Encore un plan simple et efficace qui a cependant
complètement échoué. Enregistré en décembre 2019, mixé et masterisé dans les
mois qui ont immédiatement suivi, Discourse
était prévu pour une publication en avril 2020, pile-poil pour la nouvelle
tournée européenne de TUSCOMA. Je ne vais pas te faire
l’affront de te rappeler qu’à ce moment précis la moitié de la planète Terre
était enfermée à la maison (pour les plus chanceux, ahem, il y a tellement de
pays où cela n’a pas été possible) en espérant échapper au covid, 19ème
du nom. La tournée sur le vieux continent a donc été annulée et Discourse qui ne pouvait pas être publié
au plus mauvais moment l’a quand même été, vaille que vaille. Je me suis également
laissé dire que les deux petits gars de Tuscoma
n’ont même pas pu écouter et voir le résultat de tout leur travail et de leur
acharnement avant, ouais cela ne facilite pas vraiment les choses quand tu habites
à Wellington en Nouvelle Zélande et que ton label se trouve aux antipodes, en
Pologne.
Mais je ne doute pas une seule seconde que désormais Kurt Williams (guitare et
chant) et Joe Wright (batterie) sont très contents du résultat. En tous les
cas, moi je l’aime. Je peux même affirmer qu’avec Discourse le duo a vraiment fait très fort, encore plus fort qu’avec
Arkhitecturenominus qui était déjà
un album captivant d’intensité et de férocité. Enregistré et produit par un
certain Chris Johnson – non, je ne vais pas non plus faire semblant de savoir qui c’est
– Discourse lorgne de plus en plus
vers le black metal. Lequel est largement représenté sur des titres tels Is The Modern Still Modern ?, Apperture Unknown ou même un peu plus
loin sur Nothing Is Forever et sa
première partie toute en mid-tempo fougueux. Tuscoma utilise souvent et sans
aucune modération des éléments caractéristiques qui ne trompent pas :
coups de boutoir à la double pédale, blast beats à la volée, guitare qui
tronçonne de l’animalité comme une scie circulaire complètement folle et chant
de goret priapique insatisfait sont plus que représentés tout au long d’un
album qui pourtant ne renie jamais totalement les origines noise et harcore de Tuscoma et si le début du disque laisse présager
d’un assujettissement presque total aux forces du mal et de l’occulte, Williams
et Wright démontrent ensuite qu’ils sont deux musiciens avec bien plus de
caractère que ça et capables de beaucoup plus d’originalité – essaye un peu de
te rappeler de tous ces groupes chiants à mourir, Altar Of Plagues en tête,
qui il y a quelques années mélangeaient très proprement black et hardcore… et
bien Tuscoma est à l’opposé de tout
ça, du côté de la crasse et de la vraie noirceur.
L’étalage de violence enténébrée, de
colère, de ressentiment et toute cette dureté ne seraient rien si Tuscoma ne faisait donc pas preuve
d’une belle habilité pour brouiller les pistes en mélangeant les genres, ou
plutôt en ne laissant jamais une composante de sa musique prendre totalement et
définitivement l’ascendant sur toutes les autres. Lorsqu’on écoute la pierre
angulaire Ever Normal fort judicieusement
placé à la toute fin de l’album on ne peut que convenir que la musique du duo
fait admirablement le lien entre post hardcore, metal, black et noise sans pour
autant en faire de la bouillie pour jeunes hipsters européens. Idem pour le
très étonnant et autre sommet du disque The
Fundamentalist qui serpente durant presque neuf minutes ainsi que pour Apperture Unknown, encore, avec son
passage intermédiaire où apparait plus clairement une ligne de basse jouée par
Chris Johnson (je ne sais toujours pas qui il est mais il joue sur tout l’album).
Tuscoma imbrique parfaitement tous
les éléments de sa musique sans effet de collage artificiel et on oublie, oui
on oublie de se dire des trucs inutiles et limitatifs tels que « ah ouais
là c’est vraiment un plan black / true du cul » et ce genre d’inepties
rassurantes. Car la musique de Tuscoma
est surtout angoissante, anxiogène même, complètement inconfortable.
Inattendue. Elle ne pose pas, elle ne se pavane pas. Et elle n’a pas besoin
d’artifices pour faire mal.
[Discourse est publié sous la forme d’un double LP en vinyle rouge et limité à 250 exemplaires par Antena Krzyku]