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jeudi 9 août 2018

Baptists / Beacon Of Faith


Mais qu’est ce qui peut bien différencier BAPTISTS de n’importe quel autre groupe de d-beat / punk hardcore ? Ils sont beaucoup plus beaux que tous les autres ? Plus intelligents que la moyenne ? Plus sexy que les frondeurs Gasmask Terrör ? Ils ne boivent que de la bière artisanale fermentée à lécorce d'arbres morts ? Ils ne posent pas sur les photos en prenant des allures de touffe guys ? Ils n’ont pas les cheveux longs ? Ils ne portent pas de chemises à carreaux pour bien faire comprendre qu’ils sont canadiens ? Ils arrivent à publier des albums qui dépassent la demi-heure d’agression sonore ? Presque. Il semblerait que Baptists soit un énième groupe lambda dans le genre, du moins c’est ce que j’entends (et lis) beaucoup trop souvent au sujet de ces jeunes gens originaires de Vancouver signés par Southern Lord et dont le troisième album intitulé Beacon Of Faith a été publié au mois de mai 2018. Et quel album !

Je reconnais que Bushcraft, le premier LP de Baptists sorti en 2013, a laissé de marbre la plupart des touristes de retour du HellFest ou de Disneyland. Et pourtant ce disque possède des qualités indéniables : solide, virulent, hargneux, sale, avec un riffing finalement assez peu orthodoxe (cette guitare sonne quand même étrangement vitriolée et c’est particulièrement flagrant sur les compositions les plus lentes), une section rythmique implacable (avec à la batterie l’extra-terrestre Nick Yacyshyn, oui celui qui joue également dans Sumac) ainsi qu’un brailleur à la voix bien rauque et écorchée et dont je suis persuadé qu’en concert il assure comme un chef dans son rôle de tête de gondole. Autant de qualités encore plus évidentes sur Bloodmines, le deuxième album du groupe (2014) : Baptists devient quasiment insurpassable sur The Calling qui jusqu'ici pouvait assurément passer pour l’une des meilleures compositions du groupe et surtout un modèle de tension abrupte digne d’un groupe de noise-rock.




J’arriverai même à pardonner l’autocollant apposé sur la pochette de protection du disque et qui indique presque inexorablement que Bloodmines – c’était pareil avec Bushcraft – a été enregistré par Kurt Ballou #gnagnagna. Par contre le concept redondant de ces visuels de pochettes assez étranges et même franchement arty pour un groupe de d-beat, aussi tordu soit-il, me séduit totalement. Concept repris pour le troisième album de Baptists, Beacon Of Faith, et qu’il aura fallu attendre presque quatre années. Est-ce à dire que rien n’a changé depuis tout ce temps ? Le groupe (et le label) semble nous dire que non avec un nouveau sticker « informatif » que l’on pourrait traduire par quelque chose comme : troisième tentative d’enregistrer un premier album. Au moins personne ne pourra affirmer que les quatre Baptists ne possèdent pas un certain sens de l’humour ni de l’auto-dérision.

Et ce sera toujours mieux et surtout beaucoup plus drôle que la fausse modestie d’un groupe qui étale sa fierté de l’acte accompli. La fierté c’est de la roupie de sansonnet, tout comme sa cousine l’arrogance, chose dont Baptists ne semble pas trop faire preuve et c’est tant mieux. Avec Beacon Of Faith, toujours enregistré par Ballou, le groupe s’est contenté avec sa musique – et c’est déjà beaucoup – de reprendre les choses là où elles en étaient pour la rendre encore plus malade, sombre, ardente, sauvage, frénétique et torrentielle. Les morceaux et les passages lents sont toujours plus torturés et plus intenses (et parfois même teintés d’une étonnante pointe de lyrisme enragé comme pour le final du formidable Carbide) tandis que les titres rapides et linéaires ont gagné en épaisseur et en densité, limitant tous risques de dérapages incontrôlés jusqu’au fin fond des fossés de la redondance (et de la lassitude).

J’irais même jusqu’à affirmer que Baptists et Beacon Of Faith redonneraient presque confiance en sieur Kurt Ballou qui depuis vingt années maintenant (et oui… les studios GodCity ont été fondés en 1998) a largement contribué à l’émergence et au développement du hardcore moderne avant de l’enfermer dans des tics et des clichés de production et de le scléroser complètement. Encore une fois je ne peux pas m’empêcher de penser que ce qui fait toute la différence, ce qui explique pourquoi un groupe arrive à résister plus ou moins valeureusement à l’essorage Ballou, repose sur sa petite part d’originalité bien à lui. Celle de Baptists tient à peu de chose – le hardcore d-beat est stylistiquement défini et (dé)limité depuis très, très longtemps – mais elle est manifeste et surtout elle ne peut que me plaire, résidant dans le côté retors et presque pervers d’une musique qui derrière le prétexte de filer droit et d’exploser rapidement tel un vulgaire shrapnel nous éclabousse d’autant de noirceur. Surtout que Beacon Of Faith comporte beaucoup plus de ralentissements opportuns et de nuances inquiétantes que les deux albums précédents du groupe, se payant même le luxe de s’achever sur un instrumental tendance post hardcore sauce gadoue existentielle.