Au printemps 2017 le label parisien
Music Fear Satan publiait un split single doté de la pochette la plus drôle du moment avec d’un côté Jessica93
et de l’autre Bras Mort. Les deux
titres de ce 7’ restent encore inédits à ce jour : en face A Jessica93 –
qui alors peaufinait Guilty Species, son troisième album
publié un peu plus tard dans la même année – s’essayait aux paroles en français
avec un Artiste Inconnu des plus
convaincants (j’allais ajouter : comme d’habitude) ; puis en face B
on pouvait découvrir un groupe originaire du Grand Est. Et là c’était le
choc, la simple présence de Bras Mort
transformant ce split de prime abord plutôt charmant et sympathique en joyau obscur :
le titre proposé par le groupe s’intitule World
Demise et ce n’est pas une reprise d’Obituary mais un truc lent et visqueux,
serpentement malsain et noirâtre lorgnant du côté d’un post punk étouffant et
insalubre, crade et froid.
On retrouve dans Bras Mort quatre musiciens qui auparavant ont joué dans énormément
de (très) bons groupes, certains plus ou moins affiliés à La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est… Allez hop une petite énumération
par ordre alphabétique, parce que j’aime ça : 14:13, 1400 Points De
Suture, A.H. Kraken, Austrasian Goat, Death To Pigs, Dust Breeders, Funk
Police, Le Chômage, Malaïse, Meny Hellkin, Noir Boy Georges, Plasbobeton,
Scorpion Violente, Shall Not Kill, Strong As Ten, The Dreams, etc. Évidemment
il y en a un parmi ces quatre là qui triche un peu et qui à lui tout seul a
joué dans la moitié des groupes mentionnés ci-dessus mais il faut malgré tout
avouer que cette liste donne le vertige. En tous les cas moi elle m’excite.
Heureusement il n’aura fallu qu’une
année d’attente pour pouvoir écouter le tout premier album de BRAS MORT. Give Her This, she Takes That a été publié par Les Disques De La Face Cachée, au départ un magasin
de vinyles de Metz et dont les tauliers devaient trouver qu’il n’y aura jamais
assez de disques édités et diffusés en ce bas monde – ce en quoi je suis
parfaitement d’accord. Question détails techniques, il suffira de savoir que Give Her This, she Takes That a été
enregistré en deux jours à peine et que cela devait bien être suffisant pour
capturer tout l’esprit malfaisant d’une musique plus reptilienne et plus sombre
que jamais mais beaucoup moins sujette aux effondrements 80’s que pouvait le
laissait présager World Demise.
Pour Give Her This, she Takes That BRAS MORT semble avoir empilé et laisser fermenter toute la cradeur et toute la violence sourde dont le groupe est capable. Les choses sérieuses débutent dès le vénéneux True Love (dont le nom en « love » a comme par magie échappé à l’inspiration et à la sagacité ironique des Swans) qui évoque les Brainbombs, Drunk With Guns ou Flipper et pour une entrée en matière il s’agit surtout d’une entrée par la grande porte. Bras Mort n’est cependant pas un groupe de copieurs stériles et avec Lovekills (encore un titre digne de Michael Gira) accélère le rythme et s’adonne aux joies d’un post punk désossé et répétitif, le plan final sombrant dans l’hypnose d’un kraut nauséeux. Sorry est plus léger, du moins en apparence : passé son côté sautillard cette bourrasque affûtée monte en pression, jouant la contradiction entre guitares répétitives et ligne de chant mélodique tandis que la basse unifie le tout en ondulant dans la plus pure tradition stoogienne. En toute fin de face A Skull fait figure de hit single classé tout en haut du Top 50 de la roublardise : She Said Destroy nous dit-on (Michael Gira cédant provisoirement la place à Douglas Pierce) mais en fait on découvre là un nouvel aspect de la musique de Bras Mort, un côté nonchalant et irrésistiblement dansant en forme d’apothéose ralentie et couronnée par un solo de guitare psyché-noise qui vrille les oreilles, rappelant certains exploits opiacés et soniques de Spacemen 3 ou de Loop.
