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mardi 25 mai 2021

Maraudeur : Puissance 4

 





Il se passe quelque chose d’assez spécial dès les quinze ou vingt premières secondes du très alerte et très mothersbaughsien Es Ist Kein Stehlen, le titre d’ouverture de Puissance 4. On y croit tout de suite. On est immédiatement happé par un disque au charme fou, au songwriting gonflé de finesse et d’invention et à l’interprétation débordant de conviction. J’ai l’air d’un pauvre gamin à dire et à écrire cela, comme si je venais de subitement découvrir le Saint-Graal au fond du jardin de ma grand-mère ou la recette magique pour transformer l’ennui du quotidien en rêves éveillés mais c’est exactement de cela dont il s’agit : Puissance 4 est un disque évident. Et MARAUDEUR est un groupe qui l’est tout autant.
Partagé entre l’Allemagne, la Suisse et la France – côté « français » on retrouve Camille, batteuse de Litige et d’URSA ainsi que Morgane, ex-bassiste de Tôle Froide et désormais dans Scarlatine – Maraudeur c’est principalement des synthétiseurs, des lignes de basse très présentes et même centrales, de la batterie, un tout petit peu de saxophone réjouissant, de la guitare aigrelette mais vraiment pas tout le temps, plusieurs voix et du chant en allemand, en anglais et en français (sur le très poétique C’est Caché). Autrement dit le groupe, exclusivement féminin, pourrait être assimilable à la cohorte des formations actuelles qui s’adonnent volontiers aux musiques nées dans les années 80, option synth-punk diraient les connaisseurs en appellations d’origine contrôlée. Un peu de flanger / chorus* sur la basse de Slow Dress vient nous rappeler à quel point il peut faire froid en ce bas monde et à quel point on peut carrément aimer ça pourtant Maraudeur ne pratique ni le copié-collé bête et méchant, ni l’hommage trop respectueux et encore moins le revival accessoiriste.
Non, Maraudeur s’amuse, tout simplement… Par touches successives, en incluant des drôles d’idées et des breaks-surprises, en jouant à fond sur la complémentarité des voix, en emballant tout ça avec une belle vigueur et un entrain qui ne se démentiront pas de tout l’album (file under : Raincoats, etc). Du coup je comprends un peu mieux ce titre d’album qui rappellera à quiconque né au siècle dernier un jeu de stratégie en plastique inventé au milieu des années 70** et que je détestais (mais beaucoup moins qu’Othello, beaucoup plus ancien et sorte de version très appauvrie du jeu de Go, bref). Après tout, aucune personne n’est obligée de perdre son temps à essayer d’aligner quatre pions de la même couleur, on peut aussi les aligner dans l’ordre et de la façon dont on a simplement envie. C’est ce que font les filles de
Maraudeur avec leur musique qui en rappellera peut-être (sûrement) d’autres mais qui reste malgré tout inimitable.


[Puissance 4 est publié en totale autoproduction : le vinyle est d’un beau violet, la pochette est en deux partie dont une sériographie, il y a plein de dessins qui sont tous l’œuvre d’auteur.e.s différent.e.s et le mini-insert photocopié n’importe comment et joint à l’intérieur a à l’origine été écrit à la main – do it yourself]


* comme je suis un peu sourd et que je ne fais aucun effort je n’ai jamais su différencier l’un de l’autre
** vérification faite, le jeu Puissance 4 existe toujours…