Bonne
nouvelle : Good Thing They Ripped Up
The Carpet, le quatrième album d’EXEK,
est annoncé pour le début du mois de juin sur le label australien Lulu’s Sonic Disc Club – en espérant toutefois
qu’il y ait une édition européenne du disque, sinon ce sera peine perdue pour
le dégotter par ici à moins d’accepter de payer un bras (mais heureusement que le
peer-to-peer nous sauvera toujours de l’inflation des frais de port).
En
attendant intéressons-nous plutôt aux tout débuts du groupe d’Albert Wolski.
Castleface records vient en effet de rééditer Biased Advice : il s’agit à l’origine d’une compilation de
2016 reprenant la première cassette quatre titres des australiens (publié en
2014) ainsi qu’une longue composition parue elle sur une autre cassette, partagée
en compagnie de l’éphémère Halt Ever (en 2015). Les quatre premiers titres
avaient à l’époque été remaniés avec des pistes de basse et de guitare réenregistrées.
C’est sans doute pourquoi Biased Advice
sonne toujours aujourd’hui comme un véritable album, assez homogène. Et surtout
Biased Advice présente déjà nombre de
caractéristiques et de qualités de la musique d’Exek.
Cette réédition
tombe ainsi vraiment à pic. La nouvelle version de la pochette aussi. Mais lorsque
je relis la chronique consacrée
au phénoménal – n’ayons peur de rien – Some
Beautiful Species Left, je me demande toutefois ce que je vais bien pouvoir
trouver comme nouveaux arguments pour vanter les mérites d’une musique et d’un
groupe que j’apprécie tout particulièrement. Fait notable, donc, tout Exek est déjà contenu dans Biased
Advice et le groupe ne fera que plus ou moins décliner les mêmes éléments
musicaux sur ses enregistrements suivants (à l’exception notoire du 12’ A Casual Assembly à base uniquement de synthétiseurs, de basse,
de trompette et de voix). Cela ne rend pas le groupe moins intéressant et, bien
au contraire, je trouve son premier album encore plus fascinant. Serait-ce le
meilleur ? Peut-être bien, oui.
Complètement ancré dans le post-punk anglais de la grande époque, Exek manipule lignes de basse dubisantes
à la PiL, cuivres et percussions rappelant les premiers A Certain Ratio,
tension à la The Fall et un groove motorik tournant au ralenti voire au bord de
l’extinction. Le tout plié en quatre dans un écrin sonore complètement
fascinant. Les rythmiques sonnent fermement rachitique, la guitare est
squelettique et acide, le saxophone perdu dans le brouillard, la voix vaguement
détachée mais pourtant bien présente… il n’y a que cette basse arrondie et
roulée dans des atmosphères codéinées qui vibre massivement, mais à sa façon,
sombre invitation à danser comme si la densité de nos petits corps électrifiés devenait
différente de celle de nos têtes siphonnées à vide. Tout le génie d’Exek est de sous-entendre, au sens
propre comme au sens figuré, que nous faisons que nous agiter entre deux
dimensions parallèles qui s’ignorent brutalement. Et Biased Advice pourrait presque nous dispenser de prendre de la
drogue parce que la musique d’Exek
est une drogue en elle-même.
Occupant toute
la face B avec ses dix-sept minutes répétitives et fluctuantes, Baby Giant Squid est la pierre angulaire
du disque et peut-être même bien la pierre angulaire de toute la musique des
australiens. Ce que l’on y découvre dépasse l’entendement (sic) ; ce que
l’on en retient nous échappe complètement tout en nous rendant complètement
accroc (encore la drogue). Longue déambulation semblant ne jamais vouloir se
terminer et s’échouant sur les rives d’une instrumentation de plus en plus
fantomatique et hypnotique, Baby Giant
Squid révèle des éclats métalliques toujours plus mornes avant de s’enrouler
éternellement dans les boucles analogiques d’un antique delay à bande et sur
fond de vieux synthétiseurs sépulcraux. Tout l’ensorcellement et tous les
effets d’une transe à froid.
[Biased Advice est réédité en vinyle noir ou vert pâle marbré et
même en CD par Castleface]