Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

lundi 2 septembre 2019

Ty segall / First Taste






Et revoilà TY SEGALL. Déjà ? Oui, déjà ! Sa toute nouvelle livraison* a pour titre First Taste et nous est présentée comme un évènement : le distributeur français (ou le label, je n’en sais rien) a fait apposer sur la pochette du disque un autocollant qui proclame, attention roulements de tambours : « koto, flûte à bec, mandoline, cuivres, double batterie…Ty Segall revient avec une instrumentation radicalement différente ! ». Moi j’adore ce genre de façons de faire qui prennent les gens pour des imbéciles et des quiches. Ça me rappelle toujours la lessive qui lave plus blanc, la bière sans alcool, les légumes bio vendus sous emballage plastique, la voiture électrique qui ne pollue pas, la politique gouvernementale qui est ni de droite ni de gauche (et inversement, bien au contraire), l’autotune comme moyen de lutte contre la nullité vocale, les plateformes de streaming qui rétribuent équitablement les musiciennes et musiciens en droits d’auteur, mon collègue de travail qui fait du sport en salle pour se débarrasser de ses remords et de ses bourrelets de fastfood, Quentin Tarentino qui recycle pour les béotiens acnéiques des scènes du cinéma B, Z ou Q (comme tu voudras) dans des films purement illustratifs et réactionnaires et plein d’autres trucs qui chaque jour tendent à démontrer qu’avoir forcément raison c’est très souvent se tromper soi-même.

Mais continuons avec le marketing, parce qu’ici il y a réellement de quoi faire. Drag City, label régulier de Ty Segall, a vraiment mis le paquet. La pochette rouge de First Taste est, disons-le, assez moche avec son lettrage mi hippie mi art nouilles bas de gamme mais elle s’ouvre en son milieu – l’ouverture pour glisser le disque est donc située au niveau de la tranche du dessus. Cela ressemble furieusement à un triptyque à la gloire de dieu. Et le dieu que l’on découvre en écartant les deux volets latéraux de la pochette possède la tête d’un golem parfumé aux épinards, entouré de ses apôtres à la fraise. C’est d’un kitsch incroyable (je voulais écrire « assumé » mais finalement je pense qu’il n’y a rien à assumer ici tellement tout semble d’un mauvais goût naturel, un peu comme les croûtes peintes en autodidacte par ta logeuse bretonne pendant les vacances) que cela en devient fascinant. Pour un peu j’en aurais presque oublié de lire les notes de la pochette sur lesquelles d’ordinaire je me jette goulument. Ayant repris mes esprit celles-ci m’ont malgré tout appris qu’une fois de plus Ty Segall a enregistré une grosse majorité des instruments, épaulé par quelques mercenaires à la seconde batterie, aux saxophones, aux chœurs ou aux claviers, etc. Ce type m’impressionnera toujours. Et dois-je également mentionner qu’il a évidemment contribué à la partie purement technique de l’enregistrement, chez lui, en Californie ? Voilà maintenant c’est fait.

Pour en revenir à « l’instrumentation radicalement différente » mentionnée ci-dessus il est évident qu’il s’agit d’un pur foutage de gueule. Oui il y a bien de la mandoline sur ce disque. Une batterie doublée et quelques passages décoratifs à la flûte également. Et alors ? Cela ne change strictement rien à la musique et aux compositions de Ty Segall que l’on reconnait ici dès la première écoute. Aucune surprise. Seul l’enrobage change un peu mais si peu, précisément, que l’on ne peut que se dire que Ty Segall a – une nouvelle fois – uniquement voulu s’amuser. Il a bien raison, après tout c’est son disque et c’est lui qui commande. J’admets qu’un Lone Cowboy peut créer l’illusion avec ses cuivres acidulées, son bonheur tout sourires et sa légèreté digne d’une descente de prairie en pente douce (cette prairie se trouve juste devant la petite maison, tu reconnaitras). Mais au delà de ce qui n’apparait que comme quelques coquetteries et enluminures First Taste constitue du pur Ty Segall. Notre homme pourrait se faire enregistrer par Kurt Ballou ou remixé par Emptyset que cela n’y changerait pas grand chose : ce 99ème album ne peut que ravir les amatrices et les amateurs de Ty Segall dont je me demande bien ce qu’il nous trouvera comme décale pour nous faire croire la prochaine fois qu’il ne fait pas toujours la même chose**. Pour l’instant ça passe haut la main, le talent de compositeur de ce cher Ty n’ayant toujours rien perdu de son attrait juvénile et, ultime concession de ma part, First Taste possédant parfois un degré de fraicheur que le musicien avait un peu perdu depuis quelques enregistrements. 

[First Taste est publié en vinyle par Drag City]

* pour l’instant…
** après tout et à titre d’exemple Freedom’s Goblin n’était que la version poilue de la musique de Ty Segall, non ?