Et le grand
gagnant du super concours du meilleur groupe de noise-rock pour l’année 2022
est… Non, je raconte encore n’importe quoi. Ce n’est pas que je n’estime pas le
deuxième album de NERVER au plus au point – bien au
contraire ! – mais disons que les classements, best of, palmarès,
récapitulatifs, prix honorifiques, distributions de médailles et léchages
d’égos et de culs parfumés, ça me gonfle toujours autant et même de plus en
plus, avec l’âge. Ça va avec ma détestation des gens et du monde, tu me diras. Pourtant
Cash est sans aucun doute possible l’album
de noise-rock que j’ai le plus écouté cette année, l’album du genre que je
retiendrais in fine s’il n’en fallait
qu’un seul et alors qu’une fois de plus – quelle période bénie que celle des
sursauts de vitalité avant l’ultime – les
bons disques avec des guitares assassines, des rythmiques-pilon et du chant
braillard ça n’a pas manqué, au moins de l’autre côté de l’Atlantique Nord. Voilà.
Mais affinons un peu le propos. Nerver n’est pas qu’un groupe de
plus qui défouraille et forcera les vieux et irréductibles noiseux à faire
illico dans leurs culottes molletonnées. Question violence musicale, lourdeur,
électricité, bruit et sauvagerie, le trio* de Kansas City en connait assurément
un rayon et sait s’y prendre pour nous étaler sur la gueule son savoir-faire
démoniaque et destructeur. Cash est
un disque intraitable, lourd, gras, tranchant et, éventuellement, malsain, à la
façon dont pouvaient l’être un Unsane au millénaire dernier (tu te
rappelles ?). Toujours les mêmes références, je le reconnais bien
volontiers, mais je n’en trouverai pas d’autres pour tenter de situer un disque
et une musique qui refont l’histoire et remettent les pendules à zéro – tout
comme le 7’ de Mirakler récemment évoqué ici et ce n’est sans doute pas pour rien si
les deux groupes sont des camarades de label.
Mais il y a un truc vraiment à part du côté de Nerver. L’idée de ne pas toujours tout donner directement et
frontalement, de savoir en garder un peu sous le coude, de louvoyer
sournoisement, d’ouvrir quelques fenêtres mélodiques pour aérer et faire
momentanément disparaitre les odeurs de pieds qui puent (Purgatory en est l’un des meilleurs exemples, de même que toute la
fin du morceau-titre, comme une sorte de pied de nez). Derrière la sauvagerie
et les bas instincts, Nerver aime se montrer plus indulgent avec nous et pour notre petite
santé mentale mais le groupe le fait intelligemment, pas pour s’autoturluter et
se faire mousser gratuitement. Pas pour simplement mettre en valeur ses
innombrables et essentiels moment de colère noire, mais parce qu’il aime ça, on
le sent bien.
Un bon disque de noise-rock en 2022 ce n’est certainement pas une
leçon d’originalité ni d’innovation mais une question de sincérité et de
vérité, des deux côtés, celui qui donne comme celui qui reçoit. Avec Cash, Nerver a enregistré un disque qui s’élève au dessus des autres
parce qu’il ne laisse pas le choix et se montre impératif à force de conviction
et de droiture. Ce qui n’est pas donné à tous le monde et en plus je suis
persuadé que Evan Little (basse et chant), Jake Melech (guitare) et Mat
Shanahan (batterie) sont des petits rigolos voire des vrais déconneurs :
on ne peut pas appeler son disque « cash » ni choisir des photos
aussi stupides pour son artwork si on n’en est pas un.
[Cash est publié en vinyle et en CD par The Ghost Is Clear
– la version cassette est disponible chez Knife Hits]
* la nouvelle est tombée il y a peu : Nerver joue désormais à quatre avec l’adjonction
d’un second guitariste…