositions à revers ou à rebrousse-poils dont Hey Colossus parsème souvent ses disques (ici : le drôlement exotique Stylites In Reverse). Et surtout comme sur A Trembling Rose, longue composition dépassant le quart d’heure et jouant sur l’accumulation, la stratification et la répétition, certainement l’une des meilleures réinterprétations pysché-noise des idiomes kraut que j’ai pu écouter depuis longtemps. A Trembling Rose (il convient d’y ajouter cette « reprise » charbonnée qui fait beaucoup pour le côté magique de la chose) s’impose comme la pierre angulaire d’un disque très « pop » et mélodique par ailleurs.

Parce que Dances - Curses est également un album lourdement chargé en hits et autres futurs classiques. A commencer par le très profond The Mirror bénéficiant de l’appui au chant d’un Marc Lanegan toujours aussi égal à lui-même, prince incontournable des voix enfumées et embourbonnées et dont la participation provoque un effet secondaire plutôt inattendu et palpable sur l’ensemble du disque en mettant en valeur le chant de Paul Sykes, le chanteur habituel du groupe, toujours plus aérien et en constante progression ces dernières années…
Mais au rang des tubes de l’album on citera également : The Eyeball Dance, Donkey Jaw, Medal et Dreamer Is Lying In State qui illuminent toute la première face** de Dances - Curses, de loin la plus carrée et la plus accrocheuse du disque, comme si Hey Colossus faisait se croiser le fer entre desert rock rigoriste mais (extrêmement) mélodique et cold wave / new wave aux accents fédérateurs subtilement retenus – imagine un peu Josh Homme et Ian McCulloch montant un projet ensemble sans s’engueuler une seule fois. Après avoir fait la démonstration de tant de force et de magnificence (je rajoute Revelation Day à la longue liste de tubes contenus dans cet album) puis de tout son pouvoir d’expérimentation assurée, le groupe se montre expert dans l’art de trousser chansons de garçons gothiques et balades noisy (
U Cowboy et Blood Red Madrigal) et Dances - Curses glisse alors peu à peu sur sa deuxième partie – il m’arrive souvent de n’écouter que la quatrième face du disque – dans une sorte de mélancolie souriante et lumineuse, s’approchant au plus près d’une certaine forme de calme rayonnant et de sagesse inévitablement poétique, l’électricité comme épais manteau contre la froidure et la douleur. 

Il faut savoir faire confiance à ceux que l’on aime

[Dances - Curses est publié sous la forme d’un double vinyle transparent ou orange avec pochette gatefold comprenant les paroles à l’intérieur et en double CD (sans les paroles et couleur CD, évidemment) par Wrong Speed records de ce côté-ci de l’Atlantique et Learning Curve records***, de l’autre côté]


* « danses / malédictions » pour les non-anglophones… en fait je voulais surtout en profiter pour adresser un message personnel à Joe Thompson, bassiste de Hey Colossus : Joe je sais que l’année dernière tu as publié un livre intitulé Sleevenotes, pour l’instant non traduit mais dont plusieurs personnes bien informées et de bon goût m’ont dit le plus grand bien… n’envisagerais-tu pas une traduction et une édition française de Sleevenotes pour que celles et ceux qui comme moi parlent et lisent très mal l’anglais puissent enfin le lire confortablement ? Merci, bisous.

** quatre titres au top sur une face qui en compte cinq : qui dit mieux ????

*** mauvaises nouvelles… Rainer, le boss de Learning Curve doit actuellement faire face à de gros problèmes de santé et, sans réelle couverture sociale ni assurance maladie, il a lancé une cagnotte pour financer son opération