Cette année étant en passe de se
terminer, ce ne sont pas les Top 10, les best of et autres rétrospectives
musicales qui vont manquer. Cette façon d’archiver aussi vite et sans trop de
recul quelque chose qui au contraire ne demanderait que de continuer à vivre et
nécessite de s’épanouir en nous révèle comme quand même un côté curieusement téméraire,
non ?
Moi je ne suis qu’un pleutre : cette gazette ne fournira donc pas à ses quatre ou cinq lectrices et lecteurs quotidiens de liste(s) des meilleurs disques de l’année écoulée, pas d’enterrement de première classe ni de bouquets de fleurs, de couronnes de lauriers, de médailles en chocolat ou d’avis de décès définitifs.
Moi je ne suis qu’un pleutre : cette gazette ne fournira donc pas à ses quatre ou cinq lectrices et lecteurs quotidiens de liste(s) des meilleurs disques de l’année écoulée, pas d’enterrement de première classe ni de bouquets de fleurs, de couronnes de lauriers, de médailles en chocolat ou d’avis de décès définitifs.
Par contre il s’agira encore et toujours
de parler de disques et de groupes, selon les envies, l’intérêt, l’exaltation mais
aussi le temps, les moyens et toutes ses choses difficilement (et même
inutilement) maîtrisables. Le tout avec du retard, des erreurs et des
approximations. Parfois également grâce à quelques pots de vins et quelques
illuminations fulgurantes teintées de cette mauvaise foi qui parait nécessaire dès
qu’il s’agit d’avoir raison contre le monde entier.
Et comme le plus important restera
toujours l’esprit de contradiction, parlons aujourd’hui d’un groupe dont le
deuxième album peut largement rivaliser avec celui de Sinking Suns pour
l’obtention de la première place du grand concours 2018 du meilleur disque
de noise-rock de l’année écoulée. Qu’est-ce que j’ai pu écrire
à propos de Bad Vibes ?
Qu’il s’agit sûrement de l’un de mes disques préférés de l’année option
noise-rock rétrograde et nostalgie rance ? Oui… mais il y en a tellement
d’autres.
TILE
vient d’Allentown (tu sauras désormais que cette charmante bourgade est en Pennsylvanie,
aux États-Unis) et je ne pourrais pas parler de ce groupe sans évoquer auparavant
le label qui le suit depuis (presque) ses débuts. Limited Appeal se partage entre Boston et Los Angeles (pif paf !
plus 10 points de vie au grand jeu de la géographie américaine) et surtout il
s’agit d’un label qui la plupart du temps** fabrique lui-même ses
éditions : pochettes en forme de collages, sérigraphies, tampons encreurs, disques
numérotés à la main… son catalogue est on ne peut plus diversifié, allant
d’Anal Cunt à Chris Brokow en passant par Kilslug, Sex Church, Black Helicopter
et Dan Melchior. Ainsi depuis 2008 Limited Appeal a participé à la publication
de deux singles de Tile ainsi qu’à
celles d’un mini LP et de You Had A Friend
In Pennsylvania, le premier album du groupe. C’est précisément avec ce
disque de 2013 que j’ai découvert ces jeunes gens et depuis je rêve qu’une âme
charitable casse sa tirelire ou revende quelques subprimes pour financer une
compilation avec les quatre singles et les trois cassettes que Tile a publiés à ses débuts.
Un changement de batteur* et cinq années
plus tard Tile est de retour avec un
deuxième album intitulé Come On Home, Stranger.
Le trio – parce que, oui, encore une fois, Tile
est un trio – est très respectueux des lois du genre tout en y apportant ses
nuances à lui. Ce qui intéresse principalement ces trois petits gars ce n’est
pas de torcher de belles mélodies pour mieux nous botter les fesses (ou
l’inverse) mais d’appuyer toujours plus son propos, de l’alourdir, d’y mettre
ce qu’il faut de gras mais pas de trop, Tile n’étant pas un groupe de barbaqueurs au bord de l’embolie
artérielle. Il y a de l’élégance et du racé dans toute cette fureur musicale laborieuse
– « laborieuse » dans le sens d’effort artisanal – et ce même si la guitare joue plutôt dans les
graves pour un groupe de noise-rock.
Sans non plus changer le monde
Tile fait souffler un vent de vivacité
revigorante dans le foisonnement musical
actuel dominé par le démonstratif et le festif (ce n’est parce que la fin de l’humanité
est sur le point d’arriver qu’il faudrait faire n’importe quoi, hein). Au contraire les
compositions du groupe tournent autour d’assez peu d’idées, un ou deux riffs
répétés avec un entêtement monolithique et une violence sourde sur une
rythmique irréductible et indéboulonnable. Le trio se moque du consensus mou et
du monde extérieur, Tile ressemblant
plus à un groupe de dudes qui à coté d’une vie familiale et professionnelle
sans débordements se réunit deux fois par semaine pour faire de la musique dans
une cave ou un garage : ça les défoule. Ça les défoule mais ce n’est pourtant pas la grande braderie de l’étalage – Tile
défonce tout, parfois même sournoisement (Flammable
Human) mais toujours avec une précision et une rigueur impeccable.
Les titres que je préfère sont ceux – et
ils sont nombreux, c’est même un peu la marque de fabrique du groupe – où le
guitariste Michael Morekin et le bassiste Ray Gurz alternent au chant. L’un
comme l’autre braillent comme des patates germées mais ils le font très bien et
surtout cela fonctionne en bonne complémentarité. Mais Tile est encore un de ces groupes du coin de la rue qui ne joue et
ne tourne pas beaucoup, qui sort rarement de sa ville… encore un groupe que j’aimerais tellement
voir en concert, dans un bistrot pourri juste en bas de chez moi. Ce qui n’arrivera
jamais. Tant pis***.
* le batteur en question s’appelle Mickael Dumoff – si mes informations sont exactes l'ancien (Tim Wynarczuk) aurait également joué avec Pissed
Jeans ; en tous les cas il est l’auteur de la photo ornant la pochette de Come On Home, Stranger tout comme il
l’était de celle de You Had A Friend In
Pennsylvania
** ce qui n’est pas le cas du Come On Home, Stranger, malgré tout doté d’un tirage de tête en vinyle jaune canari
*** cette chronique de disque comporte trois paragraphes et 868 mots : seulement 404 parlent réellement de Tile et de son deuxième album