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mardi 6 avril 2021

Saffron Eyes / Pursue A Less Miserable Life

 

Ce disque est un petit bijou. Que dis-je : c’est un véritable joyau et je l’adore ! Et… et encore une fois je viens de me griller tout seul comme un grand. Simplement en écrivant tout de suite deux phrases que j’aurais été bien mieux inspiré de mettre en conclusion de cette chronique. Tant pis… Mais si tu as préféré économiser une ou deux minutes de ton précieux temps au lieu de corrompre ton esprit sain et ton cœur pur dans les gouffres sans fond des internets, alors je peux aussi espérer que tu es directement allé écouter Pursue A Less Miserable Life*. Et espérer que tu as ainsi évité, au moins pour aujourd’hui, le désœuvrement numérique. Est-ce que ta vie en sera un peu moins misérable ? Je n’en sais rien. Mais la mienne, oui... Enfin, disons qu’elle s’éclaire différemment dès que j’écoute ce disque. Et que si je me mets à sourire tout seul c’est uniquement sous l’effet du charme aussi puissant que raffiné d’une telle musique.

 






Mais autant recommencer depuis le tout début : SAFFRON EYES est un très chouette groupe de Saint Etienne. Et au départ le projet du guitariste Cyril Braga que l’on avait pu entendre il y a quelques années dans Le Parti, un autre groupe stéphanois où il occupait le poste de bassiste. Pour Saffron Eyes il a été rejoint par Cédric Ampilhac à la batterie et Thomas Walgraffe à la basse. Et surtout par Laetitia Fournier au chant, plus connue sous le nom de Raymonde Howard**. Cela pourrait sembler peu charitable et en fait plutôt injuste pour ses petits camarades mais lorsque une musicienne et une chanteuse de la trempe de Laetitia pointe le bout de son nez, tu diminues d’autant tes chances de tomber dans l’insipide et la banalité.

Ce qui n’enlève rien aux trois autres car Saffron Eyes est avant tout un groupe. Un vrai beau groupe. Et sa musique est un ravissement indie pop à l’énergie un peu punk sur les bords. Seulement un peu parce que sinon ce serait trop restrictif et donc presque faux… il est à la fois facile et difficile de parler correctement des sept compositions de Pursue A Less Miserable Life. Les influences sont manifestes et (je le pense) parfaitement voulues. Il y a un côté aérien et élégant ici – on pense aux Feelies, ce genre de friandises aristocratiques new-yorkaises post Velvet du début des années 80 – et une belle aptitude à produire de la limaille finement électrique et de la délicatesse aigue (la guitare est un enchantement à elle toute seule). Et sans tomber dans le côté chiatique de la bigoterie pop ni dans la froideur isolationniste du post-punk. Sans perdre de vue que l’efficacité dans ce cas précis peut aussi être une excellente chose (écoute un peu ce couple basse / batterie). Et toujours avec un bon sens de l’énergie, une énergie bien dosée et réellement solide.

D’un autre côté l’effet de séduction de la musique de Saffron Eyes, s’il est tout à fait perceptible, reste difficilement définissable – et comme je n’en suis plus à une banalité près : qu’elle soit indéfinissable ajoute encore plus à cette séduction. Il y a réellement quelque chose d’inexplicable, quelque chose peut-être bien d’uniquement quantifiable grâce au plaisir et à la clarté subtilement joyeuse – j’ai failli écrire optimiste – que procure Pursue A Less Miserable Life. Un disque sans le moindre faux-pas ni la moindre faute de goût, une trop courte collection de virevoltes élastiques, insolites, tubesques et racées***. Si la classe et l’élégance d’une musique se mesurent aussi en fonction de la dose d’humilité que l’on y a insufflée alors Saffron Eyes fait partie des champions toutes catégories. De la noblesse mais sans prétention ni orgueil mal placé. Beaucoup de générosité mais sans faire de bruit.

 

* publié en vinyle par We Are Unique ! records

** Raymonde Howard dont il semble bien qu’elle est enfin en train de donner une suite à S.W.E.A.T. (sic)

*** comme par exemple Sunset People tout récemment et non sans humour mis en vidéo par Eric Segelle et Claude Crépet et avec des dessins de Halfbob