Demain vendredi 31 aout paraitra
officiellement le cinquième album de THOU.
J’écris « officiellement » parce que l’intégralité de Magus traine déjà depuis plusieurs
semaines dans les labyrinthes d’internet et qu’il n’y a pas besoin d’avoir son
diplôme en piratage informatique pour réussir à mettre la main dessus. Si je
faisais ouvertement l’apologie du vol numérique et du téléchargement illégal je
me ferais assurément taper sur les doigts (aïe !) mais il y a tout de même
deux ou trois choses qu’il me semble nécessaire de rappeler : le piratage
ne tue pas la musique, il tue uniquement le business musical, celui des majors (et
de certains labels déguisés en labels indépendants) pour qui un musicien n’est
qu’un produit et le fan une vache à lait ; les voleurs ce sont les (grosses)
maisons de disques, pas les kids qui préfèrent en toute logique acheter des
bombecs ou tout autre drogue plutôt que des mp3 qualitativement limités ; les
petits labels et les groupes indépendants/DIY ont plus de dignité et plus de
respect pour la musique et, même si leurs productions sont elles aussi
piratées, continuent et réussissent à faire vivre ce en quoi ils croient plus
que tout, tout simplement en appliquant un modèle économique viable pour tous.
Ainsi il n’est pas rare que ces mêmes
labels et groupes donnent eux-mêmes leur musique gratuitement parce ce que non
seulement il s’agit du meilleur moyen pour la diffuser et qu’en plus, tout
compte fait, ils atteignent des personnes qui achèteront encore et toujours des
disques. Thou est de ces groupes là
puisque il propose via sa page bandcamp l’intégralité de ses trois EPs pré-Magus en téléchargement libre : pour
cela il suffit de cliquer sur « acheter l’album numérique » et de renseigner un prix égal à 0 (oui : zéro).
Les autres disques de Thou, sauf
ceux en collaboration avec The Body, sont également en libre accès :
internet peut encore être cet espace de liberté et confiance réciproque.
The
House Primordial est le premier des trois EPs publiés
par Thou avant le nouvel album du
groupe. Si je n’en parle qu’en dernier, après Inconsolable
et Rhea Sylvia,
c’est uniquement parce que The House
Primordial est stylistiquement le plus proche de la musique de Thou. Mais les compositions de The House Primordial sont elles aussi
bonnes et indispensables que les principaux enregistrements du groupe ?
Moi je dis oui.
Enfin presque. Déjà certaines
compositions n’en sont pas, servant d’introduction à celles qui suivent juste
après (par exemple au début du disque Wisdom
annonce Premonition) ou servant de
lien entre deux autres. En fait la moitié des titres de The House Primordial sont des
instrumentaux plus ou moins bruitistes, plus ou moins atmosphériques, paysages
de larsens de guitares, magmas sonores d’où on s’attend à voir émerger la bête
immonde. Les « vraies » compositions étant plutôt courtes pour du Thou – c’est-à-dire entre trois et
quatre minutes pour la plupart – The House
Primordial aurait pu ressembler à une simple collection de vignettes
apocalyptiques : Diaphonous Shift
est tellement noyé sous un déluge de saturation liant chant, guitares et
batterie en un gros bordel terroriste et innommable qu’il en devient tout aussi
latent que The Sword Without A Hilt
qui lui sert de rampe d’accès vers le néant ; de son côté Psychic Dominance se termine beaucoup
trop tôt et de façon tellement abrupte qu’il fait naitre beaucoup de
frustration, d’autant plus que dans les faits il s’agit là de l’un des
meilleurs passages de The House
Primordial ; idem pour Malignant
Horror ainsi que pour Occulting Light
qui est pourtant le seul titre du EP à frôler les six minutes.
The
House Primordial peut être écouté d’une seule traite, en
considérant qu’il ne s’agit que d’un seul et même morceau divisé en
sous-parties : Malignant Horror
n’est jamais qu’une version poussée dans ses derniers retranchements de Premonition. Autrement dit The House Primordial possède son propre
cheminement, possède (peut-être, seul
le groupe pourrait réellement nous l’affirmer) un sens et en tous les cas il
révèle une logique certaine, celle de la noirceur insondable. C’est ce qui fait
sa force car Thou y insuffle un
esprit encore plus sombre et torturé qu’à l’accoutumée, The House Primordial pouvant en outre être considéré comme l’un des
enregistrements les plus lents, les plus lourds, les plus poisseux, les plus
boueux, les plus malsains et les plus désespérés du groupe.