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mercredi 26 janvier 2022

Gnod : La Mort Du Sens






Impossible de se frayer facilement un chemin au milieu de la discographie pléthorique de
GNOD, un groupe ou plutôt un collectif à géométrie très variable originaire de la banlieue de Manchester et qui depuis plus de quinze ans multiplie les enregistrements sans aucune logique apparente, si ce n’est la sienne. Des albums studio à la pelle, des collaborations (notamment en compagnie des new-yorkais de White Hills – que j’adore – et avec lesquels Gnod partage plus d’un point commun), des splits en veux-tu en voilà, des captations live, etc… je ne connais pas et je n’ai jamais entendu la moindre note des trois-quarts de tout ce que le groupe a publié depuis 2007. Par contre à chaque fois que j’ai eu la chance d’écouter un disque de Gnod j’en suis instantanément tombé amoureux.
Musicalement, c’est à peu près le même bordel. Avec toutefois une seule et même constante : la volonté de semer le chaos et de déstabiliser. Entre psychédélisme explosif, drone malfaisant, expérimentations diverses, noise fracassée et parfois même freeture malsaine, s’y retrouver devient toujours plus compliqué mais on peut se fier aux disques publiés par Rocket recording : Ingnodwetrust (2011), Infinity Machines (2014) ou la géniale compilation Chaudelande regroupant des enregistrements de 2011 et 2012 me semblent représenter le versant le plus expérimental, psychédélique et hallucinatoire de la musique de Gnod. Les albums Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine (2017 et meilleur titre de disque du 21ème siècle, définitivement) et, dans une
moindre mesure, Chapel Perilous (2018) sont plus axés guitares pyromanes dissonantes et rythmiques écrasantes. Quant à Mirror (2016) et sa superbe pochette aux reflets déformants, il s’agit d’un album qui fait le lien entre les obsessions kraut-magmatiques, pilonnage indus et déchirances maladives chères du groupe. C’est même mon album préféré de Gnod.
Faisant suite à Easy To Build - Hard To Destroy, un
double LP compilatoire très instructif paru au Printemps 2021 regroupant raretés en tous genres et permettant de constater que la musique de Gnod est aussi dangereusement diversifiée que son line-up est totalement fluctuant, le collectif a publié La Mort Du Sens en fin d’année dernière. Un nouvel album des Anglais c’est toujours un événement en soi et celui-ci ne déroge pas à la règle. Assez proche de Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine – OK : j’aime tellement ce titre et je suis tellement d’accord avec que je ne peux pas m’empêcher de le réécrire en entier – La Mort Du Sens se hisse rapidement au sommet d’une discographie qui ne manque pas d’enregistrements incontournables et essentiels. Un de plus me diras-tu, oui, peut-être, mais je persiste à penser qu’être aussi prolifique sans perdre en qualité est un phénomène suffisamment rare pour être signalé.
Cinq titres seulement composent La Mort Du Sens mais chez Gnod on aime bien s’étaler et faire durer le plaisir. Ainsi la musique emprunte des chemins étonnants et accidentés, à la fois puissants et aériens. C’est très frappant dès Regimental qui culmine du côté des hautes sphères gazeuses tout en se montrant impitoyable et oppressant. Que l’on écoute le disque à un volume raisonnable ou bien très fort (ce qui est plus que vivement conseillé) le résultat sera le même : Gnod se révèle plus que jamais comme l’un des groupes les plus passionnants du moment lorsqu’il met la pédale douce sur côté le plus expérimental de sa musique et respecte un peu plus les formats traditionnels, ahem.
Un peu plus loin et malgré la légèreté de ses quelques premières secondes, The Whip And The Tongue dévoile une ligne de basse reptilienne qui fera immanquablement penser à celles des ancêtres et vénérés God tandis que l’intervention d’un saxophone renforce encore plus une filiation qui finit par prendre tout son sens (sic) sur Giro Day et ses douze minutes en forme de chef-d’œuvre. De longues minutes électrisées à la sauce psycho-noise et dont l’intro laisse entrevoir des relents de Terminal Cheesecake (d’autres ancêtres, tout aussi vénérés) période King Of All Spaceheads. Le disque négocie alors un dernier virage complètement irréel et hypnotique, l’emprise de Gnod devient inévitable et, surtout, totale. Giro Day aurait pu durer deux fois plus de temps ou même s’étaler sur les quatre faces d’un double album conceptuel, le résultat serait le même, celui d’une profonde addiction.

[
La Mort Du Sens est publié en vinyle et CD par Rocket recordings – comme très souvent avec ce label la présentation du disque est magnifiquement soignée : vinyle de couleur, pochette découpée, etc.]