Il ne sera jamais trop tard pour parler
de cet album publié en juin 2017. Même si les lectrices et les lecteurs des
gros mastodontes de la presse musicale auront sûrement déjà entendu causer de Raymonde Howard et de son album S.W.E.A.T. depuis
longtemps,
tout comme celles et ceux qui parcourent sites et blogs musicaux à longueur de
journées ennuyeuses ou d’insomnies nocturnes. Il n’empêche que plus de dix mois
après sa parution, ce disque très court – onze chansons peut-être mais le
vinyle n’est gravé d’un sillon que sur une seule face – me fait toujours autant
d’effet. Et maintenant que la frénésie due à l’attrait de la nouveauté est
retombée, que tout le monde est passé à autre chose (mais quoi ?), que les
disques se sont empilés sous une couche de poussière persistante, que les mp3 accumulés
pendant 2017 pourrissent au fond du disque dur d’un ordinateur en surchauffe,
je me sens plus incapable que jamais de parler d’un album à la fraicheur
particulièrement libre et indocile.
Les contraintes que s’impose Laetitia
(le véritable nom de la personne qui chante, joue et compose sous celui de
Raymonde Howard) constituent également sa liberté : une voix mais aussi
des voix – à l’aide d’un looper –, une guitare, souvent des guitares – toujours
le looper – et une boite-à-rythmes squelettique. Raymonde est toute seule et
elle a besoin de personne ; on peut très bien l’imaginer composer dans son
coin, souriant parfois d’une belle trouvaille, se disant que le jeu de mot qu’elle
vient tout juste d’inventer pour sa nouvelle chanson risque d’en faire rire
plus d’une et plus d’un (comment en effet résister à Penekini Kill, Ebony
Submarine, Terrortits ou à Punktuality ?) mais oui, le plus
important c’est qu’elle fait tout ça toute seule et qu’elle ne lâche que ce qu’elle veut bien lâcher. C’est-à-dire pas
beaucoup en apparence mais en fait énormément.
Son précédent disque s’intitulait Le Lit. Il s’agissait de la bande originale
d’un court métrage
de Raphaëlle Bruyas. Toutes proportions gardées Le Lit est de loin ce que Raymonde Howard a enregistré de plus
sophistiqué – ahem – avec la présence d’un batteur et de musiciens additionnels,
notamment une section de cordes. S.W.E.A.T.
revient à plus de minimalisme avec seulement un tout petit peu de violoncelle
sur deux titres. Et toujours ce jeu de voix, de guitares rachitiques et de
boucles. Enfant du rock indé et des années 90 – une époque ou l’indie signifiait
réellement quelque chose pour de vrai –, Raymonde Howard a tout de la
magicienne éclairée. Mais j’ai un peu peur de la froisser en utilisant des
termes aussi connotés et donc réducteurs qui résument assez mal la capacité
qu’elle a à faire osciller et imposer son chant entre retenue et ferveur et
celle qu’elle a de manipuler ses guitares avec un naturel à la fois aérien et
ascétique.
Et puis il y a les textes. Les avoir
faits imprimer sur la pochette intérieure de S.W.E.A.T. ne relève pas de l’anecdote, c’est même tout le contraire.
Mis à part le très sexuel et facétieux Punktuality
écrit en français, toutes les paroles des chansons sont en anglais, la seule et
unique langue du rock et de la pop, et sont à la fois affirmatives et
intimes. Avoir peur de rien ni de personne, sauf de ne plus se poser de
questions et de se taire. J’écouterai encore ce disque intelligent et sensible dans
un an.