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lundi 18 mai 2020

The Glad Husbands / Safe Places


Ce monde est définitivement merveilleux et cette vie est plus que jamais pleine de surprises. Et puis, c’est vrai, je suis tellement content d’être moi. Non, je plaisante bien sûr. Sauf pour les surprises : des fois il y en a des bonnes qui débarquent sans prévenir et c’est le cas de Safe Places (un titre vaguement prémonitoire) de THE GLAD HUSBANDS, un groupe dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis beaucoup trop longtemps. Pourtant certains se rappelleront peut-être non sans une petite pointe d’émotion de ce trio italien originaire de Bene Vagienna* qui en 2012  nous avait déjà vigoureusement secoué le cocotier grâce à God Bless The Stormy Weather, un premier album tout chaud bouillant de noise-rock énervé comme un taureau chicagoan et tendu comme une fin de mois difficile.
2012… cela semble si loin : qu’a-t-il bien pu se passer entretemps ? A part un changement de batteur – le « nouveau » s’appelle Stefano Ghigliano et il développe un jeu absolument terrible – je n’en sais rien. Mais ce que je sais, du moins ce que je pense pouvoir affirmer, c’est que si l’appellation d’origine contrôlée noise rock a encore un sens en ce bas monde ravagé par la stupidité progressive, l’ignorance des valeurs sûres et l’inanité des colporteurs de noise tropicale c’est grâce à des groupes comme The Glad Husbands, des groupes venus de nulle part et qui ne la ramènent pas alors qu’ils seraient carrément en droit de le faire.




Cependant, dans sa courte présentation, The Glad Husbands préfère se définir plutôt comme un power trio de post hardcore et parler de « rational music played with punk attitude ». Je ne vais pas contredire ces trois garçons et en fait je crois que je vois exactement où ils veulent en venir : la musique du groupe est massive, acérée et complexe donc, oui, elle possède quelque chose de hardcore. Mais c’est un quelque chose qui tient plutôt du hardcore moderne, celui qui n’hésite pas à dresser des pics millimétrés et à envoyer des salves brûlantes tout en gardant à l’esprit la nécessité d’atteindre son but (ça, c’est pour le côté « rational music »). Et enfin The Glad Husbands reste avant tout un concentré d’énergie folle, une boule de feu, une répétition d’explosions toutes plus virulentes les une que les autres – et ça c’est donc pour le « punk attitude ». Ces gars savent pertinemment ce qu’ils font… et à chaque fois que j’écoute la longue introduction de Where Do Flies Go When They Die ? ou le bien nommé Like Animals qui clôt magistralement Safe Places mon poil se hérisse et je choppe invariablement la chair de poule, comme un vrai gosse toujours aussi impressionnable.
Toute proportion gardée The Glad Husbands lorgne souvent du côté d’un Dazzling Killmen mais sans le côté obsessionnel et torturé (voire malsain) des américains. Car à la différence des tueurs étincelants, les maris heureux ne sont pas réfractaires à un peu de fanfreluches et leur coquetterie naturelle se manifeste par un recours récurrent aux mélodies qui accrochent le fond du cœur et du slip. Dans ces moment là le chant s’adoucit, les guitares au son tellement sec et aux riffs tellement tranchants soulignent plus qu’elles ne pilonnent tandis que la batterie reste toujours à l’affut, prête à relancer la machine l’instant d’après. Efficacité : je n’aime toujours pas ce (très) gros mot mais c’est ici le résultat obtenu et tout l’intérêt des nombreuses coupures mélodiques que le groupe inclut ça et là dans sa musique, donnant un tout autre relief et une toute autre signification à sa violence hardcore noise. Bien que des fois The Glad Husbands joue dangereusement avec le feu, comme lorsque la voix se retrouve trafiquée par quelques effets proches de l’acidulé (Midas). Mais le groupe retombe systématiquement sur ses pattes ou plutôt il rebondit aussitôt, sortant à nouveau ses griffes et repartant de plus belle. Et puis on s’habitue très vite à ces quelques décorations en stuc pour finalement toutes les trouver de bon goût : si ça ce n’est pas de la magie, je ne sais pas ce que c’est. Un vrai bon disque et une belle réussite, en tous les cas.

[Safe Places est publié en vinyle et en CD par Antena Krzyku,  Entes Anomicos, Longrail records, Scatti Vorticosi, Tadca records, Vollmer Industries et Whosbrain qui avait déjà sorti God Bless The Stormy Weather en 2012… la version numérique de Safe Places est elle disponible via Atypeek Music]

* et voilà mon vieux démon géographique qui me reprend soudainement : Bene Vagienna est une petite ville du Piémont, entre Turin et Gênes, pour faire vite