C’est la première fois que je suis un peu déçu par un album de Multicult. Pourtant j’adore particulièrement ce trio de Baltimore (c’est dans le Maryland et j’espère que depuis le temps tu as remarqué à quel point je suis doué en géographie nord-américaine… non ? tu as raison : je fais ça uniquement pour me la péter un peu plus, je n’ai jamais traversé l’océan Atlantique et sans doute ne le ferais-je jamais, je suis beaucoup trop fainéant pour ne serait-ce y songer). Mais passons. J’adore ce groupe jusqu’à avoir mis un point d’honneur (sic) à me procurer tous ses disques, les albums, les 7’, les splits, etc. Et comme décidément j’aime vraiment trop me faire mousser, je peux te dire que j’ai quelque part dans tout mon bordel bien rangé alphanumériquement le tout premier LP sans titre que le groupe a publié en 2010 et en complète autoproduction, oui je parle bien de celui emballé dans une pochette toute simple, entièrement rouge et qui laisse apparaître les ronds centraux du vinyle, d’ailleurs je ne l’écoute presque jamais.
Le line-up de Multicult n’a pas changé depuis ce premier disque. Par contre sa musique n’a jamais cessé de s’améliorer. Pour résumer un peu vite de quoi on cause, disons que Multicult c’est du noise rock comme j’en écoutais déjà dans les années 90, pas celui qui fait du gras et donne des flatulences mais celui qui sèche vite fait bien fait l’auditeur : une rythmique abrupte, concise et tranchante (la basse est très présente mais se la joue médium ; le batteur est plein de fougue mais ne s’étale jamais), une guitare incisive qui déballe des riffs au scalpel et un chant qui sert à beugler des paroles auxquelles, je l’avoue, je n’ai toujours porté qu’une attention très relative mais qui exaltent l’aigreur et l’ennui d’une existence que seule la musique permet de rehausser un peu. Tu vois ce que je veux dire ? Non ? OK, je recommence : si la musique de Multicult me parle c’est parce qu’elle caresse mon amertume naturelle et un brin auto-complaisante dans le sens du poil – avoue aussi que c’est quand même autre chose que de s’appeler « frustration », de s’habiller en Grand Jury et de jouer de la musique de garçons-coiffeurs pour faire danser les masses dans toutes les Smac du pays. Mais passons, encore une fois.
Que se passe t-il alors avec ce Simultaneity Now qui est donc le cinquième album du groupe ? Rien de spécial en fait. Et c’est précisément là le problème. Des groupes comme Multicult il en existe des tonnes et il faut être sacrément malin – ou vicieux, ce qui en l’occurrence revient exactement au même – pour réussir à tirer son épingle du jeu. Avec les années la musique du trio n’a pas réellement évolué elle non plus, les lignes de basse de Rebecca Burchette sont toujours aussi parfaites, la guitare de Nick Skrobisz également et le temps d’un Caterwaul introductif on peut largement y croire… Seulement un air de déjà-entendu se fait peu à peu sentir. Rien de très gênant a priori me direz-vous puisqu’il s’agit de ce bon vieux noise-rock et que le noise-rock c’est comme la recette des frites, il n’y en a qu’une et il suffit simplement de la respecter*. Sauf que l’absence de riff qui fait vraiment mouche, le côté trop routinier de certaines compositions et l’absence de tubes incandescents finissent par prendre le dessus. Dans son genre Multicult est un bon groupe, un groupe très honorable pour ainsi dire mais qui ne va pas au delà des choses. Quelques fioritures inutiles – une note répétitive au synthé destinée à souligner la guitare sur High Contrast Image Arena, l’instrumental Fed Back Fatigue en fin de disque, toujours avec du synthé, et qui ne porte que trop bien son nom – ne servent qu’à souligner l’impasse stylistique dans laquelle Multicult s’est un peu englué. Après tout, il ne sert à rien de vouloir changer les choses, il suffit de les transcender (tout comme des frites réussies se passent de tout ketchup et autres sauces chimiques industrielles) mais avec Simultaneity Now le trio n’y arrive pas.
[Simultaneity Now est publié en vinyle** par Learning Curve records et en CD par Reptilian records***]
* ce qui est primordial c’est de bien faire cuire les frites en deux fois pour un effet croustillant à l’extérieur et fondant à l’intérieur et, bien sûr, de préparer ses frites avec des vraies pommes de terre et non pas se servir de ces trucs surgelés inventés par l’industrie agroalimentaire
** il existe plusieurs versions : une en vinyle transparent avec des éclats de couleurs bleus, rouges ou verts, une autre avec des bandes de couleurs rouges, une troisième en vinyle jaune avec une grosse tache de rouge (oui encore du rouge) au milieu… je commence à être particulièrement fatigué de toutes ces coquetteries vinyliques qui servent strictement à rien et surtout n’apporte rien à la musique… malheureusement pour les grincheuses et les grincheux il n’existe pas de version en vinyle noir de Simultaneity Now, la tradition ça a pourtant du bon
*** souvent je me demande dans quel état d’abandon serait la scène noise-rock US actuelle sans ces deux labels qui sortent énormément de disques incontournables pour tous les fanatiques du genre
*** souvent je me demande dans quel état d’abandon serait la scène noise-rock US actuelle sans ces deux labels qui sortent énormément de disques incontournables pour tous les fanatiques du genre