Quel point commun y a t-il entre les
Négresses Vertes et POTTERY ? De toute évidence,
aucun. C’est du moins ce que tout le monde dirait. Bon, laisse-moi essayer à
nouveau et donne moi ma chance pour une seconde question. Est-ce que tu connais
l’histoire du type qui achète un disque à l’aveugle (autrement dit : sans
en avoir écouté une seule note auparavant) tout simplement parce qu’il avait
plutôt aimé ou tout du moins trouvé intéressant le disque précédent ? Quel
idiot*, hein ? A l’heure d’internet, du streaming gratos ou du
téléchargement illégal permettant de se faire avant une idée du disque en question… Et oui, tu l’auras compris,
l’idiot c’est moi. Et j’en serais presque vert de honte – nota : ceci n’est
absolument pas une réponse à la toute première question.
Il était quand même pas mal ce tout premier
disque de Pottery, un 12’ de sept titres un peu bancal et désordonné,
entre garage de crooners et post-punk éclairé. N°1 promettait quelque chose pour après, même si Lifeline Costume, un peu trop étalé, un
peu trop exubérant et placé à la toute fin du disque aurait du mettre la puce à
l’oreille du vieux rabat-joie que je suis (et aime tellement être) mais que
veux-tu, pour une fois j’avais décidé d’être optimiste, d’écouter autre chose
que de la musique qui fait mal ou de la musique compliquée – la musique
compliquée qui fait mal ça existe aussi et là j’adore carrément – et j’avais
surtout décidé de laisser toutes ses chances à Welcome To Bobby’s Motel, premier
album long format de Pottery, publié
au mois de juin par Partisan records. La pochette est ultra colorée, la
pochette intérieure également, même le coupon de téléchargement** reprend le
même genre de visuel et le vinyle est lui qualifié de « Hot Dog
yellow » ce qui signifie jaune, tout simplement. C’est un joli emballage. Après
je peux très bien comprendre que l’on puisse apprécier ce chanteur qui
désormais fait tout ce qu’il peut pour imiter David Byrne (Hot Heater), je peux admettre que la profusion de voix – tout le
monde chante dans le groupe, façon chorale au moment des refrains – fasse chaud
au cœur, je peux parfaitement imaginer qu’un groupe qui lorgne souvent du côté
des Talking Heads (logique…) et qui rajoute du funk et des claviers très kitsch
dans ses compositions décroche des recensions XXL et des bonnes notes chez les
critiques d’art mais Welcome To Bobby’s
Motel m’ennuie, à de très rares exceptions près (Take Your Time, plutôt tendu que la moyenne malgré l’inévitable
réapparition de ces foutus chœurs de collégiens).
Welcome To Bobby’s Motel m’ennuie
parce qu’il joue à fond la carte de l’ébriété musicale propre, il m’ennuie parce
qu’il est systématiquement et méthodiquement explosif et qu’il me fait penser à
la boom des cinquante ans de ma grande sœur, il m’ennuie parce qu’il en fout de
partout mais qu’en même temps il fournit les rouleaux de papier sopalin pour
tout essuyer dans la foulée, il m’ennuie parce qu’il peut aussi lorgner vers la
variétoche la plus indigne (Reflection,
Hot Like Jungle). Il m’emmerde parce
que sa gentille foutraquerie très envahissante ne dit rien d’autre que
« hey ! on est là ! danse avec nous ! ». Il me gonfle
parce que je n’entends qu’un groupe qui un jour finira dans un stade pour
chanter des hymnes fédérateurs et qui pour l’instant me fait autant d’effet
qu’un Franz Ferdinand option Radio 4 option LCD Sound Sytem en un peu plus clownesque
mais en tout aussi insignifiant. Il me hérisse parce que rien que le premier
titre éponyme ressemble à un catalogue quasi exhaustif de ce que Pottery prétend savoir faire. Mais tout
le monde a le droit de jouer ce qu’il veut comme musique donc je vais m’arrêter
là.
Non, en fait pas tout à fait : je me suis rappelé de cette histoire. J’avais
à peine 19 ans et le premier album des Négresse Vertes débarquait dans le
paysage post-alterno, profitant de l’aubaine commerciale de la Mano Negra tout en
essayant en vain de convaincre les plus vieux (le chanteur n’avait-il pas fait
partie de la raïa de Lucrate Milk puis de celle des Bérurier Noir ?). Tout
le monde aimait les Négresses Vertes, tout le monde sauf mon pote
Jean-Mi***. Et lorsqu’on lui demandait
pourquoi il répondait toujours : « parce que je trouve ça beaucoup
trop sautillard »****. C’est exactement ce que je pense aujourd’hui de Welcome To Bobby’s Motel, un disque
beaucoup trop festif de la part d’un groupe terriblement envahissant et
fatiguant. Voilà l’été.
* OK : ça fait trois questions
** j’en profite pour te donner mon
code : zwaQ4MjB – à utiliser en allant sur le site marchand du label
*** non pas ce Jean-Mi là, un autre
**** alors qu’il aurait pu se contenter
de dire que le chant lui faisait trop penser à du Bernard Menez et qu’il
n’aimait pas l’accordéon ni les guitares espagnoles