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lundi 27 juillet 2020

Fange / Pudeur




L’évolution continue. Ou plutôt la mutation. Il n’y a finalement pas un album de FANGE qui ressemble comme un frère au précédent et depuis ses débuts très sludge / harsch / je-ne-sais-pas-quoi le groupe a expérimenté autant d’horizons musicaux qu’il a connu de line-up différents. Toujours centré autour du guitariste et master es-bidouilles Benjamin Moreau dont il reste le seul membre d’origine et établissant définitivement la place prépondérante de Matthias Jungbluth (chant et terreur à tous les étages), Fange est désormais un trio. Du moins c’est sous cette forme là que le groupe a enregistré Pudeur, publié en avril dernier par Throatruiner. Le troisième larron est loin d’être un inconnu, le bassiste Antoine Perron jouait déjà sur l’album précédent Punir. Les comptes sont ainsi vite faits : de la guitare, de la basse, du chant et beaucoup de machines… il n’y a plus de batteur dans le line-up du groupe – qui en a beaucoup changé depuis ses débuts – mais une belle et rutilante boite-à-rythmes qui assaisonne tout l’album d’explosions et de cavalcades rythmiques. Le mot est lâché : Fange ferait désormais de l’« indus ».
Pas si vite papillon. Il ne suffit pas de foutre de la programmation de partout pour faire de la musique industrielle. Et puis cette appellation est tellement galvaudée et a tellement changé de sens au fil du temps que l’employer peut s’avérer des plus délicats. Ce qui est le cas de Pudeur, album finalement assez complexe à appréhender et auquel les trois Fange survivants n’ont souhaité donner qu’une seule couleur : la leur. Tout comme Punir lorgnait souvent du côté d’un death metal avarié – depuis le tout début des années 90 celui-ci a en effet largement eu le temps de passer par tous les stades de décomposition/recomposition – Pudeur s’inspire de, évoque, emprunte… mais ne copie pas bêtement. Ce que Fange a toujours fait, finalement : aller au delà des codes musicaux, prêter allégeance mais jamais pour très longtemps, donc, ne pas s’arrêter en cours de route et ne pas s’appesantir, ne pas se reposer sur quoi que ce soit.
Ce qui est frappant c’est qu’au travers de son évolution et de ce processus Fange a toujours su garder quelque chose – des éléments significatifs – de ses expériences et enregistrements passés. On retrouve donc un peu de ce sludge originel, un peu de cette confusion harsh qui transforme les sons en magma et un peu de death dans Pudeur qui passe tout ça à la moulinette de machines programmées pour engendrer le chaos. Ce qui ne change pas chez Fange c’est ce sens inné (?) de la noirceur, de la lourdeur, du malaise, de la crasse, de la destruction. Et de la terreur, comme déjà mentionné au sujet du chant de Mathias Jungbluth mais cette appréciation peut finalement s’appliquer à toute la musique du groupe – de l’épaisseur meurtrière des lignes de basse à la rage vicieuse des guitares. On reconnait parfaitement la musique de Fange dans la mixture industrialisée de Pudeur, on sait qu’il s’agit toujours du même groupe mais en même temps on ne peut que s’émerveiller de sa faculté d’adaptabilité, comme un bon gros virus mortel et dégueulasse qui ne fera pas de détails et détruira tout être vivant sur son passage. On espère alors que le groupe ne s’arrêtera pas là, et qu’il trouvera encore d’autres moyens pour exprimer toute cette intensité redoutable, cette envie de tout anéantir*.

[Pudeur est publié en vinyle de couleur houblonnée ou rose chair et tendre et en CD par Throatruiner records]

* et Fange de déjà annoncer la parution d’un nouvel enregistrement pour la mi-août, un mini album intitulé Poigne encore plus orienté machines et enregistré avec quelques invités supplémentaires – à suivre…