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samedi 20 juin 2020

Blóm / Flower Violence





You Better Watch Out ! You Better Watch Out ! Lance la chanteuse de BLÓM dès la première minute d’Audrey, titre d’ouverture de Flower Violence. Le ton est résolument donné. La pochette du disque est rose (le disque vinyle également), l’illustration du recto allie une fleur, un couteau brandi par une main dont les ombres pourraient furieusement faire penser à du sang – le groupe joue autant avec les clichés qu’il les détourne sans hésiter. Comme pour ce titre : Flower Violence, oxymore tellement simpliste qui fera sourire de façon condescendante celles et ceux qui ne veulent rien entendre et qui ne veulent pas comprendre.
Blóm
est un trio de Newcastle / nord de l’Angleterre et composé de filles uniquement : Hells au chant, Erika à la basse* et Liz à la batterie. Un groupe queer, militant, dont deux membres sur trois se sont auparavant faits connaitre au sein de Tough Tits, formation toute aussi queer et militante que ravageuse. Je vais schématiser un peu, beaucoup : enlève le synthétiseur et la guitare de Tough Tits, rajoute une bonne grosse basse sursaturée, gorgée de fuzz et branchée sur une tonne d’amplis et tu obtiendras Blóm, trio punk doom noise jouant une musique finalement dégraissée jusqu’à l’os et au rachitisme paradoxalement envahissant et baveux. Après une paire de cassettes parues chez Hominid Sounds Flower Violence est donc le tout premier album de Blóm. Un disque très court dépassant à peine les vingt-cinq minutes mais un disque joyeusement bordélique, qui dit énormément de choses, avec un humour acide des plus réjouissants.
La basse assure donc toutes les parties mélodiques (ahem), dispense du riff improbable, distille du larsen, peut éventuellement se faire un peu plus lisible (mais toujours bizarrement) et est la principale responsable de cette lourdeur déglinguée mais toujours dédramatisée et donc subversive de la musique de Blóm. J’y vois comme un moyen et non une fin, l’important ici ce n’est pas de jouer le plus lourd possible pour faire étalage de je ne sais quel mérite – ça c’est plutôt un truc de garçons – mais pour faire de la place et pour se faire entendre, évidemment. De la place pour un chant très présent tout au long du disque, confère les paroles très fournies des chansons imprimées sur l’insert, de vrais romans, et qui n’arrête pas, littéralement. Un chant aigu, très punk lui aussi, qui balance et hurle ces mots pressés et pressants sur les sujets qui importent pour les trois filles de Blóm, sujets qu’elles ont elles-mêmes énumérés : le genre, être queer, le féminisme, la problématique chrétienne et même Crime Et Châtiment auquel est consacré le très long Übermensch, le titre le plus doom de l’album.

Flower Violence
possède un côté rafraichissant non pas parce qu’il est simplement divertissant – loin de moi cette idée très limitative – mais parce qu’il donne à entendre quelque chose qui semblera neuf aux oreilles trop habituées aux discours et aux attitudes masculines dans les musiques électriques. Pourtant cela n’a rien de nouveau, sans doute pourrait-on remonter jusqu’aux Slits et faire un détour du côté de God Is My Copilot pour en trouver des traces et mais depuis tout ce temps rien n’a réellement changé ou plutôt les choses changent tellement lentement. Dans un genre musical différent Blóm me fait penser aux parisiennes de Catisfaction. Mais surtout je trouve énormément de correspondances entre Blóm et les américaines de Ragana : la parole appartient à celles qui la prennent, la musique également.

[Flower Violence est publié en vinyle par Box records]

*elle fait également partie des très intrigants Shrimp / 海老