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lundi 6 avril 2020

Faux Départ / Vie Ordinaire


Bon, je vais dire toute la vérité et rien que la vérité : j’ai d’abord acheté ce disque pour sa pochette. Instinctivement, comme lorsque j’étais gamin et que j’hésitais longuement devant les bacs de vinyles parce que je n’avais assez d’argent que pour acheter un seul disque. Et je me rappelle que c’était aussi stupide que rigolo et, finalement, excitant : OK, celui-ci est sorti sur un label que je connais un peu, enfin je crois… sur les notes de la pochette de celui-là les remerciements mentionnent un autre groupe que j’aime bien… ah ! j’ai déjà entendu parler du studio et du type qui a enregistré ce disque… et puis aussi : les mecs ont l’air trop cools sur la photo du verso… ou alors, lorsque l’indécision était à son comble : cette pochette est terrible, il faut absolument que j’achète ce disque. Fin de l’argumentaire. 




Evidemment que je mens. C’est juste que je ne savais pas trop comment commencer cette chronique mais que je voulais absolument parler de cet artwork, justement un collage/bidouillage d’images qui il y a de nombreuses années m’aurait immédiatement incité à acheter à l’aveugle (si je puis dire) ou à voler sans scrupules Vie Ordinaire, deuxième album de
Faux Départ. Maintenant je suis beaucoup plus vieux, beaucoup plus prudent et les internets ont fait le reste, permettant d’écouter à la louche, pour le pire* comme pour le meilleur, toute la musique que l’on veut. Du coup les fantasmes sur les pochettes de disques sont devenus plus ou moins anachroniques ou réservés aux fétichistes. Alors disons simplement que je viens de me faire mon petit plaisir rétro-nostalgique du soir.
Les Faux Départ savent où ils vont, eux. Dès l’effréné Merci Pour Vos Services le trio éclate allégrement les limites d’un punk rock basiquement agressif et droit au but tout en ne s’embarrassant jamais de décorations superflues et en continuant de faire aveuglement confiance à la sainte troïka guitare/basse/batterie. Le trio pratique l’aiguisé, l’incisif et le rapide et outre l’énergie déployée à grands renforts de rythmiques débridées, le côté mélodique est une autre constante obsessionnelle chez Faux Départ avec des lignes de chant qui ne sont pas simplement braillées et toujours un peu étrangement – mais instantanément – convaincantes, sans oublier, ça et là, des chœurs particulièrement bien posés (comme sur le formidable Fantôme ou sur le tube Vie Ordinaire, seul titre un peu lent de l’album).
Toujours dans le registre de l’étrangeté certains sons de guitare stridulent et vrillent méchamment, ricochets millimétrés à la surface d’une surface trop lisse et qu’il faut absolument défoncer, avec hargne et précision (le final de Cœur d’Acier). Une précision qui n’est pas sans me faire penser aux décharges d’adrénaline d’un Uranium Club qui aurait suffisamment fait preuve de lucidité pour se contenter de sa petite recette miracle et s’en tenir à ses deux premiers albums avant d’avoir la bonne idée de splitter. La comparaison est peut-être osée et la barre placée très haut mais écoute un peu
Le Casse ou l’introduction de Désertion pour t’en convaincre. Les neuf compositions de Vie Ordinaire défilent alors à toute allure et en à peine vingt minutes, oui c’est court mais c’est largement suffisant ou plutôt c’est assez pour être convaincu par la rage et l’implication bondissantes des trois Faux DépartVie Ordinaire déborde littéralement de qualités et devient rapidement addictif – sans oublier les textes à la fois aussi déterminés, acharnés, signifiants ou subtils que la musique. Que dire de plus ?

[Vie Ordinaire est publié en vinyle par Colilla discos, Destructure, Echo Canyon Records, Les Chœurs de l’Ennui, Mutant records et Tocsin]

* le pire : inutile de prendre le risque d’engraisser Rob Stringer, Leonard Blavatnik, la famille Bolloré, Jeff Bezos ou les héritiers de Steve Jobs