Il suffit d’enlever le obi horizontal qui orne le haut de la pochette de Loud As Laughter et de lire les slogans publicitaires écrits dessus le déchiffrer pour connaitre avec exactitude la composition en oligoéléments de PSYCHIC GRAVEYARD : Eric Paul à la voix, Paul Vieira à la guitare et Nathan Joyner aux synthétiseurs/bidouilles (auxquels il convient désormais d’ajouter Charles Ovett mais il ne joue pas sur le disque). Et comme si cela ne suffisait pas il est également indiqué les différents groupes dans lesquels tout ce beau monde a auparavant participé… Personne ne peut donc ignorer que Psychic Graveyard est un rassemblement de cadors de la noise expé, du punk arty et du synth-hardcore psycho-foutraque. C’est un fait qu’Eric Paul et Paul Vieira ne se quittent plus puisqu’ils ont déjà collaboré ensemble au sein de The Chinese Stars (entre 2002 et 2009) et de Doomsday Student (depuis 2011). J’attends d’ailleurs avec impatience le jour où ils monteront un nouveau duo de reprises sauce magimix de Suicide et de Sonny & Cher qui logiquement devrait s’appeler Eric Paul Vieira. Quant à Nathan Joyner c’est un ancien All Leather et Some Girls*.
Il y a dans la présentation de l’objet Loud As Laughter une belle insistance et une telle ostentation que je ne peux y voir qu’une énième manifestation d’humour sarcastique et d’ironie. Faire un produit tout en se moquant de faire un produit**. Pour brouiller un peu plus les pistes le groupe est même allé jusqu’à publier un premier single sur lequel figure un radio edit de Dead In Different Places et un remix de ce même morceau par le duo house Mstrkrft puis un second single avec Loud As Laughter assaisonné cette fois d’un remix par Angus Andrew (de Liars). Assurément une autre grosse blague. Une de plus.
Loud As Laughter aurait pu être un disque plein d’humour et plein de drôlerie (ce titre se traduisant basiquement par « bruyant comme le rire »). Mais l’humour est assurément grinçant et la drôlerie acide. Voire dépressive. En cela on peut établir un parallèle entre The Chinese Stars et Psychic Graveyard : les deux groupes ont en commun ce côté faussement festif mais réellement déglingué, parfois inquiétant – et éventuellement dansant. La voix et la façon de chanter – sans parler des textes – d’Eric Paul sont si facilement reconnaissables et identifiables que faire des comparaisons est chose aisée et cela dès le premier titre, éponyme : Loud As Laughter lorgne même carrément du côté d’Arab On Radar/Doomsday Student et cette entrée en matière, aussi excellente soit-elle, pose quelques questions. Ce sera donc cela Psychic Graveyard ? Une nouvelle version plus synthétique et plus chimique de ce que l’on connait déjà (et que l’on adore) ? Sans doute nos gardiens du cimetière psychique voulaient-ils d’abord attirer l’attention des amateurs de déviances musicales – ça c’est réussi – mais cette entrée en matière fracassante constitue aussi le titre le moins intéressant de l’album, uniquement par manque d’originalité***. Difficile de s’affranchir de personnalités aussi encombrantes que celles d’un Eric Paul s’égosillant comme un canard en pleine séance de sexe par asphyxie ou de celle d’un Paul Viera et de ses riffs de guitare psychoturbinés.
La suite du disque est autrement meilleure et autrement plus personnelle, en fait dès que le côté synthétique prend définitivement l’ascendant dans la musique de Psychic Graveyard. Mais ce qu’il y a de plus amusant – une fois de plus – c’est que nombre de ces sonorités froides, métalliques et robotiques sont également le fait de Paul Vieira qui transforme sa guitare en générateur anamorphique pour particules électriques. Les compositions classiques sont plutôt rares (le très groovy Cheep Casket et sa ligne de basse roucoulante très présente et sur lequel la batterie sonne comme une vraie batterie**** et non pas comme une pulsation cyber métanphétaminique) tandis que la plupart des autres sentent la parodie monomaniaque de nanars sci-fi (The Night, That’s Not My Blood, Dead In Different Places, etc.).
Au dire du label Loud As Laughter a été composé à distance et via échanges de fichiers son entre Providence / Rhode Island (là où habitent Eric Paul et Paul Vieira) et San Diego / Californie (la ville de Nathan Joyner) et c’est ce dernier qui initiait le processus d’aller-et-retours. Pourtant l’album est relativement cohérent, à défaut d’être totalement passionnant et complètement excitant. Encore une fois l’ombre d’Arab On Radar/Doomsday Student et de The Chinese Stars plane trop sur les destinées de Psychic Graveyard et de Loud As Laughter : l’album est plaisant, c’est-à-dire déglingué ce qu’il faut mais pas de trop quand même car il n’a rien de renversant ni de déstabilisant comme pouvaient l’être ceux des groupes précédents de Paul et Vieira. On s’amuse presque, on danse un peu avec nos amis électriciens – sur l’imparable Victim of a Talk Radio Crisis par exemple – et puis c’est tout. Ce qui n’est déjà pas si mal.
[Loud As Laughter est publié en vinyle et en CD par Skingraft records dont les productions se suivent mais ne se ressemblent décidemment pas]
*aux côtés de Justin Pearson de The Locust, Retox, etc
** outre le fameux obi Skingraft a bien fait les choses avec l’artwork/collage dada de la pochette imaginé par Allison Cole et un insert comprenant paroles des chansons d’un côté et faisant office de poster de l’autre
** outre le fameux obi Skingraft a bien fait les choses avec l’artwork/collage dada de la pochette imaginé par Allison Cole et un insert comprenant paroles des chansons d’un côté et faisant office de poster de l’autre
*** détail amusant, le dernier titre de l’album I Know That Man présente un peu les mêmes caractéristiques, encadrant lourdement Loud As Laughter d’un héritage encombrant
**** batterie jouée ici par Eric Paul, sur la plupart des autres titres celle-ci a été assurée par Mike Kamoo, ingénieur du son d’un studio où Loud As Laughter a partiellement été mis en boite