Aujourd’hui plus grand monde ne doit se
souvenir des SCUL HAZZARDS, sauf peut-être la poignée d’irréductibles qui
ont longtemps vénéré les deux albums studio et la triplette de singles de ce
groupe australien (Brisbane, puis Melbourne) un temps exilé en Europe
(Londres…). Sans refaire toute l’histoire on peut tout de même établir Let Them Sink, premier album du trio publié
en 2008, comme l’un des jalons les plus importants et les plus essentiels du
noise-rock de la fin des années 2000 et si à l’époque ce disque avait pu
arriver jusqu’à nous c’est grâce à un cartel de labels français* regroupés pour
l’occasion. Les mêmes labels peu soucieux de rentabilité financière et de
retour sur investissement qui remettront ça l’année d’après pour le deuxième
album des Scul Hazzards**, un Landlord certes un peu moins bon et un
peu moins fracassant mais qui permettra au groupe de tourner encore plus
intensivement en Europe***. Il ne reste donc des australiens que quelques
disques marquants, quelques gueules de bois, des très bons moments, bref que des souvenirs...
L’histoire aurait pu s’arrêter là si en 2017 les Scul Hazzards – ou plutôt le guitariste/chanteur Steven Smith**** –
n’avaient mis en ligne le troisième album du groupe, jusque là totalement
inédit. Oui, un album complet de 35 minutes et comprenant dix compositions
apparemment enregistrées aux alentours de 2014/2015, avant que le trio ne jette
l’éponge et avant, peut-on lire sur les internets, un ultime concert pour fêter
les 10 ans d’une existence tumultueuse. La publication virtuelle d’Epitaph; reset arrivera donc un peu tard
mais il a bien fallu se contenter de ces pistes en mp3 follement
réjouissantes : j’en connais quelques uns qui ont bavé plus d’une fois en
écoutant ce troisième album posthume tout en maudissant les dieux et démons du
noise-rock de n’avoir encore jamais permis à ce disque de voir le jour sur un
support physique.
On ne pourra donc qu’être reconnaissant au
label polonais Fonoradar qui a fini
par publier Epitaph; reset en mars
2020 sous la forme d’un CD digipak soigné et élégant que pour une fois on ne
boudera pas, même si on aurait évidemment préféré une édition en vinyle*****. Ecouter
et réécouter encore Epitaph; reset revient à faire
remonter tous nos vieux souvenirs à la surface tout en nous remplissant de
regrets. Car il n’y a pas à tortiller ni à faire la fine bouche : Epitaph; reset est non seulement un
excellent disque de noise-rock mais il pourrait bien également s’agir du
meilleur enregistrement des Scul
Hazzards, et rien de moins. Le point d’ancrage / pivot indéboulonnable de
la musique du trio a toujours été la basse de Tiffany Milne et c’est encore
plus vrai sur Epitaph; reset, un
album qui pousse le niveau d’intensité, d’épaisseur, d’électricité, de
férocité, de bordel encore plus loin. On en vient forcément à se demander
pourquoi un tel disque a failli rester dans les oubliettes, pourquoi un tel
groupe, aussi rageux et aussi viscéral mais jamais auto-complaisant, ne figure
pas au panthéon éternel des groupes de noise-rock essentiels, catégorie gras du
bide et pulsions volcaniques à souhait. Parce que c’est ça Scul Hazzards, un sens dévastateur de la composition qui fait
presque systématiquement mouche, une rage musicale à se taper la tête contre
les murs, une maitrise quasiment parfaite du bruit, un sens de l’écrasement et
de la véhémence sans beaucoup d’équivalents.
Je fais partie des rétrogrades qui
considèrent qu’une musique enregistrée n’existe pas vraiment tant qu’elle n’a
pas été publiée sous une forme ou sous une autre – comme la musique ne saurait
exister sans concert, ce qui en ces temps post confinement constitue un réel problème
– alors, oui, c’est la seule chose qui me reste à faire maintenant, dire un
immense merci, et espérer qu’un peu plus de personnes se rappelleront désormais
de ce grand groupe qu’étaient les Scul
Hazzards.
* citons les : Les Disques du
Hangar 211, Rejuvenation, Shot Down, Slow Death et Whosbrain records
** avec en plus cette fois Bigoût
records parmi les heureux contributeurs déficitaires
*** et un concert d’anthologie au Sonic en octobre 2009… j’en ai encore mal aux cervicales rien que d’y repenser
**** c’est lui également qui
enregistrait, mixait et masterisait tous les disques de Scul Hazzards – en 2014 il a ouvert son propre studio à Melbourne
***** Fonoradar a également réédité en
CD l’album Three de Luggage initialement paru
en cassette uniquement et le label annonce maintenant des sorties vinyle de
deux groupe polonais, à suivre…