Il y a plusieurs façons d’aborder ce disque. Commençons par celles qui ne font pas trop plaisir. Phantom Limb est le résultat de l’exhumation de vieilles bandes enregistrées par 16 - 17 aux alentours de l’année 1995. Jusque là il n’y a rien à redire, l’existence de ces bandes était connue depuis longtemps, bien que l’on pouvait légitimement penser qu’une sortie posthume était des plus fantasmagoriques. Je ne veux pas non plus polémiquer sur le line-up que l’on retrouve sur ces enregistrements et dont le seul membre d’origine est le grand chef Alex Buess qui joue du saxophone, de la clarinette basse et pratique également la bidouille électronique. Et puis les « nouveaux venus » ne sont pas des manchots non plus, je pense tout particulièrement au batteur suisse Michael Wertmüller qui depuis quelques années déjà défrayait la chronique avec son groupe principal, Alboth !. Mais il faut également citer le guitariste Roger Gral (à la base il est ingénieur du son et a notamment travaillé sur l’album Cold Blood de Ice) ainsi que le bassiste Damian Bennett qui lui a joué ou joue encore dans plein de groupes que je ne connais pas et dont je n’avais encore jamais entendu parler.
Non le plus gênant est que cet album n’en est pas réellement un. Phantom Limb ne comporte que sept titres et ne dure que… 32 (trente deux) minutes. Et alors ? Alors… venant de la part d’un groupe qui alors qu’il était encore en activité nous avait habitués à de longues coulées de lave musicale entre free noise et assauts dub indus – la réécoute de Gyatso permet de s’en rendre parfaitement compte – cela fait un peu court. La meilleure façon d’aborder Phantom Limb consiste donc à ne pas faire cette erreur que j’ai malheureusement commise et ne surtout pas s’attendre à quelque chose de similaire à Gyatso, à mon sens l’un des disques européens les plus estimables des années 90, aux côtés de ceux de Terminal Cheesecake, God et Ice (c’est dingue comme le monde est petit, non ?). Tant pis pour les fantasmes, place à la musique.
D’autant plus que les bandes originelles de Phantom Limb n’ont pas seulement été remises à plat, remixées et réassemblées par Alex Buess au cours de l’année 2018 : des voix ont également été ajoutées, et pas n’importe lesquelles. Incontournable chanteur d’Oxbow et multi fornicateur au sein de tellement de collaborations aussi riches que variées Eugene Robinson se taille la part du lion et ce dès les premières secondes de The Hate Remains The Same, tonitruant titre d’ouverture qui annonce la couleur d’un album plus free et plus noise – finalement pas très éloignés des tout premiers enregistrements de 16 - 17. De Kasia Meow je ne connaissais jusqu’ici que sa participation à l’album The Easy Way Out de Buñuel (avec ce même Robinson, justement, small world…) et sur Phantom Limb on ne peut l’entendre que sur un Words Of Warming excité à l’excès et tendu comme pas deux. Mis à part Interruptus sur la face A et Asia’s Lullaby en face B Phantom Limb est un album très bavard, comprenant énormément de chant, un chant invasif et omniprésent, mais c’est comme d’habitude avec Eugene robinson, pourrait-on dire.
Une fois que l’on s’est fait – encore une fois – à cette idée, tout va beaucoup mieux. On peut gouter pleinement à la folie d’un Bender sur lequel le chanteur golgoth fait des merveilles et attire toutes les attentions, d’abord sur une première partie épileptique et chaotique puis sur une partie intermédiaire presque dubisante. Evidemment on peut alors avoir le sentiment d’écouter un disque d’Eugene & Guest plutôt qu’un disque de 16 - 17 featuring Robinson mais un titre tel que Bender permet au chanteur de se remettre à la lumière – là je parle pour les déçu.e.s de l’album Thin Black Duke d’Oxbow, déçu.e.s dont je fais partie. Heureusement que la production de l’album sauve la mise au projet, notamment sur Crash où non seulement la voix est complètement trafiquée mais en plus un peu dans le fond d’un mix ultra touffu et protubérant d’où s’échappent gémissements de guitare, roulades de batterie et (grosses) ronronnades de basse. Le cas de Subliminal Song est lui plus mitigé… disons qu’on a surtout le sentiment d’un morceau rafistolé à partir de plusieurs bribes qui n’avaient pas forcément à voir les unes avec les autres et qui se termine un peu en queue de poisson.
Une fois que l’on s’est fait – encore une fois – à cette idée, tout va beaucoup mieux. On peut gouter pleinement à la folie d’un Bender sur lequel le chanteur golgoth fait des merveilles et attire toutes les attentions, d’abord sur une première partie épileptique et chaotique puis sur une partie intermédiaire presque dubisante. Evidemment on peut alors avoir le sentiment d’écouter un disque d’Eugene & Guest plutôt qu’un disque de 16 - 17 featuring Robinson mais un titre tel que Bender permet au chanteur de se remettre à la lumière – là je parle pour les déçu.e.s de l’album Thin Black Duke d’Oxbow, déçu.e.s dont je fais partie. Heureusement que la production de l’album sauve la mise au projet, notamment sur Crash où non seulement la voix est complètement trafiquée mais en plus un peu dans le fond d’un mix ultra touffu et protubérant d’où s’échappent gémissements de guitare, roulades de batterie et (grosses) ronronnades de basse. Le cas de Subliminal Song est lui plus mitigé… disons qu’on a surtout le sentiment d’un morceau rafistolé à partir de plusieurs bribes qui n’avaient pas forcément à voir les unes avec les autres et qui se termine un peu en queue de poisson.
Sans être un grand disque Phantom Limb n’en reste pas moins la tentative de résurrection plutôt réussie d’un enregistrement que l’on sent encore et toujours inachevé, les différents ajouts et arrangements post mortem n’enlevant rien à son coté bancal. Ou peut être bien que ce sont eux qui précisément rajoutent de l’instabilité à l’ensemble… va savoir… c’est pour cette raison, ce petit doute permanent, que je voudrais bien qu’un jour les versions instrumentales et primitives des sept « compositions » de Phantom Limb soient à leur tour dévoilées.