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lundi 20 avril 2020

Bruxa Maria / The Maddening


Publié exactement en même temps et par le même label que l’excellent Resort For Dead Desires de Casual Nun, The Maddening, deuxième album de Bruxa Maria, n’a strictement rien à envier à celui-ci. Les deux groupes avaient partagé un excellent split à la fin de l’hiver 2018 puis avaient enchainé au printemps de la même année sur une tournée commune qui – je l’imagine sans difficulté – a très certainement du laisser quelques souvenirs indélébiles chez toutes celles et tous ceux qui ont eu la chance de pouvoir assister à l’un de ces concerts. Pour tous les autres il reste ces deux albums à écouter et à déguster sans aucune modération : si Resort For Dead Desires est un disque aussi passionnant que plein de surprises, aussi tendu qu’exaltant, que dire alors de The Maddening ? Je ne vais pas m’amuser au petit jeu des comparaisons parce que cela n’a strictement aucun intérêt, je préfère plutôt affirmer que les albums de Casual Nun et de Bruxa Maria représentent deux facettes distinctes d’une même musique et qu’ils témoignent tous les deux et à leur manière singulière de la vigueur d’une scène noise anglaise qui n’aura jamais semblée aussi bouillonnante que toutes ces dernières années. Le label anglais Hominid Sounds a donc très bien fait de nous donner en pâture et au même moment deux disques aussi originaux, aussi différents mais aussi complémentaires. 





The Maddening* porte très bien son nom. Seulement je ne sais pas si BRUXA MARIA veut ainsi témoigner de la folie d’un monde qui s’emballe de plus en plus dans le grand n’importe quoi au risque de ne jamais pouvoir s’en relever ou si ce titre révèle les intentions d’un groupe prêt à tout pour nous faire sortir de nos gonds. Un peu des deux, j’imagine. L’histoire du groupe a également et très certainement du nourrir la furie et la rage qui l'animent et développer chez lui cet instinct d’urgence et de nécessité absolue – rappelons que le 20 janvier 2018 les membres de Bruxa Maria étaient dans le même van que les Silent Front et en route pour un concert parisien lorsque s’est produit un terrible accident de la route… lorsque tu es passé aussi près de la mort et lorsque tu as vu tes amis et compagnons de tournée faire de même il n’y a sans doute qu’une seule chose à faire, après coup, pour réussir à se relever d’une telle épreuve : transformer ta musique en exhutoire et en œuvre cathartique.
Les précédents enregistrements de Bruxa Maria laissaient déjà déborder toute la folie du groupe emmené par la guitariste/chanteuse Gill Dread – seul membre permanent – mais rien ne laissait non plus deviner le pic d’exaltation et de débauche ultrasonique de The Maddening. Chez Bruxa Maria il n’y a pas que du noise rock (d’ailleurs ce terme de « rock » me semble tellement inconsistant à l’écoute d’une telle musique) mais aussi de copieuses rasades métalliques, de l’expérimental et surtout une énergie punk bloquée en position hardcore. Les compositions, qu’elles soient ultra rapides, linéaires et hystériques ou au contraire lentes et lourdes, regorgent de trouvailles sonores explosives et inconfortables.
A l’énumération ci dessus je rajouterais bien un peu de musique industrielle, un soupçon de trash-core et une pointe d’électromécanique (le line-up** ayant participé à l’enregistrement de The Maddening comprend un certain Robbie Judkins crédité en tant qu’électronicien et noisemaker) mais ce faisant je n’arriverai toujours pas à décrire correctement la folie fourmillante associée à un sens millimétré du chaos et distillée par un disque qui explose tout sur son passage.
Une réussite totale qui ne serait sans doute pas ce qu’elle est sans l’implication et la mise en boite opérée par Wayne Adams – encore lui ! – toujours aux manettes du studio Bear Bites Horse. Le son est terriblement impressionnant et il l’est d’autant plus que sa densité (à certains moments je me demande combien il y a de couches de guitare) n’enlève rien à son caractère naturel et essentiel. Aussi chiadé et travaillé que peu l’être The Maddening, l’album ne perd jamais son côté organique et urgent. Tout comme il ne néglige pas la nuance : The Void et surtout le magnifique Zaragoza clôturent l’album sur un mode plus mélodique, le chant abandonne ses criardises suraigües et la musique se pare alors de plus de noirceur et de plus de profondeur. Et puis, si tu le peux, va donc jeter un œil sur les paroles de l’album, je pense notamment à celles de Love And Riots, tu comprendras un peu mieux la nature de l’engagement exemplaire mais sans façons de Bruxa Maria ***. Je crois bien que nous voilà d’ores et déjà en présence de l’un des albums les plus impressionnants et les plus indispensables de cette année 2020 (de merde).

* The Maddening existe sous la forme d’un vinyle emballé dans une pochette avec un artwork géométrico-progressif auquel il ne faut absolument pas se fier ; le tout est complété par une belle sérigraphie tout aussi énigmatique ainsi que par un insert comprenant paroles et remerciements – celui adressé à Ghaith de Art Burning Water / Beg parce qu’il a offert une guitare de gaucher à Gill Dread après que celle-ci ait perdu tout son matériel lors de l’accident est particulièrement touchant
** le line-up est complété par le bassiste Dave Cochrane, héro s’il est en est (Head Of David, God, Ice, Terminal Cheesecake) et par le batteur Paul Antony (Ghold)
*** sur la page b*ndc*mp d’Hominid Sounds il est également indiqué que pour chaque disque vendu 1 £ivre sera reversée à un fonds de soutien aux migrants, The Windrush Justice Fund