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vendredi 15 mars 2019

Comme à la radio : Antena krzyku / Tuscoma / Pigeon





Antena Krzyku a déjà été évoqué ici à propos du tout récent Total Dump de Sofy Major, un album chaudement recommandé par cette gazette internet mais qui ne doit pas être l’arbre cachant la forêt : le label (et mailorder) polonais existe depuis 1994 et a démarré en éditant les versions cassette des albums de MoMeansNo ou de Victims Family – plus quelques autres références des labels Alternative Tentacles et Wrong records.
Je ne connais absolument aucun des groupes (beaucoup de polonais évidemment) qu’Antena Krzyku a publié entretemps pourtant depuis quelques années et la parution d’Agaiin de It It Anita le label s’est à nouveau fortement internationalisé avec Hollywoodfun Downstairs de Nouvelle Zélande, les français d’Alabaster, les américains de Buildings et de Wailin Storms ou en rééditant Instant Winner, le deuxième et mythique album de Distorted Pony… Un jour j’irai fouiller du côté de tous les autres groupes obscurs et que je ne connais pas mais en attendant parlons plutôt de deux disques inratables édités par Antena Krzyku au cours de l’année 2018. 



TUSCOMA n’est pas une formation sortie de nulle part, petit résumé des épisodes précédents : lorsque Hollywoodfun Downstairs a définitivement perdu son bassiste – le groupe venait pourtant de publier le monstrueux Tetris enregistré à trois – les deux survivants ont quand même décidé de continuer sous un nouveau nom. Tuscoma c’est donc Kurt Williams à la guitare et au chant ainsi que Joe Wright à la batterie et c’est sous ce nom que le duo a publié Arkhitecturenominus, un disque dans la droite lignée de Tetris.






Car il n’y a aucun doute à avoir : si on a aimé Hollywoodfun Downstairs on aimera Tuscoma, un groupe qui réussit à allier la vigueur ravageuse de ce bon vieux noise-rock réactionnaire à la densité abrasive du black metal. Dans ses moments les plus intenses Tuscoma ressemble un peu à Today Is The Day période AmRep essayant de faire des reprises de Mayhem ou de je ne sais quel autre troupeau de primitifs consanguins : les riffs s’empilent sur fond de blast beats et le chant (?) évoque le plus souvent les cris désespérants d’un porcinet broyé par une machine-outil dans une vidéo militante dénonçant l’abatage industriel des animaux et les usines de transformation de viande morte en étrons alimentaires. C’est dégueulasse y compris sur les passages plus calmes et ça pue vraiment mais (à la différence des shitburgers) c’est ça qui est bon avec Tuscoma, cette façon de se sentir acculé par un mur du son et de violence hystérique, surtout que le duo révèle un caractère et une endurance encore plus impitoyables que feu Hollywoodfun Downstairs et je me demande comment Tuscoma arrive à être encore plus lourd et plus massif sans bassiste. Vive l’animalité. 




De la basse il y en a énormément dans la musique de PIGEON même si ce sont malgré tout les guitares qui prédominent sur le premier album du groupe. Pigeon vient de Berlin et n’avait jusqu’ici publié qu’une paire de cassettes et un split. Ce court album sans titre est une coproduction entre Antena Krzyku, Black Verb records et Dunkel Ziffer records et impressionne déjà par son côté abrasif, concis mais abouti.





Ce Pigeon là est définitivement un plat de choix sur un menu destiné aux fins gourmets. Les ingrédients sont souvent surprenants et difficiles, à commencer par les guitares qui flirtent quasiment constamment avec les dissonances, mais la recette est de celles que je préfère, les berlinois mélangeant le côté bruitiste arty new-yorkais si cher à mon cœur d’intellectuel frustré avec une forte influence post punk (essentiellement sur la deuxième face du disque, la première étant plus noise) grâce à une rythmique très précise et dynamique – les lignes de basse, reparlons-en, sont d’une rondeur et d’une proéminence qui font toute la différence.
Quelques courts titres sans grand intérêt et (disons-le) bruitistes sont là pour ajouter un peu plus de confusion au milieu de compositions qui au fur et à mesure que l’on avance dans l’écoute de l’album lorgnent de plus en plus vers une clarté blafarde et une froideur explosive : Pigeon rappelle de temps à autre le côté bidouilleur du A Place Too Bury Strangers des débuts. Quant au chant il est limité et n’est pas l’élément le plus important dans la musique de Pigeon ; il se fait rare et lapidaire mais tombe toujours juste avec parfois un petit grain de voix à cheval entre 80’s et 90’s tendance post punk tralala (Nizza ou Tiny). Cette économie du chant s’explique peut-être parce que chez les berlinois le chanteur est également le batteur, une configuration peu ordinaire mais qui, on l’aura compris, n’est pas la seule caractéristique ni la seule originalité d’un groupe que désormais il va falloir suivre assidument. La chasse au Pigeon est ouverte.