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mercredi 5 juin 2019

Sheik Anorak / GBG1






C’est plutôt discrètement que SHEIK ANORAK a publié un nouvel EP au mois de mars 2019. Mystérieusement intitulé GBG1, celui-ci a vu le jour un an et demi après l’album North Star dont il pourrait être le prolongement. Mais avec un enregistrement de Sheik Anorak il y a toujours quelque chose de différent, quelque chose qui change, quelque chose de nouveau… si la musique et la sensibilité du musicien sont toujours reconnaissables entre mille, elles ne répètent pas éternellement les mêmes schémas et je trouve la trajectoire musicale de Sheik Anorak aussi captivante qu’exemplaire.

La première composition de GBG1 s’intitule We Should All Be Feminist. Pas besoin d’avoir le détail des paroles pour connaitre leur signification et au delà d’une affirmation formulée naïvement tel un slogan (mais qui n’en est pas moins juste), voilà un titre qui annonce clairement la couleur et la teneur à venir du disque : pour Skeik Anorak être féministe signifie également créer et jouer de la musique avec des femmes, aussi simplement que cela peut se faire, avec toute l’évidence nécessaire aux échanges et au partage. GBG1 sera donc traversé de multiples collaborations féminines. Mais pour l’heure We Should All Be Feminist est une sorte d’hymne, c’est-à-dire qu’il s’agit de la composition la plus pentue de GBG1 : rythmes appuyés, tension vocale au moment du refrain, environnement sonore dépouillé mais sous pression, circonvolutions synthétiques… mais aucune agressivité gratuite, We Should All Be Feminist pose aussi les jalons esthétiques d’un disque plus que jamais sous l’influence apaisante de la lumière suédoise – la Suède étant depuis trois années maintenant la terre d’adoption de Sheik Anorak.

The Last Time a été enregistré en collaboration avec Berget, groupe féminin de Göteborg dont Sheik Anorak est également le batteur. Il tient le chant principal sur The Last Time qui doit néanmoins beaucoup à la musique de Berget, slowcore nonchalamment pastoral et brillamment réussi. Suit le magnifique Without You All enregistré en compagnie d’Anna Henriksson, chanteuse/guitariste/compositrice découverte l’année dernière grâce au Gaffer Fest. La voix d’Anna double et rehausse délicatement celle de Sheik Anorak pour un résultat chargé en émotions ténues avec en particulier une douce mais tenace mélancolie.
La plus belle pièce de GBG1 est peut-être la dernière : Platine est un long instrumental (huit minutes) fait de rythmes répétitifs et de nappes synthétiques ; le rendu est très minimaliste, presque éthéré, poétique et absolument apaisant, réconfortant. Vraiment très beau. En l’écoutant et le réécoutant encore je me suis peu à peu abandonné à rêvasser toujours plus loin, bercé par cette musique pleine de mouvements de couleurs et de formes, comme un petit monde imaginaire encore en création. Ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert la vidéo accompagnant Platine, une vidéo sur laquelle on peut voir les danseuses Gabriella Ceceña et Esse Vanderbruggen – avec cette dernière Sheik Anorak avait en 2016 créé Pattern 0, œuvre/performance entre danse et musique et leurs interactions mutuelles. Les deux danseuses et le musicien travaillent actuellement sur un nouveau projet autour de Platine, complétant ainsi, très provisoirement et de la plus belle des façons, un cycle d’associations musicales, artistiques et humaines.

GBG1 est en plus un objet qui a de la gueule. Évidemment publié par Gaffer records, il s’agit d’un beau vinyle transparent gravé sur une seule face et inclus dans une pochette avec un insert de couleur rouge (tous les deux sont également transparents). Le résultat est aussi esthétique que sobre et affirmé, à l’image de la musique de GBG1. Tiré à seulement une centaine d’exemplaires (bientôt épuisés) on peut malgré tout se consoler avec la version numérique ou en se disant que l’on sera plus rapide pour le prochain EP que Sheik Anorak a prévu de publier pour cet été.