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jeudi 17 juin 2021

Black Ink Stain : Incidents







I See You Dead... le premier extrait d’Incidents positionné aux avant-postes des internets dès le mois d’avril dernier n’avait trompé personne sur les intentions de BLACK INK STAIN, jeune trio clermontois très respectueux des tables de la Loi. Et les premières écoutes de l'album m’ont tout de suite convaincu que j’allais beaucoup aimer ce disque. Cela a été imparable. Avec en prime une enseigne géante de néons électriques clignotant furieusement dans ma tête, me rappelant comme si j’en avais encore besoin cette règle absolue du noise-rock réactionnaire et conservateur – qualité / savoir-faire / tradition – et que je me répète à chaque fois comme un mantra maléfique dès qu’un disque de la trempe de celui-ci tombe entre mes oreilles. Encore du bousin explosif, encore un truc à la fois lourd, gras et puissant, brûlant et froid, un amas de tripailles qui s’adresse d’abord et principalement aux fanatiques et admirateurs d’Unsane, l’incontournable modèle du genre. 

Il y a des choses qui rassureront toujours le dépressif à temps partiel que je suis, qui atténueront toujours mes peurs et calmeront mes névroses et la musique fait partie de ces choses là. Dans Incidents on trouve des riffs qui torpillent, parfois très insidieusement, des lignes de basse qui terrassent, du chant de braillard qui te crache à la gueule, des compositions pesantes et puissantes, du gros son concocté par l’éternel David Weber au studio des Forces Motrices à Genève, un penchant avoué pour la musique urbaine folklorique US du début des années 90 et pour la perpétuation des traditions charcutières. Et, plus que tout le reste, il y a cette possibilité offerte sur un plateau de s’isoler, solidement entouré par un mur du son dévastateur qui fait le vide absolu tout autour (et là du coup on a un peu moins peur, en tous les cas cela fonctionne très bien avec moi).

Tout bien sûr n’est pas parfait sur Incidents, la deuxième face du disque se traine un petit peu plus en longueur et on se surprend à penser que le riff-leitmotiv de deux notes et demi et très basique de Frozen Stance doit forcément faire un carnage en concert mais qu’à écouter tranquillement à la maison ce n’est pas forcément la meilleure idée du monde. Mais rassurons-nous, sur ce premier album il y a nettement plus de moments vraiment appréciables et fulgurants que de passages réellement ennuyeux. Et les trois Black Ink Stain nous ménagent même quelques surprises, telle que Sans Façon, un titre instrumental avec une technique imparable d’hameçonnage, nous forçant à constamment rester en attente d’une ligne de chant qui donc ne viendra pas… on suit par contre avec délice la basse vrombissante et la guitare qui en profite elle pour se montrer un peu plus aventureuse que sur les autres compositions d’Incidents. Le chant clair au début de Pont Des Goules vient également pondérer un enregistrement qui sans cela pourrait sembler un peu trop monolithique (rien de tel qu’un verre d’eau de vie pour dissoudre les graisses). Parce que même si on aime avoir mal il est toujours bon de souffler un peu. Jusqu’à la prochaine fois. Alors à bientôt j’espère, dans une cave humide ou un hangar pourave, pour (re)découvrir ce disque incandescent en live, dans la vraie vie.


[Incidents est publié en vinyle transparent (avec quelques jolis traces de splashs étoilés noirs et blancs dedans) par Araki, Day Off et P.O.G.O. records – très actif et vénérable label franco-belge, au moins 150 référence au compteur depuis le temps, quand même]