L’évolution continue. Ou plutôt la
mutation. Il n’y a finalement pas un album de FANGE qui ressemble comme un frère au
précédent et depuis ses débuts très sludge / harsch / je-ne-sais-pas-quoi le groupe
a expérimenté autant d’horizons musicaux qu’il a connu de line-up différents.
Toujours centré autour du guitariste et master es-bidouilles Benjamin Moreau
dont il reste le seul membre d’origine et établissant définitivement la place
prépondérante de Matthias Jungbluth (chant et terreur à tous les étages), Fange est désormais un trio. Du moins
c’est sous cette forme là que le groupe a enregistré Pudeur, publié en avril dernier par Throatruiner. Le troisième
larron est loin d’être un inconnu, le bassiste Antoine Perron jouait déjà sur
l’album précédent Punir. Les comptes
sont ainsi vite faits : de la guitare, de la basse, du chant et beaucoup
de machines… il n’y a plus de batteur dans le line-up du groupe – qui en a
beaucoup changé depuis ses débuts – mais une belle et rutilante boite-à-rythmes
qui assaisonne tout l’album d’explosions et de cavalcades rythmiques. Le mot
est lâché : Fange ferait
désormais de l’« indus ».
Pas si vite papillon. Il ne suffit pas
de foutre de la programmation de partout pour faire de la musique industrielle.
Et puis cette appellation est tellement galvaudée et a tellement changé de sens
au fil du temps que l’employer peut s’avérer des plus délicats. Ce qui est le
cas de Pudeur, album finalement assez
complexe à appréhender et auquel les trois Fange survivants n’ont souhaité donner qu’une seule
couleur : la leur. Tout comme Punir
lorgnait souvent du côté d’un death metal avarié – depuis le tout début des
années 90 celui-ci a en effet largement eu le temps de passer par tous les
stades de décomposition/recomposition – Pudeur
s’inspire de, évoque, emprunte… mais ne copie pas bêtement. Ce que Fange a
toujours fait, finalement : aller au delà des codes musicaux, prêter
allégeance mais jamais pour très longtemps, donc, ne pas s’arrêter en cours de
route et ne pas s’appesantir, ne pas se reposer sur quoi que ce soit.
Ce qui est frappant c’est qu’au travers
de son évolution et de ce processus Fange
a toujours su garder quelque chose – des éléments significatifs – de ses
expériences et enregistrements passés. On retrouve donc un peu de ce sludge
originel, un peu de cette confusion harsh qui transforme les sons en magma et
un peu de death dans Pudeur qui passe
tout ça à la moulinette de machines programmées pour engendrer le chaos. Ce qui
ne change pas chez Fange c’est ce sens inné (?) de la noirceur, de la lourdeur, du malaise,
de la crasse, de la destruction. Et de la terreur, comme déjà mentionné au
sujet du chant de Mathias Jungbluth mais cette appréciation peut finalement
s’appliquer à toute la musique du groupe – de l’épaisseur meurtrière des lignes
de basse à la rage vicieuse des guitares. On reconnait parfaitement la musique
de Fange dans la mixture
industrialisée de Pudeur, on sait
qu’il s’agit toujours du même groupe mais en même temps on ne peut que
s’émerveiller de sa faculté d’adaptabilité, comme un bon gros virus mortel et
dégueulasse qui ne fera pas de détails et détruira tout être vivant sur son
passage. On espère alors que le groupe ne s’arrêtera pas là, et qu’il trouvera
encore d’autres moyens pour exprimer toute cette intensité redoutable, cette
envie de tout anéantir*.
[Pudeur est publié en vinyle de couleur houblonnée ou rose chair
et tendre et en CD par Throatruiner records]
* et Fange de déjà annoncer la parution d’un nouvel enregistrement pour
la mi-août, un mini album intitulé Poigne
encore plus orienté machines et enregistré avec quelques invités
supplémentaires – à suivre…