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vendredi 14 février 2020

Sheik Anorak / CBG2


Moins c’est plus. C’est en tous les cas ce que semble penser SHEIK ANORAK qui un an après GBG1, un premier 12’ monoface de quatre titres fort réussi et très remarqué, a donné une suite logique à celui-ci avec un deuxième disque de même format, cette fois-ci intitulé GBG2. Dire que ces deux EPs complémentaires forment un tout cohérent et auraient pu être regroupés sur un seul et même album longue durée n’a rien d’une simple vue de l’esprit : même titre ou presque, même souci esthétique avec même type d’artwork minimaliste et même cohérence des couleurs, même beauté austère, même pochette plastifiée laissant apparaitre un beau vinyle transparent*… et puis aussi… même musique ? Oui et non.
Tout d’abord et au risque de me répéter on peut toujours et sans aucune difficulté reconnaitre la musique de Sheik Anorak, que celle-ci emprunte des accents très pop ou qu’elle flirte plus brutalement avec l’expérimental (je pense particulièrement au plutôt ardu Or, encore un disque monoface – tiens tiens – publié il y a presque cinq ans par Poutrage records). Le concert de Sheik Anorak auquel j’ai pu assister il y a quelques semaines allait d’ailleurs dans le même sens et m’a précisément plu pour cette raison là : très varié musicalement il possédait malgré tout un fil rouge, la musique gardant toujours ce caractère d’exigence et d’accessibilité et, surtout, laissant invariablement apparaitre le même sourire heureux sur le visage d’un musicien dont on pouvait sentir qu’il prenait un égal plaisir à explorer toutes les facettes possibles d’un projet toujours plus personnel. 






Avec GBG2 Sheik Anorak aborde le côté le plus électronique de sa musique. Je me rappelle qu’à une époque il s’était lancé dans un side-project purement electro du nom de Bless / Curse (projet semble t-il abandonné depuis) et que depuis cette expérience le musicien n’a cessé de construire des ponts entre son côté pop ou noisy et son côté digital – au même moment il avait également partiellement laissé tomber sa guitare, ses pédales d’effets et autres loopers au profit d’un chaos pad et d’un laptop. Incontestablement des titres tels que le très technoïde GBG et le lancinant Let Go sont issus d’une telle démarche. Sheik Anorak y explore une techno minimale mais toujours narrative : sur GBG un gimmick délicatement fleurissant couplé aux cliquetis de la pédale charley nous rappelle que rien ne devrait être impossible dès qu’il s’agit de donner intelligemment envie de bouger ; Let Go pousse cette logique encore plus loin et je trouve cette seconde composition instrumentale tellement réussie que souvent je me demande ce qu’elle donnerait entre les mains et les oreilles d’un DJ désireux de la remixer en version longue.
Mais il ne faudrait pas oublier non plus que Sheik Anorak est un chanteur et que chanter fait désormais partie intégrante de son mode de création et d’expression (alors que les tout débuts du projet étaient purement instrumentaux). Tout comme We Should Be All Feminists faisait figure de profession de foi sur GBG1, (Hetero)sexual Misconceptions éclaire GBG2 d’une lumière et d’une intensité similaires et nécessairement militantes. Plus loin Rhodium reprend pleinement à son compte l’efficacité mélodique et l’efficacité rythmique de la musique Sheik Anorak pour aboutir à ce qui me semble bien être l’une de ses meilleures compositions à ce jour – avec rythmes martelés, textures sombres, chant volontaire mais pourtant jamais envahissant, presque glacé, simplicité mélodique et trouvailles sonores en guise d’accroche-cœurs électrificateurs. Assurément un vrai tube pour amateurs de danse électrostatique sur permafrost. Je ne sais pas si le prochain disque de Sheik Anorak s’intitulera GBG3 ou autrement mais je l’attends dores et déjà avec beaucoup d’impatience.

[GBG2 est publié en vinyle par Araki records et Gaffer records]

* à ce sujet le label russe Noisy Forecast a édité une cassette regroupant CBG1 et CBG2 – l’écoute en continue de celle-ci est particulièrement bluffante