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jeudi 31 janvier 2019

Facs / Negative Houses






Il ne me semble pas nécessaire d’être un fanatique absolu de Disappears pour apprécier FACS à sa juste valeur. Je m’explique : dans les premiers on retrouve le guitariste/chanteur Brian Case (ex 90 Day Men* mais également auteur de brillants albums en solo **) ainsi que le guitariste Jonathan Van Herik, le bassiste Damon Carruesco et le batteur Noah Leger*** ; enlevez Carruesco parti pour d’autres horizons professionnels et vous obtenez Facs. Il ne s’agit pas du même groupe changeant simplement de nom par respect envers un ex membre puisque il semblerait que Disappears soit en fait en hiatus pour une période indéterminée c’est à dire qu’il serait toujours possible qu’un jour le groupe de Chicago refasse surface ; en attendant Facs est donc bien un projet tout nouveau visant à explorer d’autres chemins, en tous les cas visant à explorer différemment les chemins d’un post punk aussi sombre que sobre et, élément nouveau, aussi minimaliste qu’accidentogène.

Évidemment les amateurs de Disappears n’ont pas été déçus par Facs étant donné qu’il y a d’indéniables similitudes entre les deux groupes. Mais on trouve aussi quelques différences notables. La première d’entre elles concerne Brian Case qui est le bassiste du nouveau trio et non pas son guitariste. C’est du moins le cas sur Negative Houses, le premier album de Facs, les parties de guitares y étant assurées par le seul Jonathan Van Herik. Un changement qui peut en partie expliquer pourquoi le trio s’applique davantage à jouer une musique aérienne et mouvante, sorte de rock noisy et planant qui opère en empilements irréguliers de surcouches brumeuses se chevauchant élégamment. Les lignes de basse prennent une place particulière, loin de se cantonner dans un rôle rythmique (le très anxiogène Just A Mirror), rappelant que le nom complet de cet instrument est « guitare basse » et qu’en tant que tel il s’agit bien d’une guitare égrenant notes angoissées ou tentatives mélodiques avortées. Un instrument qui occupe donc une place centrale (on n’en attendait pas moins de Brian Case), jouant le rôle de pivot et contaminant tout le reste, à commencer par la guitare qui agit par à-coups, privilégiant les arrière-plans bruitistes aux ritournelles mémorisables (comme le final industriel et éprouvant de All Futures). Ce qui confère souvent à Negative Houses un côté décousu rendant le post-punk de Facs complètement atypique parmi tous les groupes revivalistes actuels qui trop souvent ne retiennent que le côté « punk » de la chose.
Exit Like You tempère néanmoins ce qui vient d’être dit : il s’agit de l’un des titres parmi les plus classiques de l’album, celui où la basse est une vraie basse et où la guitare balance un gimmick dont on attend sans cesse qu’il revienne, transformant Exit Like You en hit crépusculaire et en machine à danser façon robot immobile. Silencing est encore plus évident et complètement tubesque, replongeant l’auditeur dans les méandres de la musique des années 80 sans toutefois le côté complaisant de la noirceur trop facilement partagée. Quant à Skylarking, voilà une composition qui fait le lien entre le côté mélodique/mémorisable de Facs et l’aspect plus expérimental/perturbateur de la musique du groupe. Définitivement à part, Houses Breathing accueille le saxophone de Nick Mazzarella qui livre une performance magnifique et qui prend beaucoup de place, éloignant Facs de son minimalisme théorique et ouvrant la voie à une luxuriance inquiétante – même si musicalement les deux groupes sont éloignés l’analogie avec les anglais de Bauhaus s’impose puisque rares sont les groupes rock ou électriques à avoir su gérer les instruments à anches sans tomber dans le kitsch de la décoration d’intérieur pour cavernes et vieux hangars hantés.

Depuis l’enregistrement et la parution de Negative Houses de nombreux changements ont encore eu lieu du côté de la petite bande de Brian Case : Jonathan Van Herik a quitté Facs et son poste de guitariste a alors été repris par Case tandis que celui de bassiste dorénavant vacant est revenu à la nouvelle venue Aliana Kalaba. Par conséquent il y a de bonnes chances pour que Negative Houses soit le seul unique album de groupe à posséder ce nuancier si particulier et ce type de compositions subtilement perturbées. Et puis, par truchement, le départ de Jonathan Van Herik de Facs entérine indirectement et un peu plus la cryogénisation prolongée de Disappears. Nous verrons bien… en tous les cas, fin définitive ou simple pause, cela a permis à Facs d’émerger et de donner à en entendre ce plus qu’intrigant Negative Houses et c’est déjà beaucoup.

[Negative Houses est publié en vinyle doré ou noir par  Trouble In Mind records]

* dont seul le premier album (Is (is) It) Critical Band est aujourd’hui encore recommandable et écoutable, To Everybody étant tout juste sauvable et Panda Park méritant purement et simplement le lance-flammes
** ceux-ci sont notamment publiés par l’excellent label Hands In The Dark : Spirit Design ou plus récemment Plays Paradise Artificial
*** à l’origine c’est Steve Shelley de Sonic Youth qui tenait la batterie dans Disappears, ce qui a sans doute boosté le début de la carrière du groupe mais n’a heureusement pas duré trop longtemps, permettant à Desappears de se faire un nom grâce à sa seule musique