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lundi 11 octobre 2021

The Grasshopper Lies Heavy : A Cult That Worships A God Of Death

 

L’un des groupes parmi les plus indéfinissables du moment s’appelle THE GRASSHOPPER LIES HEAVY et il nous vient du Texas. On avait connu le trio de San Antonio adepte de post rock, de post hardcore instrumental, d’ambient-drone, de pipo-bimbo, de noise-rock et, plus récemment encore, il s’était acoquiné avec la chanteuse de Capra pour nous torcher une reprise assez hallucinante de Jesus Lizard. Oui, rien que ça : il faut déjà avoir un certain courage pour s’attaquer à un tel monstre du noise-rock made in Chicago mais il faut surtout un sacré culot pour carrément oser reprendre Mouth Breather, l’un des chefs-d’œuvre absolu de la bande à David Yow et Duane Denison. Autrement dit The Grasshopper Lies Heavy est non seulement insaisissable mais en plus le trio a vraiment peur de rien. Pas très étonnant qu’il ait choisi un nom de groupe faisant explicitement référence à l’écrivain Philip K. Kick, le maitre paranoïaque des faux-semblants, des chausse-trappes et du vertige existentiel.
A Cult That Worships A God Of Death est le premier véritable album de The Grasshopper Lies Heavy depuis bien longtemps, ce qui ne signifie pas que James Woodard (guitare, chant et synthétiseur), Mario Trejo (basse) et Steven Barrera (batterie) se fassent rares – au contraire ils ont multiplié EP, 12’, cassettes et autres splits au cours des dix dernières années. Il s’agit également du disque le plus « classique » du groupe, c’est-à-dire que ce n’est ni un enregistrement en forme de collaboration ni un enregistrement ouvertement expérimental. Question brutalité et intensité électrique A Cult That Worships A God Of Death se pose carrément là, développant, du moins dans un premier temps, le côté le plus noise-rock et le plus post hardcore d’une musique toujours aussi riche en rebondissements.







Techniquement l’album se divise en deux parties distinctes : si on excepte son intro instrumentale et sournoise (Untitled) la première ne comporte que des compositions avec du chant – un bon gros chant de barbare sans pitié et qui fait peur. Ce chant, pas très fin tu l’auras bien compris, ne remplit pas tout l’espace disponible et laisse beaucoup de place à des passages instrumentaux surchargés en tension dramaturgique et débouchant sur des climax abrupts ou savamment frustrants (Charging Bull). La seconde partie d’A Cult That Worships A God Of Death est elle purement instrumentale et, outre le morceau-titre assez génial, ne comporte que deux autres compositions. The Grasshopper Lies Heavy y laisse libre cours à son imagination dévastatrice et – même si on n’était jusqu’ici pas très familier avec le musique du groupe – on reconnaitra le penchant très narratif et cinématographique du trio, ce côté volontiers imagé que l’on avait déjà bien perçu sur la première partie du disque. Si par contre on avait déjà eu vent des débordements en tous genres de The Grasshopper Lies Heavy (sur le split 12’ avec Gay Witch Abortion par exemple), on ne sera peut-être pas surpris par ces trois instrumentaux mais on sera une nouvelle fois estomaqué par la puissance imaginative et libératrice développée par la musique du trio, une puissance qui prend ici toute sa folle démesure (et à ce niveau là A Cult That Worships A God Of Death, Bullet Curtain et
サウンドチェック me semblent être sans égal au sein d’une discographie pourtant déjà très riche).
Les trois musiciens ne sauraient donc se contenter de n’être qu’une formation parmi tant d’autres de noise-rock saturé de gras et de distorsion et adepte de l’urgence – après tout, le Texas a toujours été une pépinière en la matière –  car on sent bien que les élucubrations presque progressives de leurs compositions instrumentales (ou des passages instrumentaux de leurs compositions chantées) constituent leur principale et profonde motivation. Toute l’intelligence musicale de The Grasshopper Lies Heavy réside dans un appétit vorace et une insatiabilité finalement bien maitrisés où raison et déraison s’interpénètrent sans que l’on puisse tout à fait les départager – et cela aussi me fait penser à du Philip K. Dick.

[A Cult That Worships A God Of Death n’est pour l’instant disponible qu’en CD – ainsi qu’en format numérique pour les personnes non fétichistes – mais il devrait un jour bénéficier d’une édition vinyle grâce au valeureux label Learning Curve records dont on est très content ici qu’il reprenne enfin du poil de la bête]