Avec toute cette invasion
actuelle de post punk britannique plus ou moins revivaliste on en oublierait presque que
l’Angleterre est une vraie terre de contrastes (non, ceci n’est pas un slogan touristique et publicitaire). Et surtout, au Nord, une
terre de désolation économique et sociale : la haine de la machine et de
l’oppression industrielle et politique est un phénomène forgé de ce côté-là,
celui des hauts fourneaux et des usines sidérurgiques depuis longtemps fermées. Il
s’agit donc aussi d’un endroit où sont nés quelques uns des groupes parmi les
plus extrêmes et les plus impressionnants de l’histoire musicale. Mais aussi parmi
les plus revendicatifs.
Je parle de metal mais surtout de ce qu’il a engendré de plus acharné, de plus
dense et de plus dangereux en s’hybridant mutuellement avec le punk et le
crust. Au delà de la belle vitrine historique représentée par Napalm Death – ma
foi encore plutôt convaincant après toutes ces années d’activité – il existe
quantité de groupes parfaitement dingues et particulièrement jouissifs. Je me
rappelle par exemple de Horsebastard, un groupe de grind originaire de
Liverpool, complètement ahurissant de folie furieuse et découvert dans une cave
lyonnaise lors d’un concert subtilement organisé par les Dirty Seven Conspiracy.
Ce sont à peu près les mêmes gens que l’on retrouve derrière
Dirty Seven Conspiracy et le label / distro Lixiviat records (en tous les cas ils
ont le même attaché de presse, un petit gars au sourire particulièrement
convaincant). Un label qui a publié il y a seulement quelques semaines de cela Intermittent Damnation, le deuxième LP
d’ONA SNOP, une formation qui nous vient toujours du Nord de
l’Angleterre mais cette fois-ci de Leeds et que les spécialistes qualifieront
aisément de powerviolence ou de fastcore rotant du grind à l’occasion. OK…
si tu veux. Mais moi, tu le sais sûrement déjà, je m’en fous toujours un peu des étiquettes
et des nuances subtilement adéquates qu’elles sont censées apporter à ce
qu’elles prétendent décrire, même si je dois encore une fois avouer qu’il
s’agit d’un positionnement purement idéologique et plutôt confortable puisque en
définitive je n’y connais pas grand-chose dans toutes ces musiques de
crusty-barbares. Mais passons, je ne vais pas non plus encore répéter les mêmes
considérations totalement inintéressantes dès que ça cause de crust-truc ou de
grind-machin.
Ce que je retiens principalement des formidables et des
plus que géniaux Ona Snop et d’Intermittent Damnation ce sont dix-sept compositions de
malades, ultra rapides, ultra concises, ultra structurées et débordant de
breaks spectaculaires tombant toujours au bon moment. Dix-sept titres en à peu
près vingt minutes et gorgés de riffs d’une clarté merveilleusement
machiavélique, souvent pas très éloignés de ce thrash si cher à mon cœur de
vieil adolescent. Un découpage dans le vif et sans bavures tellement saignant
et tellement jubilatoire qu'il me donnerait presque envie de demander un couteau à viande électrique pour mon prochain anniversaire (rassure-toi c’est dans longtemps et d’ici là j’ai le temps de changer d’avis).
Intermittent Damnation n’est pas
autre chose qu’une grosse bombe offensive de hardcore caparaçonné et densifié, entre excès de vitesse quasi permanent et grosse pression hydraulique
à tous les niveaux. Autrement dit cela reste rugueux et très punk dans l’esprit
tout en conservant toute la rectitude millimétrée et toute l’efficacité
offensive du metal. Avec un surplus de grosse déconnade derrière tout ça (encore
un des effets secondaires du thrash ?), impression que ne démentiront ni
la pochette très fluo-flash ni le livret d’une vingtaine de pages qui
accompagne le disque. Evidemment si le dernier album en date de Mr Bungle est pour
toi l’incontournable sommet de l’extrémisme musical actuel et si ton rêve le
plus cher est de pouvoir enfin assister à un concert de ce groupe de rentiers estivaux
lors de la prochaine édition du Hell Fest en 2024, tu peux tout de suite oublier
Ona Snop : l’écoute d’Intermittent Damnation risquerait de te
faire tellement souffrir que tu ne comprendrais même pas pourquoi.