J’aime beaucoup
l’histoire de ce disque. DRUNK MEAT est
un duo de Bordeaux et alentours composé de Céline et Romain. A eux deux ils
jouent de la guitare, de la basse, du synthé et ils chantent – surtout le
garçon. Initialement publié en
CDr à la fin de l’année 2019 (et toujours
disponible sous cette forme pour les amoureux des technologies archaïques d’un
passé révolu) Plus Ça Va Moins Ça Va
a finalement bénéficié au printemps 2021 d’une parution en vinyle grâce à POUet ! Schallplatten,
un label d’Orléans très résistant et qui depuis 2009 a sorti une grosse
vingtaine de références parmi lesquelles on compte des disques très écoutés par
ici : La Race, Plastobeton, Le Chomage, Colombey, Delacave, Ventre De
Biche, Télédétente 666, Besoin Dead, Zad Kokar… tu vois le genre ? Un
genre que j’aime bien.
C’est parce qu’au départ ils n’arrivaient pas à trouver de labels intéressés pour publier
Plus Ça Va Moins Ça Va et donc un peu par dépit que les deux Drunk Meat s’étaient finalement lancés dans
l’autoproduction... Évidemment personne
de normalement constitué et de raisonnable n’aurait parié un kopek sur un groupe plutôt inconnu. Et
il faut une bonne dose d’inconscience et d’abnégation pour (s’) investir dans
la publication d’un enregistrement qui combine aussi justement acidité
mordante et langueur brulante. On peut dire merci à Wilfried et à POUet! Schallplatten.
En dehors du fait que j’ai toujours envie d’écrire un « The » devant
son nom, Drunk Meat est un vrai
paradoxe à lui tout seul, entre no-wave lancinante et garage opiacé, le tout
assaisonné de lignes de synthétiseur en forme de pierres tombales. Ça crisse,
ça grince, ça racle et ça perturbe. C’est d’une noirceur souvent dérangeante et
d’une froideur inquiétante, dans la droite lignée de certains groupes de La
Grande Triple Alliance Internationale de l’Est (dont Drunk Meat ne fait pas partie). Une certaine façon de retenir le
mordant de la guitare pour la rendre encore plus dangereuse. Un chant
apparemment détaché mais corrosif et des paroles directes – en français – qui
suintent le malaise, l’absurde et même la colère. Et puis c’est dingue comme la
figure du patron arrive à concentrer toujours autant de dégoût et de rejet…
Plus d’une année sépare la version CDr de Plus
Ça Va Moins Ça Va de son édition en vinyle. Une grosse année de rien, je ne
te l’apprendrai pas. Ce qui n’est pas très grave : entretemps la pochette
a été repensée par Zad
Kokar, le master vinyle a été assuré par Seb Normal et
aujourd’hui, paradoxalement et ironiquement, Plus Ça Va Moins Ça Va s’offre une deuxième vie bien méritée. J’aurais
pu terminer cette fausse chronique sur un « retenez bien ce nom »
démagogique et décalé, un peu comme un tyran de l’internet prescripteur – mon
fantasme absolu de mec frustré, tu penses bien – mais Drunk Meat vaut largement plus que ça, bien plus qu’un bon point numérique
au milieu des courants et des reflux d’informations oubliées dès le lendemain. Tout
le monde a besoin d’air et de temps.