Mick Harris a la réputation de ne pas être un type facile. On le dit caractériel, instable, colérique et volontiers (auto)destructeur. Moi je le crois surtout beaucoup trop à fleur de peau. Ce n’est pas un hasard si l’homme qui en tant que batteur au sein des incroyables Napalm Death a popularisé la technique du blast beat – sans l’avoir inventée, pour cela il faut aller chercher du côté des américains précurseurs de Repulsion – a quitté le navire au début des années 90, abandonnant une confortable carrière dans le metal extrême pour fonder avec Nicholas James Bullen*, ancien Napalm Death également, le groupe Scorn. Car oui à l’époque Scorn était bien un groupe, souvent épaulé par la guitare de Justin Broadrick de Godflesh et ex Napalm Death, lui aussi, décidemment… Mais Mick Harris voulait autre chose, une musique qui collait mieux à la noirceur de sa personnalité, moins évidemment et moins frontalement violente que celle de Napalm Death, mais bien plus éprouvante. Pour lui comme pour nous. Et finalement une musique si ce n’est émouvante du moins remuante.
Aujourd’hui lorsqu’on parle de Scorn on ne parle plus que de Mick Harris, oubliant un peu trop vite les trois albums enregistrés en tandem avec Nicholas James Bullen** mais c’est finalement bien normal : les débuts et la progression de Scorn ont certes été fulgurants mais à partir du moment où Mick Harris s’est retrouvé seul à bord, enfantant du génial (insurpassable ?) Gyral en 1995, plus rien n’a été comme avant et Scorn a définitivement inscrit en toutes lettres son nom provocateur et moqueur sur les tables de la loi des musiques électroniques et expérimentales.
Aujourd’hui lorsqu’on parle de Scorn on ne parle plus que de Mick Harris, oubliant un peu trop vite les trois albums enregistrés en tandem avec Nicholas James Bullen** mais c’est finalement bien normal : les débuts et la progression de Scorn ont certes été fulgurants mais à partir du moment où Mick Harris s’est retrouvé seul à bord, enfantant du génial (insurpassable ?) Gyral en 1995, plus rien n’a été comme avant et Scorn a définitivement inscrit en toutes lettres son nom provocateur et moqueur sur les tables de la loi des musiques électroniques et expérimentales.
L’instabilité de Mick Harris a fait qu’il a plus ou moins disparu plusieurs fois de la circulation. On se rappellera des cinq longues années entre Plan B en 2002 et Stealth en 2007, période à peine interrompue en 2004 par List Of Takers, en fait un live en home studio enregistré en octobre 2003 et exhumé par le label polonais Vivo records. Avant Stealth, Mick Harris avait déclaré qu’on ne l’y reprendrait plus et que l’aventure Scorn était bel et bien terminée… Chose qu’il a réaffirmé après l’album Refuse; Start Fire (2010) et le EP Yozza (2011), tout deux publiés par Ohm Resistance, deux disques laissant un goût amer aux fans parce que faisant partie de ses plus belles réussites... quel gâchis. Il s’était alors murmuré que Mick Harris s’était débarrassé de tout son matériel et était définitivement reparti à la pêche (son grand plaisir parait-il – oui, personne n’est parfait).
Pourtant en 2015 Mick Harris a réapparu sous le nom de Fret avec un premier maxi ; puis en 2017 et toujours sous le même nom avec un album de techno minimale intitulé Over Depth, suivi d’autres enregistrements dont un maxi sans titre au printemps 2019 sur le label L.i.e.s. Bien que fort différent musicalement, Fret n’est pas si éloigné que cela de Scorn : même sens de la noirceur, même insistance rythmique, même sensations claustrophobes… pourtant on est quand même loin de l’excellence de Scorn, l’abstract techno de Fret privilégiant logiquement les empilements rythmiques concassés mais manquant singulièrement de finesse pour rendre assimilable tout ce fourbi trop mécanique, même par le plus persévérant et le plus dévoué des amateurs éclairés.
