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lundi 25 mars 2019

Oozing Wound / High Anxiety


Aujourd’hui le thème de notre grand débat sera : le cynisme, au sens philosophique du terme, a t-il encore et toujours la force d’être l’ennemi d’un monde forgé sur le paraître et le spectaculaire ? Si je m’en tiens basiquement aux faits OOZING WOUND est effectivement un groupe profondément cynique puisqu’il se moque des codes, des conventions établies et du puritanisme et prône la désinvolture et l’anticonformisme. Parce que dans le cas qui nous occupe – la musique, donc – comme dans la vie tout court le cynisme ce n’est pas agir par intérêt personnel mais par nature rebelle et en cela le véritable cynisme est subversif et n’a rien de manipulateur, tout juste peut il être ironique – par ironie j’entends une façon de faire qui consiste à dire ou agir dans le sens contraire de ce que l’on pense et de ce que l’on est ; toujours en matière de musique(s), les cas où l’ironie est réellement cynique ne sont pas rares, le punk et le hardcore ont pu et peuvent encore l’être en se mettant dans la peau des ordures pour mieux les singer et les dénoncer par excès de sarcasmes mais on sait également ce qu’il a pu advenir du punk comme du rock’n’roll avant lui et du hip-hop ou de l’electro après, un modèle systématisé comme un autre, un théâtre de la révolte, un marché de dupes et une déviation de son esprit originel (l’autre jour un ami me disait précisément qu’il en avait plus qu’assez de tous les gugusses pour qui le D.I.Y. rime avec individualisme forcené).
Oozing Wound a toujours joué cartes sur table et il n’y a que les chevelus intégristes et les rasés sectateurs pour ne pas le comprendre, pour ne pas comprendre que l’essence même du trio de Chicago est un cynisme politique qui consiste à dire quelque chose comme : « casse-toi si tu n’es pas content ». Ce n’est pas que de la provocation, c’est de la révolte pure et simple. Et ce n’est pas pour rien si la première et – magistrale – composition qui ouvre High Anxiety s’intitule Surrounded By Fucking Idiots et si un peu plus loin on trouvera un Die On Mars tout aussi désespéré et fielleux…tout comme le quatrième album d’Oozing Wound est de loin le plus sombre, le colérique et le plus moqueur du groupe : la fin du monde est déjà arrivée.   




High Anxiety est-il le meilleur disque d’Oozing Wound pour autant ? A chaque nouvel enregistrement du trio je ne peux pas m’empêcher de penser que Zack Weil (guitare et chant), Kevin Cribbin (basse) et Kyle Reynolds (batterie) viennent de donner naissance à leur chef-d’œuvre absolu. Mais c’est faux : il suffit de réécouter tous les disques du groupe (sans oublier le split avec Black Puss) pour comprendre qu’il y a une logique dans tout ça, qu’Oozing Wound ne se contente pas uniquement de nous resservir à chaque fois le même disque mais en mieux, en plus complexe, avec des riffs plus tordus et des breaks plus improbables, non le groupe nous parle d’un monde de merde et de sa colère face à ce monde là, qui ne fait que s’enfoncer. Plus ce qui nous entoure devient désespérant et plus la musique d’Oozing Wound se durcit, gagne en implacabilité et se convulse de colère. High Anxiety est le stade provisoire d’une tempête noire et destructrice.
Ce qui ne change pas c’est la vision que le groupe propose du thrash et qui n’en est toujours pas tandis que les prétendus passages influencés noise-rock n’en sont pas vraiment non plus. Oozing Wound n’est pas un hommage ni un groupe revivaliste et encore moins une créature nostalgique. Plus que tout autre le trio est de son temps non pas parce qu’il colle parfaitement aux mirages et aux simulacres modernes mais parce qu’il sait en parler – certes d’une manière extrêmement négative mais comment pourrait-il en être autrement ? – et en faire le carburant d’une rage musicale sans posture. Et pour en revenir justement à la question musicale je ne trouve pas vraiment d’autres exemples de groupes actuels qui sachent aussi bien équilibrer technique et sauvagerie, efficacité et bestialité, lourdeur et subtilité, intelligence et épiderme, mémoire et révolte, rigueur et anarchie, fête et combat. Mais Oozing Wound n’est pas un concept et se présente comme « three dudes and the desire to slay » : la question n’est donc pas de tout détruire pour tout reconstruire mais d’ériger un gros bordel sonore comme ultime rempart, sans esprit moralisateur, tout est dans le rejet et dans le nihilisme. Ce n’est pas la moindre caractéristique d’un groupe qui ne fait que s’amuser avec une jubilation noire et destructrice et se défoncer sur un tas de cendres fumantes et de cadavres encore tout chauds : Oozing Wound nous met la tête bien profondément dans la merde ambiante, pointe la réalité pour mieux la combattre le temps d’un disque (d’un concert) et non pas pour l’occulter hypocritement en préférant se bercer d’illusions dickiennes propres aux musiques en post. Il n’y a que la vérité qui blesse mais il n’y a que le mensonge qui tue. 




bonus mega whammy : Oozing Wound est actuellement en pleine tournée européenne et sera de passage quelque part du coté de Lyon le mercredi 3 avrilcome on riding the universe !

[High Anxiety est publié en vinyle et en CD par Thrill Jockey]