La deuxième face est tout aussi variée, surprenante et envoutante que la première. Is Your Body Politic ? n’est pas totalement inoubliable mais reste très acceptable (si je puis dire) et dès Molemen (dont une version primitive avait été enregistrée pour la première démo du groupe en 2016), l’opposition je te séduis d’un côté tandis que je te poignarde de l’autre reprend du service, Bras Mort maitrisant plus que jamais l’entêtement enfiévré et poussant le vice de l’épaississement au moment du refrain. Le groupe maitrise parfaitement l’alternance entre psalmodie punk et ascension dans le néant et tout est là, dans cet esprit de lenteur incendiaire imperturbable, méchant et menaçant comme un vieux couteau de cuisine rouillé. Et puis vient Through The Wood, pour le coup la composition du disque qui musicalement se rapproche le plus d’une sorte de tribalisme 80’s corrodé à l’acidité no wave. Treize minutes de roulements, treize minutes d’un chant à la morsure plaintive, treize minutes de refus sardonique et d’amour corrompu et déglingué, treize minutes de guitares brûlantes et vrillantes puis un locked groove douloureux pour rester pétrifié dans le coma.
Pour Give Her This, she Takes That BRAS MORT semble avoir empilé et laisser fermenter toute la cradeur et toute la violence sourde dont le groupe est capable. Les choses sérieuses débutent dès le vénéneux True Love (dont le nom en « love » a comme par magie échappé à l’inspiration et à la sagacité ironique des Swans) qui évoque les Brainbombs, Drunk With Guns ou Flipper et pour une entrée en matière il s’agit surtout d’une entrée par la grande porte. Bras Mort n’est cependant pas un groupe de copieurs stériles et avec Lovekills (encore un titre digne de Michael Gira) accélère le rythme et s’adonne aux joies d’un post punk désossé et répétitif, le plan final sombrant dans l’hypnose d’un kraut nauséeux. Sorry est plus léger, du moins en apparence : passé son côté sautillard cette bourrasque affûtée monte en pression, jouant la contradiction entre guitares répétitives et ligne de chant mélodique tandis que la basse unifie le tout en ondulant dans la plus pure tradition stoogienne. En toute fin de face A Skull fait figure de hit single classé tout en haut du Top 50 de la roublardise : She Said Destroy nous dit-on (Michael Gira cédant provisoirement la place à Douglas Pierce) mais en fait on découvre là un nouvel aspect de la musique de Bras Mort, un côté nonchalant et irrésistiblement dansant en forme d’apothéose ralentie et couronnée par un solo de guitare psyché-noise qui vrille les oreilles, rappelant certains exploits opiacés et soniques de Spacemen 3 ou de Loop.
La deuxième face est tout aussi variée, surprenante et envoutante que la première. Is Your Body Politic ? n’est pas totalement inoubliable mais reste très acceptable (si je puis dire) et dès Molemen (dont une version primitive avait été enregistrée pour la première démo du groupe en 2016), l’opposition je te séduis d’un côté tandis que je te poignarde de l’autre reprend du service, Bras Mort maitrisant plus que jamais l’entêtement enfiévré et poussant le vice de l’épaississement au moment du refrain. Le groupe maitrise parfaitement l’alternance entre psalmodie punk et ascension dans le néant et tout est là, dans cet esprit de lenteur incendiaire imperturbable, méchant et menaçant comme un vieux couteau de cuisine rouillé. Et puis vient Through The Wood, pour le coup la composition du disque qui musicalement se rapproche le plus d’une sorte de tribalisme 80’s corrodé à l’acidité no wave. Treize minutes de roulements, treize minutes d’un chant à la morsure plaintive, treize minutes de refus sardonique et d’amour corrompu et déglingué, treize minutes de guitares brûlantes et vrillantes puis un locked groove douloureux pour rester pétrifié dans le coma.
En résonnance avec son artwork magnifique
– et un rien buñuelien – Give Her This,
she Takes That est sublimement viral et source de souffrance… un peu comme
l’amour, non ? Je ne sais pas si cet album aura un jour une suite
tellement il est chargé d’absolu négatif et je ne sais pas non plus si j’aurai
un jour la chance d’assister à un concert de Bras Mort ; mais par contre il est certain que Give Her This, she Takes That est l’un
de mes disques préférés de l’année 2018. Malgré tout.