Non, là où Mick Harris a toujours excellé c’est dans la lenteur, la lourdeur et la surenchère des basses comme – ô joie, ô bonheur – il le prouvera à nouveau avec Scorn et avec Feather, publié en juin 2019 (chez Ohm Resistance). Soyons clairs : Feather n’était qu’un échauffement. Pas le meilleur enregistrement de Scorn mais malgré tout une bonne nouvelle... car a rapidement suivi Café Mor***, premier album depuis près de dix années avec lequel Mick Harris a souhaité renouer avec son public mais aussi avec le meilleur de sa musique. D’emblée l’ambiance générale est y encore plus sombre, plus froide, plus oppressante et plus inquiétante que jamais. Sur Café Mor Mick Harris retrouve le côté impitoyablement industriel de Scorn tout en accentuant encore plus son côté dub (Mugwump Tea Room, absolument colossal). Il n’y a pas une seule composition en dessous des autres sur cet album, aucun moment où on serait tenté de se dire qu’il y a un peu de remplissage, que le cauchemar n’en est pas vraiment un. Seul répit très relatif, Talkwiff avec en guest star Jason Williamson de Sleaford Mods qui assure le minimum syndical à la voix. Un titre qui prépare le terrain pour un SA70 dantesque, féroce et insidieux à souhait.
Non, là où Mick Harris a toujours excellé c’est dans la lenteur, la lourdeur et la surenchère des basses comme – ô joie, ô bonheur – il le prouvera à nouveau avec Scorn et avec Feather, publié en juin 2019 (chez Ohm Resistance). Soyons clairs : Feather n’était qu’un échauffement. Pas le meilleur enregistrement de Scorn mais malgré tout une bonne nouvelle... car a rapidement suivi Café Mor***, premier album depuis près de dix années avec lequel Mick Harris a souhaité renouer avec son public mais aussi avec le meilleur de sa musique. D’emblée l’ambiance générale est y encore plus sombre, plus froide, plus oppressante et plus inquiétante que jamais. Sur Café Mor Mick Harris retrouve le côté impitoyablement industriel de Scorn tout en accentuant encore plus son côté dub (Mugwump Tea Room, absolument colossal). Il n’y a pas une seule composition en dessous des autres sur cet album, aucun moment où on serait tenté de se dire qu’il y a un peu de remplissage, que le cauchemar n’en est pas vraiment un. Seul répit très relatif, Talkwiff avec en guest star Jason Williamson de Sleaford Mods qui assure le minimum syndical à la voix. Un titre qui prépare le terrain pour un SA70 dantesque, féroce et insidieux à souhait.
Ce qui frappe le plus avec Café Mor, c’est l’exacerbation du paradoxe incarné depuis ses tout débuts – et quels que soient ses groupes – par Mick Harris. Sa musique est une violence faite au monde et une violence faite à lui-même. C’est aussi une musique qui se nourrit de la violence de ce même monde. Autrement dit, et notamment avec Scorn, Mick Harris transforme et retourne l’absurdité autodestructrice d’un monde à la dérive. Nous avons donc affaire à un homme d’une sensibilité et d’une fragilité extrêmes, qui n’a trouvé comme seule solution à l’impasse existentielle que celle d’une riposte savamment nihiliste et désordonnée, derrière une grande rigueur formelle. Cela lui fait du bien, comme cela lui fait du mal, sans cesse sur le fil du rasoir, sans cesse en plein doute et en plein questionnement. Si avec Café Mor la musique de Scorn est plus que jamais éprouvante, elle est également plus que jamais libératrice. Et c’est ce qui compte le plus.
[Café Mor est publié en version double vinyle ou en vesion CD digipak par le label Ohm Resistance mais les deux sont semble-t-il complètement épuisées à ce jour… en attendant une éventuelle réédition]
* qui après moult péripéties musicales et extramusicales s’est trouvé dans le fantastique Rainbow Grave un vrai bon groupe à sa mesure
** le très métallique Vae Solis en 1992, le transitoire et passionnant Colossus en 1993 et le précurseur Evanescence en 1994, auquel on peut rajouter Ellipsis, l’album de remix d’Evanescence paru l’année d’après
*** il semblerait que Café Mor soit le nom d’un restaurant au bord de la mer au pays de Galles et que ce serait en sortant de ce restaurant que la photo de Mick Harris a été prise par sa propre femme, Helen