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vendredi 10 juillet 2020

Tuscoma / Discourse




Encore un plan simple et efficace qui a cependant complètement échoué. Enregistré en décembre 2019, mixé et masterisé dans les mois qui ont immédiatement suivi, Discourse était prévu pour une publication en avril 2020, pile-poil pour la nouvelle tournée européenne de TUSCOMA. Je ne vais pas te faire l’affront de te rappeler qu’à ce moment précis la moitié de la planète Terre était enfermée à la maison (pour les plus chanceux, ahem, il y a tellement de pays où cela n’a pas été possible) en espérant échapper au covid, 19ème du nom. La tournée sur le vieux continent a donc été annulée et Discourse qui ne pouvait pas être publié au plus mauvais moment l’a quand même été, vaille que vaille. Je me suis également laissé dire que les deux petits gars de Tuscoma n’ont même pas pu écouter et voir le résultat de tout leur travail et de leur acharnement avant, ouais cela ne facilite pas vraiment les choses quand tu habites à Wellington en Nouvelle Zélande et que ton label se trouve aux antipodes, en Pologne.
Mais je ne doute pas une seule seconde que désormais Kurt Williams (guitare et chant) et Joe Wright (batterie) sont très contents du résultat. En tous les cas, moi je l’aime. Je peux même affirmer qu’avec Discourse le duo a vraiment fait très fort, encore plus fort qu’avec Arkhitecturenominus qui était déjà un album captivant d’intensité et de férocité. Enregistré et produit par un certain Chris Johnson – non, je ne vais pas non plus faire semblant de savoir qui c’est – Discourse lorgne de plus en plus vers le black metal. Lequel est largement représenté sur des titres tels Is The Modern Still Modern ?, Apperture Unknown ou même un peu plus loin sur Nothing Is Forever et sa première partie toute en mid-tempo fougueux. Tuscoma utilise souvent et sans aucune modération des éléments caractéristiques qui ne trompent pas : coups de boutoir à la double pédale, blast beats à la volée, guitare qui tronçonne de l’animalité comme une scie circulaire complètement folle et chant de goret priapique insatisfait sont plus que représentés tout au long d’un album qui pourtant ne renie jamais totalement les origines noise et harcore de Tuscoma
 et si le début du disque laisse présager d’un assujettissement presque total aux forces du mal et de l’occulte, Williams et Wright démontrent ensuite qu’ils sont deux musiciens avec bien plus de caractère que ça et capables de beaucoup plus d’originalité – essaye un peu de te rappeler de tous ces groupes chiants à mourir, Altar Of Plagues en tête, qui il y a quelques années mélangeaient très proprement black et hardcore… et bien Tuscoma est à l’opposé de tout ça, du côté de la crasse et de la vraie noirceur.
L’étalage de violence enténébrée, de colère, de ressentiment et toute cette dureté ne seraient rien si Tuscoma ne faisait donc pas preuve d’une belle habilité pour brouiller les pistes en mélangeant les genres, ou plutôt en ne laissant jamais une composante de sa musique prendre totalement et définitivement l’ascendant sur toutes les autres. Lorsqu’on écoute la pierre angulaire Ever Normal fort judicieusement placé à la toute fin de l’album on ne peut que convenir que la musique du duo fait admirablement le lien entre post hardcore, metal, black et noise sans pour autant en faire de la bouillie pour jeunes hipsters européens. Idem pour le très étonnant et autre sommet du disque The Fundamentalist qui serpente durant presque neuf minutes ainsi que pour Apperture Unknown, encore, avec son passage intermédiaire où apparait plus clairement une ligne de basse jouée par Chris Johnson (je ne sais toujours pas qui il est mais il joue sur tout l’album). Tuscoma imbrique parfaitement tous les éléments de sa musique sans effet de collage artificiel et on oublie, oui on oublie de se dire des trucs inutiles et limitatifs tels que « ah ouais là c’est vraiment un plan black / true du cul » et ce genre d’inepties rassurantes. Car la musique de Tuscoma est surtout angoissante, anxiogène même, complètement inconfortable. Inattendue. Elle ne pose pas, elle ne se pavane pas. Et elle n’a pas besoin d’artifices pour faire mal.

[Discourse est publié sous la forme d’un double LP en vinyle rouge et limité à 250 exemplaires par Antena Krzyku]