Nan mais Arnaud
qu’est ce que tu es beau ! Lorsque j’écoute ton nouveau disque et qu’en
même temps je contemple sa (magnifique) pochette, je me prends d’un élan de
tendresse quasiment incontrôlable pour toi. Je regarde tes yeux clairs à
l’éclat débordant de générosité et je t’imagine sur une scène de concert, uniquement
vêtu d’un slip poisseux, le torse velu et transpirant, la casquette de travers,
dégoulinant, rotant un trop-plein de bière, éructant tes chansons métalliques dégueulasses
propulsées à la double pédale et au violoncelle criard dans un grand
jaillissement de postillons purificateurs. J’ai envie de te serrer dans mes
bras et je t’aime. Enfin, j’aime No Snare
No Headache. Et je découvre qu’il ne s’agit que de ton second LP, le
premier datant de 2013… Mais, dis-moi, qu’est ce que tu as foutu pendant tout
ce temps ?
J’en vois certaines et certains qui rigolent derrière leur ordinateur ou leur
téléphone. Qui pensent que Mr MARCAILLE n’est au mieux qu’un freak
et un amuseur public (certes extrêmement doué). Un truc que l’on programme en
début de soirée d’un concert de grind ou de thrashcore pour faire monter la
sauce et chauffer les esprits pendant l’apéro ou que l’on relègue en dernier, au
petit jour, une fois que tout le monde est complètement bourré et défoncé. Je
ne suis pas meilleur que les autres : je n’ai pas écouté très souvent Kill ! Kill !Kill !, un peu trop certain de savoir ce que j’allais y
trouver et toujours bloqué sur les concerts mémorables du monsieur – voir
descriptif ci-dessus – et dont je pensais qu’ils seraient toujours suffisants
pour me contenter pleinement. J’ai, par pure paresse, eu tendance à considérer
que Mr Marcaille n’était qu’une
grosse blague… mais en fait pas du tout. Enfin presque.
No Snare No Headache ne comporte
qu’un seul (petit) mensonge : celui de son titre. Ce n’est pas parce qu’il
n’y a pas de caisse claire sur un enregistrement qu’on ne va pas se choper un
mal de crâne à force de l’écouter en boucle. Par contre il n’y aucun risque de grosse
prise de tête avec un disque qui respire autant l’intelligence du grand
n’importe quoi à bordel. Et l’amour de la musique, aussi : quelque part
entre le hardcore et surtout le thrash et avec quelques incursions réussies
dans le doom. Le tout, donc, à l’aide de deux caisses médiums (?) actionnées
par un double pédalier, d’un violoncelle au son particulièrement distordu et d’un
chant vociférateur de golem chiasseux. Du metal mais du metal bien oxydé et
bien sale, sans aucune trace de rutilance chromée.
Moi qui ai beaucoup écouté ce genre de trucs (le thrash de Slayer et consorts)
depuis ma tendre adolescence et qui en écoute encore, je suis ébloui par No Snare No Headache, un disque qui –
n’ayons pas peur des mots – confine au génie et le fait mine de rien, sous des
airs de blagues cradingues et de réjouissances métallurgiques. Comment ne pas
triquer à l’écoute du très explicite Fuck Off And Die ? Comment ne
pas invoquer les forces du mal sur Pro
Satan ? Ne pas triper sur Infine ?
Ne pas avoir envie de décapsuler une 666ème bière sur Beer Time ? Ne pas la recracher
aussitôt sur Mon Amour ? Ne pas
brailler en yaourt sur Naatas ou
headbanguer de bonheur en écoutant Wall
Of Death ? Beaucoup mieux enregistré que Kill ! Kill ! Kill ! dont le côté lo-fi faisait aussi beaucoup pour le
charme, No Snare No Headache surprend
même par son degré de sophistication, toutes proportions gardées évidemment, et
d’achèvement. Moi je vous le dit : Mr
Marcaille est peut-être un fouteur de merde notoire, un rigolo du goulot et
un exhibitionniste sans peur et sans reproche mais c’est aussi et surtout un
esthète jubilatoire. Donc finalement je l’aime, oui.
[No Snare No Headache est publié en
vinyle par Aradje, Les Disques De La Face Cachée et Urgence Disk]