You
Better Watch Out ! You Better Watch Out !
Lance la chanteuse de BLÓM dès la première
minute d’Audrey, titre d’ouverture de
Flower Violence. Le ton est résolument
donné. La pochette du disque est rose (le disque vinyle également),
l’illustration du recto allie une fleur, un couteau brandi par une main dont
les ombres pourraient furieusement faire penser à du sang – le groupe joue
autant avec les clichés qu’il les détourne sans hésiter. Comme pour ce
titre : Flower Violence, oxymore
tellement simpliste qui fera sourire de façon condescendante celles et ceux qui
ne veulent rien entendre et qui ne veulent pas comprendre.
Blóm est un trio de Newcastle / nord de l’Angleterre et composé
de filles uniquement : Hells au chant, Erika à la basse* et Liz à la
batterie. Un groupe queer, militant, dont deux membres sur trois se sont
auparavant faits connaitre au sein de Tough Tits, formation toute aussi
queer et militante que ravageuse. Je vais schématiser un peu, beaucoup :
enlève le synthétiseur et la guitare de Tough Tits, rajoute une bonne grosse
basse sursaturée, gorgée de fuzz et branchée sur une tonne d’amplis et tu
obtiendras Blóm, trio punk doom
noise jouant une musique finalement dégraissée jusqu’à l’os et au rachitisme paradoxalement
envahissant et baveux. Après une paire de cassettes parues chez Hominid Sounds Flower Violence est donc le tout premier
album de Blóm. Un disque très court
dépassant à peine les vingt-cinq minutes mais un disque joyeusement bordélique,
qui dit énormément de choses, avec un humour acide des plus réjouissants.
La basse assure donc toutes les parties mélodiques
(ahem), dispense du riff improbable, distille du larsen, peut éventuellement se
faire un peu plus lisible (mais toujours bizarrement) et est la principale
responsable de cette lourdeur déglinguée mais toujours dédramatisée et donc
subversive de la musique de Blóm. J’y
vois comme un moyen et non une fin, l’important ici ce n’est pas de jouer le
plus lourd possible pour faire étalage de je ne sais quel mérite – ça c’est
plutôt un truc de garçons – mais pour faire de la place et pour se faire entendre,
évidemment. De la place pour un chant très présent tout au long du disque, confère
les paroles très fournies des chansons imprimées sur l’insert, de vrais
romans, et qui n’arrête pas, littéralement. Un chant aigu, très punk lui aussi,
qui balance et hurle ces mots pressés et pressants sur les sujets qui importent
pour les trois filles de Blóm,
sujets qu’elles ont elles-mêmes énumérés : le genre, être queer, le
féminisme, la problématique chrétienne et même Crime Et Châtiment auquel est consacré le très long Übermensch, le titre le plus doom de
l’album.
Flower
Violence possède un côté rafraichissant non pas parce qu’il
est simplement divertissant – loin de moi cette idée très limitative – mais
parce qu’il donne à entendre quelque chose qui semblera neuf aux oreilles trop
habituées aux discours et aux attitudes masculines dans les musiques
électriques. Pourtant cela n’a rien de nouveau, sans doute pourrait-on remonter
jusqu’aux Slits et faire un détour du côté de God Is My Copilot pour en trouver
des traces et mais depuis tout ce temps rien n’a réellement changé ou plutôt
les choses changent tellement lentement. Dans un genre musical différent Blóm me fait penser aux parisiennes de
Catisfaction. Mais surtout je trouve énormément de correspondances entre Blóm et les américaines de Ragana :
la parole appartient à celles qui la prennent, la musique également.
[Flower Violence est publié en vinyle par Box records]
*elle fait également partie des très intrigants Shrimp / 海老